mercredi 23 novembre 2016

Le Comte de Bouderbala 2

Gymnase Marie-Bell
38, boulevard de Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

Seul en scène écrit et interprété par Sami Ameziane

Présentation : Après avoir présenté pendant huit ans son premier spectacle à Paris et dans toute la France, Le Comte de Bouderbala revient avec son second spectacle.

Mon avis : Sami Ameziane ouvre (enfin) le très attendu tome 2 de son picaresque Livre de Comte (définition de « picaresque » : œuvre dont le héros traverse toute une série d’aventures qui sont pour lui l’occasion de contester l’ordre social)…
Ce deuxième opus est, dans la lignée du précédent, un volet de bois vert. Fidèle à lui-même, notre Comte se complaît à poser son regard malicieux sur toutes ces petites choses qui dysfonctionnent dans notre monde. Il faut dire qu’il ne manque pas de matière. Depuis son premier spectacle, il s’est en effet écoulé presque neuf ans. Même s’il a conservé quelques thèmes qui lui sont constants (étude de textes de rappeurs, les Etats-Unis, les Roms…), ces dernières années ont été tellement riches en événements en tous genres, qu’il a eu de la matière où puiser ses indignations, ses taquineries, ses brocards.


Arpentant la scène du Gymnase de long en large, ne s’arrêtant que pour nous prendre à témoin ou pour jeter son dévolu sur un spectateur, il se livre à un exercice où il excelle, le stand-up à l’américaine. C'est-à-dire qu’il ne nous laisse aucun répit, qu’il enchaîne les sujets sans aucun temps mort (on n’est pas dans un match de basket !). Sami Ameziane est un fin observateur de notre société. Il en possède une vision très personnelle qu’il traduit sur scène avec un mélange détonnant de sarcasme et de sagacité.
Né à Saint-Denis de parents algériens, il sait évidemment qu’on attend de lui sa position sur le djihadisme et les attentats. Du coup, il est pratiquement obligé de commencer son spectacle avec ça. S’appuyant énormément sur l’autodérision il explique, à grand renfort d’images savoureuses, ce que c’est que d’être Musulman en France aujourd’hui. Sa façon très décalée d’aborder la tragédie des terrasses et, surtout, leur épilogue avec l’opération policière à Saint-Denis du 18 novembre, est très habile. Et très drôle. Son évocation du comportement du « héros » de cette fameuse nuit, l’affligeant Jawad Bendaoud, est à hurler de rire.


Cette page tournée, il revient à des choses plus légères… S’appuyant sur des extraits audio, il fustige les lacunes grammaticales des rappeurs ; là où le Booba blesse ! Puis il élargit le débat avec la chanson française en général… Ensuite, il parle pêle-mêle des élections américaines, de la famille, du célibat, des sites de rencontre, de l’homosexualité avec son corollaire le mariage gay, les cyclistes, la crise, les braquages, les réfugiés, la police… Sami ratisse large. Visiblement, tout l’intéresse. S’il a souvent la dent dure, jamais il ne se montre gratuitement méchant ni agressif. Il a plus l’humour sale gosse que bon enfant. En même temps, il se dégage de ses propos beaucoup de vérités, d’évidences. Il ne parle pas pour ne rien dire. Il critique, il dénonce, mais toujours sur le ton de la vanne, ce qui le rend foncièrement sympathique.

Ses spectacles s’apparentent aux formidables « Rubriques à brac » du divin Gotlib car il sait être dans la caricature joviale tout en dénonçant travers, défauts et turpitudes. Il provoque ainsi un rire à la fois complice et libérateur. Comme quoi, les bons comtes font les bons Sami. Et réciproquement…


Gilbert « Critikator » Jouin

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