jeudi 2 mars 2017

Ary Abittan "My Story"

La Cigale
120, boulevard de Rochechouart
73018 Paris
Tel : 01 49 25 89 99
Métro : Pigalle / Anvers

Seul en scène écrit et interprété par Ary Abittan

Présentation : My Story, c’est l’histoire d’un enfant traumatisé ! Traumatisé par un père marocain, chauffeur de taxi, qui lui a transmis cette manie de parler fort. Marqué également par sa mère, Tunisienne, qui lui prenait sa température comme un toréro qui plante une banderille dans le dos du taureau, une maman qui le coiffait et l’habillait sans délicatesse aucune.
Mais la cerise sur le gâteau, c’est que la mère Abittan obligeait le petit Ary à chanter dès l’âge de 7 ans devant toute la famille, debout sur la table, en slip rouge. Madame Abittan aurait pu écrire un livre intitulé «  Comment traumatiser mon fils en dix leçons », avec entre autres chapitres « perdre mon fils dans un grand magasin ». Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ary soigne bien sa mère dans son spectacle…

Mon avis : Avec My Story, Ary Abittan nous propose un spectacle très différent du précédent, A la folie. Laissant totalement de côté sa galerie de personnages et ses sketchs, il nous offre un stand-up très autobiographique. Si, personnellement, je le trouve irrésistible de drôlerie dans le premier registre, j’ai compris les raisons qui l’ont amené à écrire ce nouveau seul en scène. C’était pour lui un passage obligé, plus risqué certes, mais nécessaire. En effet, justifiant le titre de ce spectacle, Ary se livre devant nous à une véritable introspection. On comprend rapidement son besoin de mettre son âme à nu. En nous racontant son enfance, en mettant ses parents en scène, en dévoilant sa vie privée, son mariage, son divorce, sa sœur, ses trois filles, il voulait partager avec nous son intimité. C’est courageux, osé, inattendu, mais psychologiquement primordial. My Story est le sas de décompression qui va lui permettre d’atteindre un nouveau palier et le libérer pour ses prochains spectacles. Il fallait qu’il se débarrasse de tout cela et nous le confie pour pouvoir enfin s’affranchir.


Mais rassurez-vous. Ary Abittan reste Ary Abittan. C’est un conteur, un bateleur hors pair (pas hors père). Il a l’art de tourner en dérision ses problèmes les plus intimes… Silhouette affutée, très élégant, sourire ravageur, voix de stentor, il est visiblement heureux d’être de nouveau face au public. Il occupe la scène pendant une heure et demie avec une débauche d’énergie époustouflante. Incroyable comme il bouge ! On dirait que ses jambes ne lui appartiennent pas, qu’elles sont incontrôlables, indépendantes de son corps.
N’hésitant pas à afficher sa fragilité et à assumer son désarroi face à sa filiation, à ses relations homme-femme, à ses rencontres amoureuses, à l’infidélité, il choisit de s’en amuser et, en nous prenant à témoin, de nous faire rire avec. Ary, qui possède déjà un incroyable capital sympathie, le renforce encore. Nous sommes en empathie avec lui. Ses doutes, ses questionnements, nous les partageons.


Mené tambour battant, son spectacle est un modèle de communication et d’interaction. Il joue avec la salle. Et le public, victime consentante, se fait complice. Champion de la rupture, il ne cesse de nous surprendre. En plein milieu d’un délire tonitruant, il s’arrête, prend une voix grave et se livre à une réflexion chargée de sens dont il tempère l’émotion en lui collant l’étiquette France Culture… Ou alors, soudain, il pousse une beuglante, interprète une chanson, se livre à un exercice de gymnastique… Il s’autorise deux petits clins d’œil à son précédent spectacle en convoquant brièvement l’ineffable Michel Varuk ou en jouant un extrait d’un de ses meilleurs sketchs, T’es ou ?... De même se sent-il un peu obligé de consacrer une petite parenthèse de reconnaissance en rappelant tout ce qu’il doit sur le plan de la popularité au succès du film Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?

My Story est un spectacle que l’on n’attendait pas ; du moins sous cette forme. Il confirme néanmoins la virtuosité, la sympathie et la générosité de l’humoriste. Il nous dévoile également une sensibilité que l’on n’imaginait pas lorsqu’on le voit faire le pitre sur les plateaux de télé. Ce one-man show est bien plus subtil qu’il n’y paraît. On rit tout le temps et, en même temps, il y a un double niveau de lecture qui donne à réfléchir un tantinet. Finalement, ce n’est pas si facile que ça d’être Ary Abittan…

Gilbert « Critikator » Jouin


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