vendredi 8 février 2013

Mustapha El Atrassi


Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 45 23 35 45
Métro : Grands Boulevards

Textes de Mustapha El Atrassi, Florian Gazan, Morgan Spillemaecker
Mise en scène de Morgan Spillemaecker

Le propos : Après avoir foulé les scènes américaines, Mustapha El Atrassi nous revient plus fort que jamais, des idées plein la tête. C’est seul en scène que ce jeune homme se transcende dans cet art de faire rire. L’œil vif et pétillant, il nous emmène, et parfois même nous malmène, dans un univers où il sait dénoncer les travers qui nous pourrissent la vie, toutes ces choses qui nous angoissent et nous gênent… C’est en véritable comédien que Mustapha, maître de l’improvisation, joue et se joue de lui-même.

Mon avis : C’est évident, Mustapha El Atrassi aime la scène. Il a besoin de ce contact direct avec le public. Dans son précédent one man show, déjà brillant au niveau de la tchatche, il s’était montré à la fois un peu gêné aux entournures et chien fou. Trois ans après sont passage à l’Olympia, c’est un tout autre « Mouss » qui se présente sur la scène su Trévise. Bien que cela ne se voie pas physiquement, il a pris des épaules, de l’aisance, de la confiance. Ce qui se traduit autant dans sa façon de bouger que dans le contenu de son spectacle.

Son entrée en scène est d’une sobriété exemplaire. Pas d’effets superfétatoires genre « attention, je me suis produit aux Etats-Unis et à Montréal au côté des plus grandes stars américaines du stand-up, vous allez voir ce que vous allez voir !... » Pas du tout. On le retrouve tel qu’en lui-même, avec seulement beaucoup plus d’assurance.

Avant même de parler, avec son seul sourire enjôleur et son œil malicieux, on sent qu’il a le public dans sa poche. Son capital sympathie est indéniable. Et ce fameux sourire, si naturel et encore enfantin va lui permettre de faire passer certaines horreurs, certaines audaces et, surtout, d’authentiques messages. Car il y a deux niveaux de lecture dans son spectacle. Il y a de la pure gaudriole, de la méchante vanne un peu gratuite (il adore chambrer) et une vraie jubilation à provoquer et à choquer. Ce qui laisse parfois des trash. Mais derrière ce qui est sa marque de fabrique, cette impertinence à laquelle il nous a habitué en radio et à la télévision, il y a une vraie réflexion. Il a des indignations qui donnent à méditer. Mais j’y reviendrai…

Mustapha est l’archétype du stand-upper. Il parle, il parle, il parle. Il parle de sa vie, de son enfance, des métiers qu’il n’aurait pas pu faire, des anomalies et des dysfonctionnements de notre société, de sa passion pour les animaux, il se moque de son physique, exprime son incompréhension à propos de certains comportements féminins, évoque fréquemment les réseaux sociaux… Il s’amuse, se révolte, dénonce, rit de lui-même. Il possède en plus une remarquable aptitude à rebondir sur les réactions du public. Il adore reprendre de volée une réflexion émise à voix haute et la renvoyer magistralement à son expéditeur.

Il utilise toutes les richesses de la langue française et étaye son discours d’images souvent très originales. Pour vous donner un seul exemple, ma saillie préférée a été : « La dernière fois qu’elle a pris une douche, c’est quand sa mère a perdu les eaux »… Chansonnier moderne, c’est également un adepte du name dropping. Le public adore quand il stigmatise tel ou telle célébrité.

Enfin, pour approfondir ce deuxième niveau de lecture que j’ai évoqué plus haut Mustapha El Atrassi ne s’autorise aucun tabou. Il s’appuie sur son goût avoué pour la pratique de l’onanisme et son appétence pour les sites porno pour développer le problème que les « Rebeus » ont avec le sexe. Je vois de nombreux one man shows, mais c’est la première fois que je vois un humoriste d’origine maghrébine pratiquer ainsi l’anti-communautarisme, le revendiquer et l’argumenter aussi intelligemment. Les choses sont dites avec le sourire, mais elles sont dites. Et si elles trouvent écho chez quelques uns, c’est on ne peut plus bénéfique et positif…

Mustapha parle donc sans discontinuer pendant une heure et demie. C’est déjà une performance en soi. Evidemment, il ne peut pas être au top de l’ingéniosité pendant 90 minutes. Dans le premier tiers de son spectacle, il a abordé des sujets qui ne m’ont pas spécialement amusé (les babas-cools, les hommes aux cheveux longs, son chat). Mais c’est à peu près tout car, dans les deux autres tiers, il franchit un palier et, tel un coureur de fond, il trouve son plein régime et finit de plus en plus fort.
Et, lorsqu’il salue à la fin de sa prestation, c’est le public qui, en un mouvement spontané de remerciement et de partage, est « stand-up » devant lui…

1 commentaire:

VK a dit…

Tout à fait juste et joliment écrit. Envie d'en découvrir plus.
VK