mercredi 18 mai 2011

Le Cercle des joyeux désespérés


Comédie de Paris
42, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 00 11
Métro : Blanche

Une comédie de Karine de Démo
Mise en scène par Philippe Sohier
Avec Charlie Bruneau (Lili), Karine de Démo (Mona), Lionel Auguste (Pierre)

Ma note : 6,5/10

Le sujet : Mona, Lili, Pierre… Tous les trois sont sympas, sensibles, menteurs, donc fatalement humains un peu comme vous… Surtout si vous êtes désespérés. Aujourd’hui, si le tunnel peut paraître un peu long, ces trois « héros » peuvent vous prouver que l’espoir est toujours au bout du rouleau.

Mon avis : Me voici une fois encore partagé avec une comédie très « regardable » mais présentant un déroulé en dents de scies. Comme ma note tend à l’indiquer, j’accorde à cette pièce 65% d’intérêt positif. Ce qui est tout de même pas mal.
Evacuons donc en priorité ces 35% qui m’ont gêné. Certaines situations et, partant, les dialogues qui vont avec sont parfois un peu légers, sinon confus. Il y a en effet quelques moments un peu incohérents qui nous font décrocher. Pendant le première moitié de la pièce, on essaie de disséquer le profil psychologique de Pierre tant il nous semble – et là je ne critique pas la qualité du comédien qui joue ce que l’on a écrit pour lui – creux et puéril. Même s’il est de notoriété publique que les hommes restent longtemps de grands enfants… Le texte est saupoudré de blagues un peu faciles et de temps à autre alourdi pas des digressions superflues qui confinent au remplissage. Enfin, les scènes « pubisiennes », un « poil » trop farces dès qu’elles durent, auraient plus de saveur si elles étaient moins appuyées. Autant elles peuvent paraître plausibles si l’on se réfère à la psychologie du personnage de Lili, autant il ne faut pas justement en forcer le trait. En même temps, il ne faut surtout pas les supprimer car elles ont un réel impact sur le public en raison de la cocasse incongruité de l’image que cela génère…

Abordons maintenant l’aspect positif de cette comédie. L’idée de fond est suffisamment originale pour nous séduire alors qu’elle traite quand même d’un mal-être patent. L’humour noir est une tradition française et c’est une bonne thérapie que de rire de nos fragilités, de nos angoisses existentielles, de nos turpitudes… La force de cette pièce, c’est aussi (et surtout ?) la qualité de ses interprètes. Les deux jeunes femmes sont absolument épatantes. On croit sans mal à leurs personnages tant elles y mettent d’énergie, de conviction et de drôlerie. Ils sont en outre parfaitement structurés sur le plan psychologique… Karine de Démo est vraiment excellente dans le rôle de Mona. Une Mona qui a toutes les raisons d’en vouloir à un destin qui ne l’épargne guère. Logique que son avenir sente un peu le gaz. Sa robe noire, sa chevelure sombre et sa volonté d’en finir sont autant de clins deuil pour dessiner son personnage. Toute entière dans sa désespérance, elle refuse toute aide extérieure et se cabre devant le comportement envahissant de sa voisine. Peu à peu, elle évolue, retrouve goût à la vie, devient plus joueuse, plus espiègle, plus lumineuse, plus vivante quoi !... Dans le rôle de Lili, Charlie Bruneau joue à merveille, bien qu’elle soit exagérément positive en tout, l’exact négatif de Mona. Autant cette dernière est sombre, autant elle est blonde et vêtue de couleurs claires et vives. Elle s’investit dans son rôle de saint-bernard avec un enthousiasme et une opiniâtreté sans faille. Plus intrusive qu’elle, tu ne peux pas mourir. Sans gêne et autoritaire, hyper protectrice avec sa voisine comme avec son mari, elle s’embarque parfois dans des explications et des théories fumeuses. Son ultra positivisme et son argumentation sont souvent à la limite de la nunucherie. Une nunucherie qu’elle abandonne au moment où les rôles s’inversent (un des bons ressorts de la pièce) pour se révéler elle aussi fragile et touchante… Mona et Lili sont, vous l’aurez compris, deux jolis rôles de femmes… Quant au garçon, Lionel Auguste, il est malgré son physique avenant et sa voix mâle, un ton en dessous. Comme je l’ai souligné plus haut, il n’en est pas responsable. Mais son personnage de Pierre nous échappe un peu. Trop caricatural au début (on ne comprendra pourquoi qu’à la toute fin), il emploie un ton trop docte pour exprimer sa vision amère et désabusée de la société. A partir du troisième tableau, il nous surprend par sa soudaine métamorphose en s’affichant en érudit absolu et en brillant analyste des relations hommes-femmes. Son rôle est très important car il sert à la fois de contrepoids et de révélateur à ces deux donzelles aux caractères très affirmés…

Bref, pour inégale qu’elle soit, cette pièce se laisse voir avec plaisir. D’abord parce que les comédiens, visiblement très complices, sont fort sympathiques. Ils font preuve d’une belle énergie et nous offrent de jolis moments de fantaisie, voire de folie. A la décharge de l’auteure (Karine de Démo), il n’est pas aisé de réaliser la quadrature du Cercle (des joyeux désespérés) en nous tenant amusés non stop pendant une heure et demie. D’où, malgré un rythme élevé, certains petits coups de mou et quelques incohérences. Mais, quand on sort, il reste que l’on a passé un plutôt bon moment dans l’agréable petite salle de la Comédie de Paris. Comme on en sort assez joyeux, il n’y a donc pas de quoi désespérer. Et ce divertissement honnête devrait rapidement trouver son public.

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