dimanche 29 juillet 2012

Festival de Ramatuelle


Du 31 juillet au 11 août

Comme chaque année depuis la disparition de Jean-Claude Brialy, c’est Michel Boujenah qui est en charge de la programmation du Festival de Ramatuelle. Et, comme chaque année, il a concocté un programme à son image, éclectique et à la fois haut de gamme et populaire.
Sept pièces, trois tours de chants et une soirée spéciale humour sont à l’affiche des douze soirées de ce Festival si prisé.

Personnellement, sur les sept pièces proposée, j’en ai vu quatre : Ladies Night (31 juillet & 1er août), Hollywood (3 août), Le début de la fin (9 août) et Les Conjoints (10 août)… Aucune ne se ressemble. Ladies Night est une comédie sociale, sans tête d’affiche ; elle est attachante, drôle et pleine d’humanité… Hollywood, c’est de la folie pure, un délire qui va crescendo avec trois comédiens époustouflants… Le début de la fin, c’est du Sébastien Thiérry, c’est-à-dire farfelu, déjanté, burlesque, mais avec une morale et une vraie réflexion, avec un grand Richard Berry et la confirmation Jonathan Lambert… Les Conjoints, c’est un boulevard moderne, une variation sur le couple avec une légère acidité, portée par un quatuor convaincant.
Quant aux trois autres, Quadrille (2 août), Henri IV le Bien-aimé (6 août) et Le Tartuffe (7 août), leur distribution parlent pour elles : Berléand, Arbillot, Pernel pour la première, Balmer et Agenin pour la deuxième et Brasseur-Chesnais pour la troisième. Un gage de qualité…

Côté chanson, là aussi c’est du lourd. Thomas Dutronc (4 août) s’est totalement démarqué de ses illustres parents en adoptant un univers où dominent le swing et la guitare manouche avec des textes qui tiennent bien la route… Laurent Voulzy (8 août), on ne le présente plus. Il fait partie du patrimoine. Son récital, tiré par la pop esthétique de son dernier album, est un pur régal pour les amateurs de jolies mélodies… Enfin, le Festival se terminera en beauté (physique et vocale) le 11 août, avec la radieuse Nolwenn Leroy et ses chansons celtes. Cette fille est magique.

Reste la soirée humour… Là, c’est la came de Michel Boujenah. Il a invité trois « faiseurs de rire » de ses amis dont François-Xavier Demaison et son extravagante galerie de personnages, ce qui augure d’un excellent moment à passer.

vendredi 27 juillet 2012

J'aime beaucoup ce que vous faites


Palais des Glaces
37, rue du Faubourg du Temple
75010 Paris
Tel : 01 42 02 27 17
Métro : République / Goncourt

Une comédie de Carole Greep
Mise en scène par Xavier Letourneur
Avec Thierry Lavat ou François Raison, Karina Marimon ou Juliette Poissonnier ou Raïssa Mariotti, Stéphane Jaubertie ou Jean-Luc Muscat, Caroline Frossard ou Florence Savignat

L’histoire : Comment une fausse manœuvre avec un téléphone portable vous fait découvrir ce que vos meilleurs amis pensent de vous en réalité, et ceci, juste avant leur arrivée pour un week-end dans votre maison de campagne…

Mon avis : Et bien, pour être en adéquation avec le titre de la pièce, j’ai bien aimé ce qu’ils ont fait les quatre comédiens sur la scène du Palais des Glaces…
Ce n’est certainement pas LA comédie à voir absolument, mais quand un spectacle entre ainsi dans sa dixième année d’existence, c’est tout de même qu’il y a un truc. Ben voui, on passe un bon moment. L’histoire tient la route, la mise en scène est vive et bien rythmée et les acteurs sont impeccables.

Cette pièce n’existerait pas sans le téléphone portable. Cet appareil est directement le héros de la comédie. Il est le responsable du prétexte liminaire et, vers la fin, l’outil d’un ultime rebondissement.

Nous sommes dans le modeste salon d’une maison de campagne occupée par Carole et Charles. Ils forment tous deux un couple simple et aimant. Ils adorent se taquiner, il est évident qu’ils s’entendent bien. Lui est auteur de romans et de scénarii « thrillers érotico-gore ». Il rêve de se voir publié ou joué. En attendant, c’est Caroline qui fait tourner le ménage. Elle est dévouée, conciliante, pleine de « bonne volonté » et tout-à-fait consciente de ses lacunes en cuisine. Mais elle fait de son mieux… Lui, il est cool, limite timoré, il n’aime pas faire de vagues.

Ils se préparent à recevoir pour un week-end un couple d’amis, enfin, de supposés amis, Pierre et Marie. Pierre est producteur, et comme  il a des relations dans le monde de l’édition, Charles lui a confié un manuscrit et un scénario. Il attend donc beaucoup de l’entregent de son « ami ». Tout en se chamaillant tendrement, Charles et Caroline évoquent les espoirs placés dans cette invitation. Quand, soudain, le téléphone sonne. Le répondeur, qui est en permanence branché, s’enclenche.
Par une habile astuce de mise en scène, apparaissent Pierre et Marie dans l’habitacle de leur voiture. Ils sont paumés en pleine cambrousse et veulent de l’aide de leurs hôtes. Mais comme ils tombent sur le répondeur, ils ne laissent pas de message. Sauf que…
Sauf que Pierre oublie de couper son portable et que la conversation qu’il poursuit avec Marie va se répandre chez Charles et Caroline par le truchement du répondeur toujours allumé… Et ce qu’ils apprennent sur leurs supposés amis, c’est gratiné ! Ils découvrent leur peu de considération, une indifférence qui frise le mépris. Mais surtout, ils entendent Pierre se vanter  non seulement de ne pas avoir lu le roman de Charles, mais aussi de ne pas avoir encouragé une amie éditrice à prendre son livre. Caroline en prend aussi pour son grade, tant pour son physique et pour la médiocre qualité de sa cuisine…

Désormais Charles et Caroline sont informés de la réelle « amitié » de Pierre et Marie. Caroline, plus réactive que Charles, décide qu’il n’y a qu’une attitude à adopter à leur égard : la vengeance. Son mari, un peu réticent au départ parce que foncièrement gentil, se pique au jeu et se range rapidement de son côté.
Ce qui est amusant, c’est que nous, dans le public, on sait qu’ils savent ce que Pierre et Marie pensent d’eux. On se prépare donc avec jubilation à la confrontation. Et on ne va pas être déçu. Pierre et Marie non plus, d’’ailleurs.

Charles et Caroline s’amusent comme des chats avec les souris qui retardent sadiquement le moment de croquer leurs proies. Celles-ci, inconscientes du piège dans lequel elles sont tombées, sont insidieusement amenées à faire de la surenchère dans le mensonge et la mauvaise foi. C’est un double-mixte où tous les coups sont permis, surtout les plus vicieux. Et là, il faut saluer la qualité des quatre comédiens.
Le gros problème, comme ils sont interchangeables, on ne sait pas qui joue qui. On devrait afficher à l’entrée du théâtre la distribution du jour. C’est frustrant autant pour nous que pour les comédiens.
En tout cas, le quatuor que j’ai vu hier soir m’a emballé. Chacun a un profil et un caractère bien dessiné. On a vu ce qu’il en était de Charles et Caroline, couple sympathique et « normal » au demeurant… Le second couple, rôle oblige, est nettement plus pittoresque. Pierre a élevé l’hypocrisie au rang d’art. Il est pédant, prétentieux, m’as-tu-vu, flagorneur… Quant à Marie, c’est la cruche-type, que dis-je, une amphore ! C’est une bimbo snobinarde et siliconée (dans silicone il y a « conne »), une fashion victim, et elle est terriblement basse de plafond. Je me suis régalé devant la performance de la comédienne qui la campait. Elle a des décrochages de voix, des couinements à mourir de rire…
Chaque comédien est parfait dans son registre. Même si les femmes font preuve d’un peu plus de présence et d’abattage. Mais la synthèse est complètement réussie. Les dialogues sont plutôt bien troussés (Carole : « Le plaisir que je prends à dire du mal ! ». Charles : « On peut se dire la vérité entre amis… »). Hormis une toute petite longueur, toutefois nécessaire, quand Charles veut faire raconter son roman à Pierre, qui entraîne une courte baisse de rythme, je n’ai pas vu le temps passer.
J’aime beaucoup ce que vous faites est une pièce sympa, fraîche, qui n’a pour prétentions que de nous amuser, dans laquelle on reconnaît le savoir-faire à la mise en scène de Xavier Letourneur, particulièrement à l’aise dans ce genre de comédie basée sur la turpitude humaine.

vendredi 20 juillet 2012

PSG Saison 2011-2012


Paris Saint-Germain
Saison 2011-2012
« La marche en avant »


Alors que s’annonce une saison exceptionnelle pour le Paris Saint-Germain avec les recrutements astronomiques de Zlatan Ibrahimovic et de Thiago Silva, il paraît intéressant d’analyser la trajectoire du club vers le gotha des grandes équipes européennes en revivant sa saison 2011-2012.

2011 a marqué un grand tournant, une véritable révolution même, avec le rachat du club par le Qatar Investment Authority représenté par Naser Al-Khelaïfi. Avec l’apport d’une manne financière insolente, le club de la capitale a commencé à prendre une dimension réellement européenne. Dans un premier temps, les Qataris ont nommé Leonardo au poste de manager général. Puis, en décembre, ils ont remplacé Antoine Kombouaré, entraîneur plus qu’honorable, par une pointure d’envergure internationale, Carlo Ancelotti. L’ex-capitaine de l’AS Roma, est arrivé auréolé de nombreux titres : championnat d’Italie et Ligue des Champions avec le Milan AC, doublé coupe-championnat d’Angleterre avec Chelsea…

Avec de tels hommes l’ambition est affichée. Qui dit grande équipe, dit grands joueurs. Leonardo, qui a joué entre autre au PSG et à Milan, recrute d’abord en Italie : Sirigu, Ménez, Sissoko, et, surtout, Pastore viennent poser leurs crampons du côté du Parc des Princes. D’autres internationaux les rejoignent : Gameiro, Matuidi, Bisevac, Lugano, étoffant considérablement l’effectif. Au mercato, trois nouvelles têtes font leur apparition. Là encore, c’est du lourd : Alex, Maxwell et Thiago Motta…
Le PSG devient l’équipe à battre.

Pourtant, avec cette équipe constellée d’étoiles, le bilan de la saison 2011-2012 n’est que satisfaisant. Les éliminations prématurées en Ligie Europa et surtout en Coupe de la Ligue jettent une ombre sur le tableau. La défaite en quarts de finale au Parc contre l’Olympique Lyonnais, le futur vainqueur, est dure à digérer.
Heureusement, reste le Championnat. En dépit d’un parcours remarquable, le PSG qui a failli dans deux ou trois matchs, doit se contenter de la deuxième place derrière une surprenante et joueuse équipe de Montpellier. Mais ce classement permet au PSG de se qualifier directement pour la plus prestigieuse des compétitions : la C1.

Vous pouvez donc revivre cette épopée 2011-2012 dans un superbe DVD. Des buts à la pelle, des actions de jeu de grande classe, des images exclusives, des interviews inédites et, en bonus, le zapping de l’année… Le PSG taille « galactique » a pris son essor au cours de cette saison. Maintenant, il est en marche et plus rien de devrait l’arrêter dans sa conquête d’un palmarès de rêve.

vendredi 29 juin 2012

Bruno Coppens "Le Fond de l'ère effraie"


La Pépinière Théâtre
7, rue Louis-le-Grand
75002 Paris
Tel : 01 42 61 44 16
Métro : Opéra

Spectacle écrit par Bruno Coppens
Mis en scène par Eric de Staercke
Avec Bruno Coppens et Pierre Poucet (pianiste-comédien)
Chansons d’Eloi Baudimont
Lumières de Benoît Lavalard

Le thème : Quand une fille de 20 ans vous assassine d’une phrase : « Ma mère aime beaucoup ce que vous faites ! »… Lorsqu’en parlant avec vos propres enfants, vous sentez que vous vivez en plein décalage horreur… Lorsque vous ne maîtrisez même pas l’option dictionnaire de votre portable… Y’a de quoi être vénère ! Bruno Coppens est un quinqua vénère. Alors, il va réagir… Et découvrir le secret de la jeunesse éternelle...

Mon avis : Bruno Coppens, c’est le chaînon manquant entre Raymond Devos et Vincent Roca. Comme eux, c’est un « Maître-mots », un homme qui a, poussée à son plus haut degré, l’éthique de la phonétique et une curieuse manie de manier le verbe. Non seulement il souffre de « dico »-tomie, mais il s’aime en tics ; en tics de langage. Et, paradoxalement, alors qu’il dénature les mots, on ne peut être qu’en bons termes avec lui… Bref, vous l’aurez compris, ne serait-ce qu’à travers le titre de son spectacle, Le Fond de l’ère effraie, Bruno Coppens est un redoutable manipulateur de la langue, de la conjugaison et de la grammaire. Comme son célèbre homologue Yves, il est lui aussi un paléontologue. Mais qui s’intéresse plus aux faux-syllabiques qu’aux fossiles.

Nous sommes dans un bar. Un bar où trône un piano. Un piano-bar, quoi. Riton, le barman, essuie les verres au fond du café, il n’a rien d’autre à faire que d’écouter les divagations de son dernier client, Bruno Coppens. Il n’a qu’une envie, c’est qu’il la ferme pour pouvoir fermer son petit établissement. Mais il est bien trop courtois pour être ferme. D’autant que Bruno lui confie qu’il fête ce soir son 50è anniversaire. Alors, magnanime, Riton paie sa tournée et condescend à écouter les réflexions de son client. C’est que sa vie n’est pas toute simple au Bruno. Il a des soucis avec un smart-phone particulièrement indiscipliné, des problèmes de communication avec ses deux enfants, et sa petite amie est en train de le quitter. Il traîne ses casseroles avec un mélange d’incompréhension et de philosophie. On peut dire qu’en plein questionnement, ce quinqua y est.

Bruno Coppens est également atteint d’une déformation, d’une forme rare de dyslexie. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il remplace des consonnes pas d’autres sans que cela n’altère la compréhension. Tout repose sur la consonance. C’est très, très drôle. Poétique et drôle. Par exemple : « 50 ans, ça cirrhose : à moi la vie en rôle ! »… Toujours aussi disponible et compréhensif, Riton se glisse devant le piano et accompagne Bruno dans une première chanson au titre on ne plus évocacateur, « Mon quinqua nerveux ». Car, tout au long du spectacle, quelques chanson vont venir illustrer les différents thèmes abordés (ou sabordés) par ce doux dingue.
Bruno Coppens joue avec les mots comme avec un Rubik’s cube. Il les triture dans tous les sens et dans tous les sons et ça donne un résultat parfaitement carré. Du genre : « On se fait du mauvais sang quand on voit comment les mots filent »… Il donne des noms aux objets, entonne le tango du GPS, narre une succulente histoire (belge) d’amour entre deux patates, ce qui se traduit par un exercice brillantissime avec force allitérations en « p », il se scarifie le torse en direct… A la suite d’une astucieuse trouvaille de mise en scène, il se métamorphose soudain en un clone de Dick Rivers avec blouson de cuir et banane puis, à travers un vibrant éloge de la graisse, il rend hommage à son modèle, Belge comme lui (mais qui n’était pas un plat « pays »), Raymond Devos.

Devant ce déferlement étourdissant de jeux de mots et de dé-tricotage de sens, on ne peut pas se laisser aller au moindre moment d’inattention. Dans la salle, les gens gloussent de contentement. Comment rester insensible quand il nous raconte l’idylle de deux allumettes ? Ou quand il se mue en mime et remet tout à deux mains ?... Ses mots roses ne sont jamais tristes, et ses mots cœur sont attendrissants. Si parfois le mot ment, il a toujours le verbe haut. Le mot naît de sa pièce. Une pièce qui se termine en un grand jeu interactif et joyeux avec le public, à partir des deux mots « Allo » et « Ici », un jeu dont je vous laisse en découvrir tout le sel, un jeu dans lequel Bruno Coppens fait encore une fois preuve d’une incroyable virtuosité et d’une incomparable vivacité d’esprit.

mercredi 27 juin 2012

Dis-moi oui !


Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Edgar Quinet / Gaîté

Une pièce de Louis-Michel Colla
Mise en scène par Etienne de Balasy
Scénographie de Sarah Bazennerye
Costumes de Pauline Gallot
Musique d’Hervé Devolder
Lumières de Romi Poonoosamy
Avec Eric Laugérias (Dédé), Jean-Baptiste Martin (Vincent), Angélique Thomas ou Noémie Elbaz (Marie), Julie Victor (Liliane)

L’histoire : En ce petit matin d’août, Vincent, jeune étudiant au chômage, se pose de graves questions existentielles : pourquoi a-t-il eu l’idée saugrenue de s’improviser cambrioleur ? Et comment cette petite erreur d’appréciation a-t-elle pu déchaîner un tel déferlement de quiproquos, rebondissements, mensonges abracadabrantesques et autres improvisations hasardeuses ? Il y a des matins comme ça où il vaudrait mieux rester couché…

Mon avis : Dis-moi oui ?... Et bien oui… Je leur adresse un grand OUI aux quatre comédiens qui apportent tout leur talent et toute leur énergie pour faire vivre cette pièce et en faire un vrai divertissement. Grâce à leur générosité, à leur complicité et à leur fantaisie, on ne s’ennuie pas une seconde en dépit d’une intrigue pour le moins tirée par les cheveux. Cartésiens s’abstenir.
En effet, à vouloir accumuler les quiproquos et les rebondissements à un rythme échevelé, on en perd de la rigueur et de la crédibilité. Ici, les ficelles sont grosses, énormes et l’auteur a tiré dessus jusqu’à les rendre si ténues que l’on craint qu’elles le lâchent. Or, si elles ne craquent pas, c’est parce que les comédiens s’emploient d’une façon telle qu’ils réussissent à nous captiver quand même. Tout cela, on le doit à leur jeu.

Toute l’action se déroule dans la chambre à coucher d’une jeune fille. Il fait nuit, nous sommes au mois d’août, un monte-en-l’air vêtu de noir et cagoulé fait irruption par la porte-fenêtre. Il s’est hissé jusqu’à ce sixième étage à l’aide d’une corde. On comprend vite que l’on a affaire à un amateur tant il est maladroit. Mais comme il pense que l’appartement est vide de son occupante habituelle, il n’est pas inquiété par le bruit qu’il fait. Hélas pour lui, le lit est occupé par une jeune femme qui, évidemment, est réveillée en sursaut par le boucan qu’il fait. Hélas pour lui, la jeune femme est armée. Hélas pour lui, la jeune femme est un juge. Hélas pour lui, la jeune femme est particulièrement rouée…
Il va d’en suivre un jeu du chat et de la souris, chacun tentant à tour de rôle de prendre le dessus. Avec ses dialogues décalés, le début de ce bras de fer est réellement plaisant. Il y a un petit côté comédie américaine. On pense à Charade, avec Cary Grant et Audrey Hepburn. Jean-Baptiste Martin, qui joue Vincent, le cambrioleur en herbe, a le charme et l’élégance légère du premier, Julie Victor, qui campe Liliane, la juge, a la pétulance et l’esprit mutin de la seconde. Leur petite joute est très agréable à voir, du moins jusqu’à ce qu’elle commence un peu à tourner en rond par manque d’arguments.

Heureusement, l’arrivée d’Eric Laugérias va relancer la machine. Au départ, on ne sait pas trop qui il est. On pense qu’il est le mari de la jeune femme, puis celui de Marie, l’occupante officielle des lieux. Enfin, au bout d’un certain temps, on apprend qu’il est le père de Marie. La seule chose dont on soit sûr c’est que, vu le costume, il est capitaine de gendarmerie. Tout au long de cette pièce, Eric Laugérias va se livrer à un numéro de haute voltige. Est-ce dû à l’uniforme ? Toujours est-il qu’il a des mimiques et des postures qui ne vont pas sans rappeler Louis de Funès. Cette comparaison vaut compliment car il le fait avec finesse, en y mettant suffisamment de nuances et de retenue pour ne pas tomber dans la caricature. Il a hérité avec Dédé d’un personnage intéressant pour un acteur. Il est en effet la seule personne honnête de ce quatuor. Autant ses trois partenaires sont menteurs, machiavéliques, vicelards, autant il est droit dans ses rangers, rigide dans ses valeurs, naïfs dans ses sentiments. En plus, derrière le polo bleu ciel siglé Gendarmerie, bat un cœur de brave homme, un brave homme qui se bagarre avec sa déontologie de militaire. Le père est en opposition avec l’officier de police judiciaire. Il est sans cesse tiraillé entre ces deux fonctions. Honnêtement, il nous livre là une prestation irrésistible de drôlerie…

Mais, pour que ce personnage remarquablement construit fonctionne, il lui faut des comparses qui tiennent le rôle de révélateur. Et là encore, je dis « oui » au casting. J’ai déjà évoqué Jean-Baptiste Martin. Il est, contre son gré, le pivot de l’histoire. Bien que pendant les trois-quarts de la pièce, il se retrouve empêtré comme une mouche dans une toile tissée par deux araignées vénales et vénéneuses, il se refuse à jouer les victimes expiatoires. Il semble se décourager un moment, puis il réagit et se rebelle. Pour cela, il se dépense sans compter et il mouille le tee-shirt au propre comme au figuré. Il ne s’économise pas le bougre.
Et puis il y a les deux jeunes femmes. Julie Victor apporte à Liliane sa réelle fantaisie, sa rousseur flamboyante, son charme coquin sans être jamais provocant, sa roublardise et aussi sa candeur. Elle veut jouer les fortes femmes, mais sa fragilité et son désarroi prennent parfois le dessus, la rendant infiniment plus humaine. En plus, elle a des trouvailles rigolotes, n’hésitant pas à sortir avec à-propos un jeu de mot visiblement non écrit par l’auteur. Sa propension à la plaisanterie ne la met en revanche jamais à l’abri d’une surprise devant les pitreries contrôlées de Laugérias… Quant à Noémie Elbaz – c’est elle qui tenait le rôle de Julie mardi soir – c’est une petite tornade pleine d’enthousiasme et de fougue. Elle non plus ne fait pas dans la demi-mesure. Elle improvise un vrai personnage de boulevard avec sa tonicité, sa folie, ses outrances. Jolie, sensuelle, espiègle et pétillante, enjôleuse avec son père, elle fait preuve d’un sacré tempérament. D’autant que, quelque part, c’est elle la manipulatrice, celle qui manigance tout. Dans un drame, elle serait haïssable. Mais dans une comédie, on accepte aisément son machiavélisme ; qui n’est en fait que le système d’auto-défense d’une biche aux abois.

Dis-moi oui ! est une pièce où domine le comique de situation. Et il y a quelques scènes qui sont absolument désopilantes. Il y en a même une, celle où les deux jeunes femmes se parlent pour la première fois, qui est assez touchante car elles se montrent enfin elles-mêmes, avec leur vulnérabilité… En conclusion, une fois que l’on a décidé de faire abstraction des énormités de l’intrigue, de l’aspect ubuesques des rebondissements et du surréalisme des ressorts, si l’on se contente uniquement de se focaliser sur le jeu des comédiens, on passe une soirée somme toute très divertissante. Un spectacle rafraîchissant pour l’été, quoi.

lundi 25 juin 2012

Ladies Night


Alhambra
21, rue Yves Toudic
75010 Paris
Tel : 01 40 20 40 25
Métro : République / Jacques Bonsergent

Une pièce de Anthony Mc Carten, Stephen Sinclair, Jacques Collard
Mise en scène par Thierry Lavat
Chorégraphie de Mélanie Dahan
Décors d’Olivier Prost
Costumes d’Anne-Cécile Le Quéré
Lumières de Madjid Hakimi
Avec Linda Hardy (Glenda), Bruno Sanches (Benoît), Julien Tortora (Manu), Alain Azerot (Wes), Luc Tremblais (Gérard), Patrick Rocca (Bernie), Bruno Paviot (Jacky), Xavier Martel (Steph).

L’histoire : Dans une société en crise, une bande de copains touchés par le chômage décide de se lancer dans un dernier défi : faire un striptease comme les Chippendales ! Leurs motivations ? Se prouver qu’ils sont capables d’exister au-delà de leur détresse sociale, familiale et morale. Malgré la difficulté du challenge, ils resteront unis grâce à Glenda, ex-daanseuse, qui les soutiendra et les mènera jusqu’au show final…

Mon avis : Cette pièce est inspirée par le film de Peter Cattaneo, The Full Monty, sorti en 1997. On l’a transposée de Sheffield pour le Nord de la France, région elle aussi durement touchée par le chômage… Elle a été créée pour la première fois en France en 2000 avec entre autres Lisette Malidor, Olivier Marchal, Manuel Blanc, Pierre Cosso… Douze ans après, reprise à l’Alhambra avec une nouvelle distribution, elle est hélas toujours autant d’actualité.

Ladies Night est une comédie sociale sur fond de chômage. Six hommes, pour la plupart anciens mineurs, se retrouvent désoeuvrés, mal dans leur tête, mal dans leur peau. Ils recherchent vainement du boulot et leur mise à l’écart du monde du travail a de douloureuses répercussions sur leur quotidien. Et plus particulièrement dans leur vie de couple et de père. La seule chose qui les tient, c’est un solide lien d’amitié. Comme toujours quand on se trouve dans l’adversité, on se réfugie dans l’ironie. C’est la façon pudique et un peu con des mecs de ne pas se monter de l’affection. Ils se chamaillent comme des gamins, se vannent, se provoquent, en viennent presque aux mains. Mais un transfert de cible et une cannette de bière ont tôt fait de les rabibocher.

Dans cette version 2012, le casting est parfait. Nous avons d’abord affaire à des êtres humains, à des êtres simples avec des physiques banals. Ils sont tellement leurs personnages, qu’on en oublie qu’on est au théâtre. Au-delà de la détresse de leur situation professionnelle et familiale, c’est lorsqu’ils sont ensemble qu’ils existent socialement. Ils se disent tout de leurs problèmes respectifs. Et soudain, le gris de leur morne existence s’éclaire d’une petite, toute petite, lueur d’espoir, un projet complètement fou auquel ils vont s’accrocher comme à une bouée de sauvetage. Toute leur énergie va être focalisée sur ce pari insensé : créer tous les six un numéro de striptease intégral à la façon des Chippendales ! Pourtant, à part Manu (Julien Tortora), ils n’en ont ni la plastique, ni le look. Et puis, il faut apprendre à bouger, à se dévêtir artistiquement sur une musique entraînante. Ce n’est pas vraiment leur truc. C’est là qu’intervient Glenda (Linda Hardy), ex-danseuse, comme eux à la ramasse, mais qui, contrairement à eux, a encore la niaque. Elle va les prendre à bras-le-corps, au sens propre. Elle va devoir composer avec leurs complexes, avec leurs peurs et avec leur fierté de mâle.
Par rapport au millésime 2000, j’ai trouvé que Linda Hardy apportait un petit quelque chose de plus réaliste que Lisette Malidor, qui était plus hiératique, plus inaccessible. La Glenda 2012 est plus proche de ces losers, elle est du même milieu qu’eux, elle est de leur famille ; alors, elle n’a pas de problème pour les comprendre et pour les amener là où elle veut les amener. Elle sait comment il faut leur parler.

Ladies Night est une pièce où l’on rit beaucoup. Cette brochette de comédiens, avec ses personnages si bien typés, est touchante de naïveté et de maladresse. Les dialogues sont simples et efficaces, les vannes savoureuses. On est avec eux, on est eux. On n’a aucune difficulté à se projeter dans leur trip. Aussi irréaliste fût-il.
D’ailleurs le public ne s’y trompe pas, qui réagit comme les spectateurs – et surtout spectatrices – de ce cabaret, qui les encourage, qui les chambre, et se dresse spontanément pour saluer et applaudir leur performance. Si bien que l’on passe un bon moment de partage et de convivialité avec ces Metallo Boys qui nous sont si chair...

mardi 19 juin 2012

Garnier et Sentou


La Cigale
120, boulevard de Rochechouart
75018 Paris
Tel : 0 892 68 36 22
Métro : Pigalle / Anvers

Ecrit et interprété par Cyril Garnier et Guillaume Sentou
Mis en scène par Patrice Soufflard
Lumières de David Chaillot

Infos : Ce soir, 19 juin, le rideau rouge de la Cigale tombera pour la dernière – a priori – des représentations parisiennes du duo Garnier & Sentou. Pour assister à leur spectacle, il faudra désormais soit vous rendre en Avignon où ils se produiront du 7 au 28 juillet au théâtre des Béliers, soit guetter leur passage chez vous lors de leur tournée prévue en province de septembre à décembre 2013. Mais, entre temps, vous pourrez vraisemblablement les retrouver dans une pièce de théâtre qu’ils devraient jouer à Paris à la rentrée 2012…

Mon avis : Pour être honnête, Garnier et Sentou, je les connaissais peu et mal jusqu’à ce que je les découvre dans une pièce, A deux lits du délit, dont ils partageaient la vedette avec Arthur Jugnot. Dans ce vaudeville moderne particulièrement trépidant, ils m’avaient emballé par leur brin de folie, leur dynamisme et leur sens du rythme. Non seulement ils se révélaient excellents comédiens, mais ils étaient sidérants d’énergie. Sous la baguette de Jean-Luc Moreau, ils métamorphosaient parfois cette pièce en un véritable cartoon mâtiné de film burlesque des années 30… Et puis, je les ai retrouvés avec un plaisir sans cesse renouvelé dans leurs prestations télévisuelles dans l’émission de France 2, On n’ demande qu’à en rire, dont on ne sera jamais assez reconnaissant à Laurent Ruquier de l’avoir imaginée puis fait grandir jusqu’à créer une formidable troupe.

C’est donc avec une certaine gourmandise que je suis allé les voir dans LEUR spectacle à eux, à la Cigale. J’avais envie de les voir sur la longueur. Pour cette première soirée de leurs dernières parisiennes, ils recevaient le soutien de certains de leurs juges (Catherine Barma, Eric Métayer) et arbitre (Laurent Ruquier), ainsi que de leurs pairs (Nicole Ferroni, les Kicékafessa). Quant au public, il est patent qu’il est presque entièrement composé de téléspectateurs fidèles de l’émission. C’est un public différent de celui des habitués des salles de théâtre car il se croit toujours dans son salon face au petit écran. C’est-à-dire, qu’il est plus réactif, moins policé donc plus turbulent. C’est un public chaud qui n’hésite pas à faire ses réflexions tout haut et à donner son avis. Ce public-là est né avec la Star Academy. Il faut donc apprendre à le gérer et savoir pratiquer l’interactivité. Chose que Garnier et Sentou maîtrisent à la perfection.

Lorsque, un peu plus haut, j’utilise les mots de « cartoon » et de « film burlesque », je crois que ce sont les deux piliers sur lesquels Garnier et Sentou on construit leur univers. Déjà, leur entrée en scène est surprenante. C’est celle de deux gymnastes qui se livrent à quelques exercices d’échauffement. Quand on se prête à ce genre d’acrobaties, c’est signe que l’on fait entièrement confiance en son partenaire, qu’il saura vous tendre la main et vous renvoyer la balle au bon moment. Entente physique donc et entente spirituelle. Car ces deux là s’entendent comme larrons en foire. Leur complicité est jouissive et communicative. Pourtant, ils commencent leur spectacle avec un différend d’ordre artistique qui les amène à une sévère dispute. Tout cela pour nous amener à leur premier sketch, celui de « La Baignoire ». On entre de plain-pied dans l’absurde. Ça ne veut absolument rien dire, ça n’a ni queue ni tête, mais les images que ça engendre sont savoureuses et les jeux de mots qui l’émaillent sont d’un très, très bon niveau. C’est un exercice de style qui nécessite une grande virtuosité dans le timing…

Les dix sketchs qui suivent nous entraînent dans un monde qui leur est propre. Il y a de la musique et des chansons avec des détournements de tubes sur le thème de la maladie dans lesquels on découvre le vrai talent vocal de Sentou (voix chaude et mélodieuse). Il y a le goût du travestissement avec une certaine Stéphanie Garnier enjôleuse, entreprenante et bêtasse à souhait. Il y a une page scientifico-saugrenue avec le mode de fonctionnement en coupe des cordes vocales qui donne lieu à un numéro très visuel. Comme ils sont très physiques, le visuel est primordial dans leur spectacle, il compte autant que les mots… Ce qui les amène tout naturellement à une séquence chanson de gestes. Un simple panneau leur suffit derrière lequel ils se livrent à une série de gags exclusivement visuels (nous y revoici), puis qui se transforme en un urinoir propice à une rencontre croquignolette entre un fan et une star du sifflement… Toujours aussi visuel, suit un sketch entre un pseudo ventriloque et sa marionnette aux désirs d’indépendance, ce qui, une fois encore, permet à Sentou de faire preuve d’une incroyable souplesse et maîtrise corporelle…
Ce qui est épatant avec eux c’est que, même quand leur texte est moyen, ils réussissent à la sublimer par leur jeu, leur loufoquerie, leur prodigualité… Après avoir joué aux petits soldats chargés de surveiller la salle tout en se livrant à des réflexions à volonté intellectuelles sur l’art ou sur d’autres thèmes, ils nous proposent un de leurs trois meilleurs sketchs (avec la Baignoire et la 3D), celui que l’on pourrait baptiser « le coming-out ». C’est Pagnol qui quitte le Château de sa mère pour le Stade Vélodrome, c’est César qui est devenu supporter de l’Ohême. Un grand moment de comédie pure, dans lequel on boit de la petite (cane)bière… Pour le dernier numéro, place aux filles ; deux nunuches plus vraies que nature qui se préparent pour le mariage de leur copine Cléo en égrenant un chapelet de niaiseries et de banalités et répètent leurs chorégraphies en prévision de la soirée dansante.
En guise de rappel, ils terminent leur show avec ce qui est déjà devenu un véritable tube, la 3D. On l’a vu sur France 2 et au Casino de Paris et on ne s’en lasse pas tant c’est original, inventif et cocasse.

Et c’est une salle spontanément debout qui remercie ces deux énergumènes autant pour leur humour et leur générosité que pour la sympathie qu’ils dégagent.
Garnier et Sentou s’inscrivent dans la tradition des duos comiques français comme Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, les Frères ennemis, Chevallier et Laspalès… Ils ont chacun leur personnalité, leur registre. Ça fonctionne parfaitement. Et ils sont tellement complices et heureux d’être ensemble qu’on peut parier qu’ils sont là pour un sacré bout de temps. D’autant qu’ils n’ont pas fini de grandir… et de nous surprendre.