vendredi 2 avril 2010
En attendant la gloire
Théâtre Le Temple
18, rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Tel : 08 92 35 00 15
Métro : République
Une pièce de Jérémy Lorca
Mise en scène par Anne Séquillon
Avec Mélanie Page (Audrey), Valérie Bègue (Julie), Jérémy Lorca (David), Nadine Capri (Janine)
Ma note : 6,5/10
L’histoire : Suite à une dispute avec son mari, Janine vient s’installer provisoirement chez sa fille Audrey et David, son gendre. Elle y fait la connaissance de leur amie Julie, une fille à papa sans le sou. Cette vendeuse en charcuterie autoritaire et envahissante va être plongée dans l’univers décalé de trois jeunes comédiens en galère. A leur contact, elle va révéler sa vraie personnalité, ce qui va perturber les rapports des uns et des autres…
Mon avis : La première scène préfigure en quelque sorte une des lignes directrices de cette comédie, à savoir les relations parents-enfants. En l’occurrence, David, 24 ans, est en conversation téléphonique avec sa mère et il lui raconte des salades éhontées pour attirer sa commisération. Sur un ton pleurnichard, il joue au garçon fragile et sensible, alors que tout chez lui n’est que calcul. Cette attitude nous offre illico la deuxième ligne directrice de la pièce : on a affaire à un comédien. Du moins, à un apprenti comédien. C’est ce que sont également Audrey, la jeune femme avec laquelle il partage l’appartement dans lequel va se dérouler l’action, et Julie, leur amie.
Tous trois vivent la même expérience et partagent les mêmes espoirs de réussite professionnelle. Ils connaissent les galères des castings, les petits boulots peu reluisants mais alimentaires, et les petites bouées de sauvetage que constituent les pubs. Ils sont également tous trois à la recherche d’une liaison sentimentale stable. Mais ils vivent tout cela différemment en fonction de leurs caractères respectifs. Audrey est une jeune femme plutôt sage, un brin candide, rêveuse, romantique et profondément généreuse ; elle est, en tout cas, la plus équilibrée du trio… David, lui, est légèrement encombré aux entournures par une homosexualité qu’il peine à affirmer. Il est terriblement hypocondriaque, gentiment narcissique, voire un peu chochotte, mais tout de même sympathique… Et Julie, fille à papa qui a grandi dans le confort matériel, se révèle capricieuse, futile, fantasque, frivole, assez portée sur la bouteille (l’alcool lui servant en fait de béquille) ; mais elle est également d’une nature joyeuse et insouciante.
La vie de nos trois amis s’écoule donc ponctuée par les coups de fil de leurs agents artistiques respectifs, les propositions d’emploi et les panouilles. Et pendant que ça rêve de décrocher le rôle de sa vie, ça babille, ça minaude, ça geint, ça s’amuse ; ça vivote quoi. Mais ce train-train va soudain être bouleversé par l’arrivée d’une tornade, Janine, la mère d’Audrey, qui vient demander asile à sa fille suite à un grave différend avec son mari.
La pièce, jusque là assez plan-plan, bascule. Vendeuse de charcuterie dans une grande surface, Janine est un être envahissant, autoritaire, égocentrique et excentrique. Et en plus, elle ronfle ! La gentille vie feutrée d’Audrey et David en est durement secouée.
On l’aura compris, la pièce prend sa véritable vitesse de croisière à l’irruption tempétueuse de Janine. Elle donne un sacré coup de pied dans la fourmilière. Et, puisque les profils psychologiques de chacun ont été largement dessinés dans la première partie, chacun réagit en fonction de sa personnalité. Et c’est très cohérent. Julie s’acoquine avec Janine. David se replie sur lui-même et se réfugie dans le yoga. Quant à Audrey, qui est la plus concernée puisqu’il s’agit de sa mère, elle vit de plus en plus mal son comportement. Entre les deux femmes la tension va monter jusqu’au règlement de compte, un affrontement violent qui constitue une des scènes les plus fortes de la pièce, une scène-clé qui nous fait soudain nous rapetisser dans notre fauteuil.
Car En attendant la gloire n’est pas qu’une simple comédie. Comme je l’ai dit en préambule, les rapports mère-fille ou fils pour Audrey et David, et père-fille pour Julie, occupent une place prépondérante dans l’histoire. Plus importante même que les désirs de réussite de nos trois comédiens putatifs. Paradoxalement, on se sent peu concerné par leurs problèmes professionnels ; peut-être parce qu’ils sont loin de nous et de notre quotidien. C’est vrai que, derrière les rires que soulèvent des dialogues parfois acides et de bonnes saillies, ils nous apparaissent quelque peu pathétiques. Tous. En quête permanente d’un bonheur sociologique et affectif, ils sont en souffrance…
Les plus. Les quatre comédiens sont vraiment bons chacun dans son registre.
Mélanie Page (Audrey) est touchante de gentillesse et de naïveté. Elle est « aimable » dans le sens étymologique du terme. On la prend en affection, on a vraiment envie qu’elle s’en sorte. Au moins sentimentalement, car il n’est pas sûr qu’elle soit taillée pour la dureté du milieu qu’elle aspire d’intégrer. Sur le plan de la comédie pure, elle joue tout en nuances et elle démontre toute l’étendue de son talent dans la fameuse scène du règlement de compte. Et puis, ce qui ne gâche rien, elle est très, très agréable à regarder…
Jérémy Lorca (David) est un peu l’élément catalyseur du quatuor. Auteur de la pièce, il s’est donné un rôle plutôt linéaire, assez en retrait. Par ses postures, ses regards, ses expressions, il utilise beaucoup le registre de l’intériorisation. Ce qui équilibre le climat de la pièce quand on affronte ces deux mini-tornades que sont Janine et Julie.
Valérie Bègue, néophyte en la matière, m’a bluffé par son aisance. Pourtant, elle n’a pas un rôle des plus faciles car il lui faut jouer quelques scènes particulièrement impudiques comme un gros chagrin, une grosse cuite, une grosse euphorie. Et bien elle s’en sort remarquablement. Le ton et les regards sont justes, elle semble effectivement taillée pour la comédie. Et au moment des saluts, on la voit tellement rayonnante que son bonheur nous fait plaisir. Elle porte aussi tout au long de la pièce de fort jolies tenues.
Nadine Capri (Janine) est un rouage essentiel de la mécanique. Elle apporte la note de folie, de démesure. Si, au début, elle force un peu le trait – après tout son rôle justifie qu’elle se montre insupportable pour tout le monde, spectateurs y compris -, tout doucement elle prend son rythme. Peu à peu son armure se fendille et l’extravagance s’efface devant l’émotion. Reste donc au final une prestation plutôt réussie.
Tous les quatre sont véritablement attachants.
Les moins. D’abord et surtout la bande-son. C’est la première fois que je suis confronté dans un théâtre à une débauche aussi insupportable et horripilante de décibels. A un moment on a même droit à une musique qui s’apparente plus au film d’horreur qu’à la comédie. Je suis sûr qu’en baissant le volume, certains intermèdes musicaux nous seraient même agréables… Autre chose, si vous n’êtes pas un mordu de séries télé, vous allez être largué par de fréquentes allusions aux sitcoms américaines. Quant à la parodie de Fort Boyard, je l’ai trouvée trop puérile, trop cartoonesque pour y adhérer.
En conclusion, même si elle manque parfois un peu de fond, En attendant la gloire est une pièce plutôt sympathique, bien servie par des comédiens convaincants.
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