mardi 30 novembre 2010

Ali au Pays des Merveilles


Le Point-Virgule
7, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie
75004 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Hôtel-de-Ville

One-man show écrit par Didier Landucci et Ali Bougheraba
Mis en scène par Didier Landucci

Ma note : 8/10

Présentation : Dans le pays où Ali a grandi, les cultures et les dialectes se croisent et se mélangent… C’est avec humour, tendresse et poésie qu’il nous fait découvrir son quartier… son pays merveilleux.

Mon avis : Voici un Ali qui m’a laissé baba… Je sais, c’est facile, mais cette formule est peut-être le meilleur sésame pour ouvrir la porte du monde merveilleux d’Ali Bougheraba.
Ali est un être protéiforme doué de multiples talents. C’est avant tout un formidable conteur. Il me fait l’effet du joueur de flûte de Hamelin. De sa voix douce, il nous joue sa petite musique et nous, comme envoûtés, on le suit là où il a envie de nous emmener. Et là où il nous emmène, c’est chez lui, dans le quartier de son enfance, le Panier, à Marseille… Une fois sur place, notre guide se métamorphose en ethnologue. Il se livre alors à une exposition sociétale à travers une galerie de portraits mettant en scène les personnages les plus pittoresques de son environnement… Avec son visage très expressif, sa gestuelle agrémentée de mime, ses divers accents, il endosse toutes les personnalités. Un bonnet, une paire de lunettes, une voix aigüe et il devient Crevette, petit zonard inoffensif, mais agité et fort en gueule… Une robe de chambre enfilée à la hâte et il se mue en monsieur Martinez, le concierge de l’immeuble où Ali habite, xénophobe inconscient, très fier d’avoir à géré « un pays à chaque étage »… Un boa en peau de chat, le visage pincé, et il campe madame Suzanne, ex-chanteuse à l’Alcazar, veuve et heureuse de l’être, un peu égoïste, un peu mesquine et un brin médisante, mais faisant preuve d’une certaine philosophie de la vie… Un serre-tête rouge, des postures précieuses et affectées, et voici Fayçal, le petit Arabe qui rêve de devenir danseur étoile… Il réussit même la performance d’incarner devant nous une chatte horrifiée. On s’y croirait ; on a envie de lui lancer des croquettes !

Ce Panier qu’Ali Bougheraba nous propose est particulièrement garni, riche et varié. Avec finesse, il évite tous les pièges, communautaristes ou autres. Devant ces gens qu’il charrie gentiment, il a gardé un regard d’enfant. Il ne grossit jamais le trait. Il met dans le même « panier » (par ordre alphabétique) les Africains, les Arabes, les Asiatiques, les Français de souche, avec leurs travers comme avec ce qui les rend attachants. Il n’y a pas que son immeuble qui soit mélangé, son jeu l’est aussi, et très richement. Dans son spectacle, au demeurant fort bien écrit, il mêle l’humour, la tendresse, l’émotion, la poésie, le burlesque, l’absurde, la pantomime. Parfaitement œcuménique, il jongle avec les sexes, les religions, les intonations. Ali est une sorte de griot, mais de griot marseillais sans l’accent. Il ne possède pas du moins cet accent propre au Vieux Port. Le sien est doux, légèrement chantant. C’est une musique agréable (d’où la métaphore de la flûte). Et puis le garçon dégage une simplicité et un naturel qui nous le rendent éminemment sympathique.

Excellent comédien, adoubé et cornaqué par son complice en écriture et metteur en scène, Didier Landucci des Bonimenteurs, Ali Bougheraba a composé avec son Pays des Merveilles un spectacle plein dense, sans aucune faiblesse, plein de fantaisie et d’humanité. On éclate rarement de rire mais on a le sourire aux lèvres en permanence tant ses observations et ses analyses sont rapportées avec finesse. Désormais, il peut quitter sans problème son quartier. Il vient de commencer à conquérir Paris. Et ce n’est qu’un début…

samedi 27 novembre 2010

Le Carton


Théâtre Tristan Bernard
64, rue du Rocher
75008 Paris
Tel : 01 45 22 08 40
Métro : Saint-Lazare / Villiers

Une pièce de Clément Michel
Mise en scène par Arthur Jugnot et David Roussel
Décor de Sarah Bazennerye
Avec Romain Thunin (Antoine), Djamel Mehnane (Vincent), Damien Jouillerot (David), Héléna Soubeyrand (Marine), Mona Walravens (Emilie), Jérémy Malaveau (Lorenzo), Anne Serra (Katia)

Ma note : 7,5/10

Synopsis : Un déménagement qui n’était pas prévu ; du moins ce jour-là. Sept personnages, enfants de Feydeau et de Friends, qui ne sont jamais au bon endroit au bon moment… Entre les cartons à faire et les comptes à régler, une comédie où l’on déballe tout !

Mon avis : Que cette pièce ait rencontré et continue de rencontrer le succès, c’est tout-à-fait légitime. On ne s’y ennuie pas une seconde. Elle est en outre construite de façon classique avec ses « trois unités » : unité de lieu (une garçonnière), de temps (une journée), et d’action (et Dieu sait si de l’action il y en a !).
Déjà, le décor nous situe le caractère d’Antoine, l’occupant des lieux. Sa chambre est un véritable foutoir, un capharnaüm encombré d’objets, de vêtements et, évidemment, de cartons de toutes tailles. La présence des cartons est normale puisqu’il se prépare prochainement à déménager. Le problème, c’est que son propriétaire le réveille pour l’informer que l’appartement doit être libéré ce jour même et que sa fille, Emilie, qui va le reprendre, passera dans l’après-midi procéder à l’état des lieux… Immédiatement, c’est la panique. Rien n’est prêt. Aussitôt, Antoine bat le rappel des copains et copines pour venir l’aider… Mais rien ne va se passer comme il le souhaiterait et il va vivre une journée cataclysmique.

Le Carton repose sur une multitude d’effets déclencheurs imparables de rires : le comique de situation, les quiproquos (fréquents), les confusions, les mensonges à répétition qui vous enfoncent de plus en plus dans les difficultés… En outre, le profil de chacun des protagonistes de ce déménagement improvisé est remarquablement dessiné. Très vite, on sait qui est qui et comment il fonctionne. Du coup, comme aux échecs, on peut appréhender certaines situations car on a souvent un coup d’avance. Si bien que lorsque le clash se produit, on s’en amuse doublement. Ajoutez à cela les quelques rebondissements et les nombreuses trouvailles de mise en scène, et il n’y a plus qu’à se laisser emporter par la folie ambiante.
Si certaines séquences peuvent à la limite être plausibles, d’’autres en revanches sont carrément loufoques pour ne pas dire surréaliste. Il ne faut donc pas se montrer trop cartésien. Le but de cette pièce est uniquement de nous faire partager un grand moment de délire mené à deux-cents à l’heure par une troupe complice et affûtée.
Au rayon des (petits) reproches, j’ai trouvé la scène où Vincent, un peu trop surexcité, raconte et mime sa soirée devant Antoine un peu trop décalée. Bien sûr, un peu plus tard, elle prend tout son sel. Mais est-il vraiment besoin qu’il se lance dans cette chorégraphie qui, pour spectaculaire qu’elle soit, m’a semblé superfétatoire… Si Marine est parfaite dans son jeu d’actrice, on peut lui reprocher d’abuser du suraigu, ce qui a pour résultat de rendre certaines de ses répliques ou interventions incompréhensibles. Enfin, dernière critique, si le comique de répétition fait toujours son petit effet, la systématisation des déclamations chez David a pour conséquence de les banaliser et, partant, de les rendre moins efficaces.

Je sais, je pinaille un peu car on ne garde de cette pièce qu’un heureux moment de franche rigolade. Détente assurée. Les sept comédiens, Antoine et Vincent en tête, déploient une invraisemblable énergie. La vraie générosité, quand elle passe ainsi la rampe, est toujours payante. C’est frais, c’est vivant, c’est fou ; et même quand c’est par ci, par là du grand n’importe quoi, on est naturellement enclin à l’indulgence. Ce qui signifie, en clair, que ce Carton est vraiment bien emballé et emballant, même si c’est parfois avec de grosses ficelles.

Sébastien Giray "Profils inquiétants"


Les Feux de la Rampe
2, rue Saulnier
75009 Paris
Tel : 01 42 46 26 19
Métro : Grands Boulevards / Cadet

One-man show écrit par Sébastien Giray
Mis en scène par Dominique Le Bé

Ma note : 7,5/10

Présentation : Auteur, comédien de séries télé, humoriste, après avoir parcouru tous les festivals d’humour de France d’où il revient toujours avec un prix, Sébastien Giray est un artiste accompli. Il nous dévoile ses « Profils inquiétants »… Mi-play-boy, mi-démon, cette gueule d’ange nous emmène dans un univers riche en personnages et en cocasseries diverses où chacun de nous risque de se reconnaître. Mais, si tel était le cas, il serait recommandé de consulter !

Mon avis : Ce Sébastien-là est totalement à l’opposé du Saint martyre qui honore son prénom. En effet, alors que ce dernier a acquis l’Eternité suprême en succombant sous une volée de flèches, Sébastien Giray, c’est tout le contraire. Les traits, c’est lui qui les décoche et, en plus, il a bien pris soin de les tremper au préalable dans une décoction de poil à gratter. Sous ses airs angéliques se cache un véritable sadique. Son large et beau sourire ne nous abuse pas longtemps.
Quand il arrive sur scène, il commence par nous embarquer dans une fausse direction (parce qu’il est vicieux aussi). Son premier personnage, qui répond à l’ineffable prénom de Dylan, déboule tout auréolé de son prix de Mister Franche-Comté et de l’écharpe qui va avec. Disons le tout de suite, c’est un crétin doublé d’un narcissique exhibitionniste. Ce qui va souvent de pair. Très limité intellectuellement notre impétrant au titre de Mister France, ne nous épargne rien de son incommensurable bêtise et de son contentement de soi. Associations de mots saugrenues, réflexions improbables, il cause, il cause… Ah, il s’’aime bien le garçon, il se la pète un tantinet, très fier de son physique il est vrai particulièrement avantageux.

Maintenant que je vous ai alléché avec cette entrée en matière, n’espérez pas que je vous décortique par le menu chacun des sketches que cet horrible personnage interprète. Je veux juste m’attarder sur l’esprit – ou plutôt, sur le mauvais esprit – qui se dégage de ce spectacle… Sébastien Giray est une plante carnivore. Une plante attrayante et attirante qui donne envie de la caresser et qui vous mord sans vergogne. Très efficace le contraste entre son apparence hyper charismatique et les vacheries qu’il profère. Il maîtrise à ravir tous les éléments qui appartiennent globalement à l’humour noir : le décalage, le cynisme, la misogynie et son corollaire, le machisme (« T’es belle comme une petite fleur, mais moi je suis allergique au pollen », l’abomination, le sadisme, la scatologie, l’absurde et l’ambiguïté. Difficile de faire pire… Puisqu’en France on a la manie des étiquettes, il m’a rappelé l’Albert Dupontel à ses débuts, quand il faisait du one-man show. Mais la comparaison s’arrête là car Sébastien fait du Giray. Il a ses propres qualités : il bouge et danse remarquablement, il joue beaucoup sur le charme et la séduction (avec une tronçonneuse cachée dans le dos) et c’est un fameux comédien. Rien ne le rebute. Ses personnages, il les emmène très, très loin. Avec certains il dépasse dangereusement les limites jusqu’à presque nous indisposer tant ils sont « inquiétants ». D’où le titre de son spectacle, Profils inquiétants. Ce prof cocaïnomane sacrément allumé qui termine son cours dans un état complètement hystérique en est le plus révélateur… Dans un autre sketch, il joue trois personnages avec accents, dont une femme, dans lequel il fait preuve d’une virtuosité hallucinante…
Sébastien Giray évoque plusieurs fois le Cours Florent. Il nous fait même revivre quelques moments de son parcours au sein de cette docte institution, dont ses tout débuts. Il a, de toute évidence, su mettre à profit l’enseignement qu’il y a reçu, ajouté bien sûr à ses qualités innées, ce qui fait de lui un excellent comédien rompu à toutes les finesses du jeu.
Hormis ce bref intermède au cours duquel il fait monter un spectateur sur scène, chose qui casse le rythme du spectacle et qui ne lui ajoute rien, j’ai trouvé que Sébastien Giray possédait son univers à lui. Il joue une partition grinçante et tonique contenant une majorité de notes noires et de croches. C’est vrai qu’il utilise peu les bémols. Avec lui, on a droit à la chevauchée des mâles qui rient. Quoi que… Pas que des mâles finalement, car Sébastien jouit d’un tel physique qu’il décroche, rien que sur son minois et son corps d’Adonis – qu’il n’hésite pas à dévoiler -, l’adhésion immédiate de deux sexes sur les trois habituellement recensés.

Bref, si ce garçon s’en tient à son registre, s’il ne succombe pas aux sirènes de la popularisation et de la facilité, une belle carrière s’ouvre devant lui. C’est au public de venir à lui, et pas l’inverse. Le bouche à oreille fera le reste…

mercredi 24 novembre 2010

La Parisienne


Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce d’Henri Becque
Mise en scène par Didier Long
Décor de Jean-Michel Adam
Costumes d’Aurélie Secondé
Musique de François Peyrony
Avec Barbara Schulz (Clotilde Du Mesnil), Jérôme Kircher (Lafont), Didier Brice (Adolphe Du Mesnil), Alexandre Guansé (Simpson), Candice Crosmary (Adèle)

Ma note : 7/10

Résumé : Dans sa dernière comédie, la plus connue et la plus réussie, Henri Becque, ami de Zola et de Rodin, plante un superbe et inquiétant personnage de femme ambitieuse, intrigante, jouissant des hommes qui l’entourent tout en les manipulant avec une redoutable efficacité…

Mon avis
: La Parisienne repose entièrement sur la personnalité de son héroïne, Clotilde, une petite bourgeoise, mère de famille, qui trompe son ennui en trompant son mari… Dit comme ça, c’est un peu réducteur car le trait est beaucoup plus fin qu’il n’y paraît.
D’abord, je tiens à souligner la qualité du texte qu’Henri Becque a fait dire à ses comédiens voici déjà 125 ans. Tout, dans cette pièce, repose en effet sur le verbe, jusques aux réflexions émises par la domestique, Adèle, lucide et fine mouche. La Parisienne n’est donc qu’une succession de joutes verbales énoncées dans une langue remarquable. De l’aveu même de Barbara Schulz, c’est la plus jolie pièce qu’elle ait eu à dire. Et elle y prend visiblement un plaisir de gourmande.

Barbara Schulz… Encore une fois, elle éclabousse la scène de toute sa présence. Elle en est le pivot, le chef d’orchestre qui mène à la baguette et son mari et son amant. Là où je ne suis absolument pas d’accord avec le petit préambule de présentation figurant dans le dossier de presse, c’est lorsqu’on qualifie Clotilde d’« ambitieuse ». Pour moi, elle n’a d’autre ambition que de s’amuser aux dépens de ses deux « hommes » et, si l’occasion lui en est donnée, des autres qui croiseront sa route. Clotilde est une coquette. Elle aime être courtisée. Elle est plus dans la forme que dans le fond. Pour être plus clair, elle est plus dans le spirituel que dans le charnel. Elle n’aime rien tant que de manipuler ses proies. C’est la chatte qui fait patte de velours avec la souris et s’en amuse. Le jeu vaut plus que le passage à l’acte. Pendant les trois quarts de la pièce, en manipulatrice rouée, elle tire les ficelles avec délectation de ses deux marionnettes. Jusqu’au moment où, à son tour, elle est elle-même victime de l’indifférence d’un séduisant garçon sur lequel elle a jeté son dévolu. C’est l’arroseuse arrosée. Pour la première fois quelqu’un ne joue pas à son jeu et lui impose sa propre partition. Pour la première fois on la délaisse et on veut la quitter. Alors, pour la première fois, on la découvre désarmée. Mais son désappointement est de courte durée. Clotilde se ressaisit très vite et rebondit en reprenant son ancien jouet qu’elle avait mis de côté…

Barbara Schulz, dont c’est la troisième pièce en deux ans, se permet, avec le personnage de Clotilde de distiller toute l’étendue de son talent. La Parisienne n’est pas une pièce physique. Tout y est concentré sur les mots et la façon de les dire et de les interpréter. Elle excelle dans ce jeu tout en retenue, en finesse, où tout est souligné par la moindre expression. Elle possède véritablement un des registres les plus complets qui soient et c’est un bonheur pour le spectateur de la voir véritablement habitée par son personnage. Un personnage entièrement résumé dans cette phrase empreinte de pragmatisme : « Nous sommes bien faibles avec celui qui nous plaît mais nous revenons toujours à celui qui nous aime ». C’est-à-dire qu’elle sait précisément jusqu’où elle peut aller trop loin. La mauvaise foi, qu’elle gère en virtuose, est sa seconde nature ; alors que, évidemment, elle ne supporte pas le mauvais esprit chez les autres (ça, c’est bien féminin !)… Après avoir campé une malade mentale qui exorcise peu à peu ses démons grâce aux vertus de la psychanalyse dans Paroles et guérison, une prostituée frivole, égoïste et manipulatrice dans Le Donneur de bain, elle aborde avec La Parisienne un autre terrain de jeu dans lequel elle est tout aussi à l’aise. Le théâtre est fait pour elle, et réciproquement.

Bien sûr, si le jeu de Barbara nous fascine autant, c’est aussi dû à la réplique subtile que lui offrent ses partenaires. Jérôme Kircher est parfait en amant possessif et jaloux, pusillanime et velléitaire. Sous l’emprise de ses sentiments attisés par une coquine qui fait souffler le chaud et le froid, il est touchant de maladresse. Il souffre des mauvais traitements qu’elle lui inflige mais, tel un chien battu, in continue à quémander ses caresses. Il propose un jeu très original, tout en hésitations, en paroles et en gestes ébauchés qui nous le rendent plus sympathique que ridicule… Didier Brice apporte au rôle du mari une réelle bonhommie. Il est beaucoup plus préoccupé par son avenir professionnel que par la conduite de son épouse. C’est un gentil, un modeste conscient de l’être. Alors que tout est réuni pour qu’il le soit, lui non plus jamais ridicule. Ses soucis sont ailleurs.
Alexandre Guansé n’a qu’une scène mais elle est essentielle – et il la joue fort bien - pour nous permettre de faire le tour de la mentalité profonde de Clotilde et de sa façon de fonctionner. En fait, elle est insubmersible.
Et puis il y a cette maline d’Adèle (Candice Crosmary), domestique moderne, dupe de rien, et qui s’amuse beaucoup des facéties de sa maîtresse. En fait, elles sont très complices.

J’ai également beaucoup apprécié ces deux scènes de séduction jouées à mots feutrés sous les yeux du mari. Ce sont deux jolis moments de comédie et une remarquable habileté de mise en scène.
Pour finir, on l’aime bien cette Parisienne car elle est beaucoup plus joueuse que vénale. C’est sa façon à elle de mettre un peu de piment dans une existence qui, sans cela, serait plutôt morne et terne.

samedi 20 novembre 2010

Le Fantôme de l'Opéra


Théâtre 14 Jean-Marie Serreau
20, avenue Marc Sangnier
75014 Paris
Tel : 01 45 45 49 77
Métro : Porte de Vanves

D’après l’œuvre de Gaston Leroux
Adaptée et mise en scène d’Henri Lazarini
Décors et costumes de Jérôme Bourdin
Avec (par ordre d’entrée en scène) Pascale Petit (Carlotta), Patrick Andrieu (Le coiffeur, Lachenal, le commissaire), Marie-Christine Danède (madame Giry), Benoît Solès (Raoul de Chagny), Jean-Baptiste Marcenac (Le secrétaire), Alix Bénézech (Christine Daaé), Jean-François Guillet (Le Directeur), Emmanuel Dechartre (Eric, le Fantôme de l’Opéra)

Ma note : 6,5/10

L’histoire : Qui se cache sous le masque du Fantôme de l’Opéra ? Un fou criminel, un compositeur de génie ou un amoureux transi ? La première adaptation au théâtre du célèbre roman de Gaston Leroux lève le voile sur un monde de passion, de mystère et de féérie.

Mon avis : Le Fantôme de l’Opéra est une superbe histoire d’amour, d’un romantisme fou, qui n’est pas sans rappeler le mythe de La Belle et la Bête. Tout est contenu d’ailleurs dans cette phrase émouvante que formule le Fantôme vers la fin : « Il ne me manque que d’être aimé pour être beau »…
Vous l’aurez compris, je suis assez sensible à cette histoire. D’autant que j’ai eu le privilège de voir sa version en comédie musicale, celle d’Andrew Lloyd Webber, à Vienne en Autriche. C’est, avec la version anglaise 2010 des Misérables, les deux plus beaux spectacles que j’aie jamais vus. Et j’ai même vu plusieurs fois avec enthousiasme et émotion la magnifique version cinématographique de Brian de Palma, Phantom of the Paradise… Donc j’aime le thème du Fantôme de l’Opéra, et c’est toujours avec plaisir que j’essaie d’en voir les différents traitements.
Cette version présentée dans l’agréable salle du Théâtre 14 m’a laissé une impression mitigée. Elle est bien sûr fidèle à l’histoire de Gaston Leroux, mais si la mise en scène m’a plutôt plu, j’ai été gêné par le jeu de certains acteurs.
Voyons d’abord ce qui m’a véritablement séduit…

Réussir à nous faire sentir que nous nous trouvons dans l’Opéra, dans ses coulisses et dans ses profondeurs est une gageure que le metteur en scène et le décorateur ont parfaitement accomplie. Les décors, amovibles, sont minimalistes. Deux portes, une qui s’ouvre sur le plateau ou les coulisses, l’autre sur la fameuse loge n° 5, nous suffisent pour suivre l’action. Un petit bureau, un fauteuil et une chaise, et nous sommes dans le bureau du directeur. Une minuscule table à maquillage surmontée d’un miroir, et nous pénétrons dans l’intimité d’une loge… C’est réellement suffisant et c’est efficace. La présence d’un écran géant dans le fond de la scène permet grâce à des projections à nous transporter soit dans un cimetière, soit au bord du lac qui baigne les sous-sols de l’Opéra… C’est habile. Rien à dire. On n’a pas besoin de plus pour suivre l’action.
Les costumes ensuite... Autant les décors sont succincts autant les costumes d’époque sont riches et magnifiques. Les robes, les uniformes, les fracs, les livrées, sont vraiment de toute beauté. Un régal pour les yeux.
Les comédiens enfin… J’ai été sincèrement subjugué et emballé par le jeu d’Alix Bénézech, qui campe une Christine frémissante et passionnée, fragile et forte à la fois. Elle est tout le temps dedans. Aucune fausse note. Avec justesse et avec une grande sobriété, elle fait passer tous les sentiments qui l’habitent en fonction des événements. Quand j’évoquais le « romantisme fou » du Fantôme de l’Opéra, elle en est une parfaite illustration. Elle est « aimable » dans le sens premier du terme. On comprend aisément qu’elle suscite le désir chez ces messieurs et que le Fantôme puisse, à travers elle, vibrer d’amour pour la première fois de son existence…
Très bons aussi sont madame Giry, personnage-clé de l’histoire ; la Carlotta, bien qu’on ne la voie pas assez ; le directeur qui, après un début quelque peu hésitant, prend rapidement sa pleine mesure ; son secrétaire, élégant et doté d’une agréable voix ; le coiffeur, pittoresque, qui nous offre au début le la pièce un numéro très haut en couleurs…

En revanche, j’ai éprouvé un peu de mal avec le jeu précieux et maniéré de Raoul de Chagny, ses intonations flûtées, et ses postures outrées façon cinéma muet... Quant au personnage du Fantôme, j’ai trouvé qu’il manquait un peu de chair. Là où il aurait dû mettre du souffle, il diffuse un lyrisme grandiloquent. Il faut bien reconnaître, à sa décharge, qu’il n’est pas gâté par quelques tirades affreusement compassées. Du coup, lui aussi nous fait songer à ces acteurs du début du siècle (du 20è, j’entends) plus enclins à déclamer qu’à interpréter… Et puis je n’ai guère goûté ce choix d’affubler le commissaire d’un accent méridional prononcé. Il en est ridicule et comme on n’a pas spécialement besoin de gaudriole à ce moment du drame, ça amène un décalage déplaisant complètement en porte-à-faux. Autant cet acteur est épatant quand il fait le coiffeur, autant il est à côté de la plaque avec cette parodie. Heureusement, son costume de cuir est tellement beau que j’ai préféré ne garder que cette image de lui.

Voilà ! Nonobstant ces quelques remarques négatives, j’ai assisté à un joli spectacle avec une mise en scène ingénieuse. Et puis, ne serait-ce que pour la remarquable prestation de mademoiselle Alix Bénézech, ça vaut la peine d’aller s’égarer du côté de la Porte de Vanves…

vendredi 19 novembre 2010

Le Président, sa femme et moi


La Grande Comédie
40, rue de Clichy
75009 Paris
Tel : 01 48 74 03 65
Métro : Trinité d’Estienne d’Orves

Une pièce écrite et mise en scène par Bernard Uzan
Avec Michel Guidoni (Thomas Barowski/Antoine Girard), Jean-Marie Lamour (Le colonel Tanguy), Aurélie Nollet (Avril), Alexandra Vandernoot (Isabelle Martini-Barowski)

Ma note : 6,5/10

L’histoire : Le Président de la République, Thomas Barowski, a décidé d’utiliser un sosie afin de pouvoir être présent sur tous les fronts. Antoine Girard, un vendeur de canapés, choisi par les services secrets comme étant le Français ayant le morphotype le plus proche du Président, est réquisitionné pour raison d’Etat… Le colonel Tanguy et sa charmante adjointe Avril, ont été chargés de cornaquer Antoine dans ses missions. Mais Isabelle Martini-Barowski, l’épouse du chef de l’Etat, croise la route du sosie…

Mon avis : Le rideau s’ouvre sur un salon cossu et richement décoré de l’Elysée. Nous sommes d’emblée dans le sujet, dans le secret des dieux… Antoine Girard, simple quidam, modeste banlieusard, vient de tirer le gros lot : il est le Français qui possède le plus de ressemblances avec l’actuel Président de la République. Enlevé par les services secrets, il va être contraint d’accepter de tenir le rôle de doublure officielle du chef de l’Etat qui veut « être visible partout et présent nulle part »… Effectivement, parfaitement relooké, la ressemblance avec l’original est proprement stupéfiante.
L’idée de départ est originale. Elle ouvre sur une situation qui ne peut qu’engendrer une kyrielle de quiproquos. Cette comédie est un habile mélange entre une pièce de boulevard et un spectacle de chansonniers. Il s’inscrit dans la tradition satirique française qui consiste à brocarder joyeusement le pouvoir en place. Cette pièce aurait pu être programmée au Théâtre des Deux Anes. D’ailleurs, Michel Guidoni en a été longtemps un des pensionnaires.
Michel Guidoni, parlons-en. Il hérite là d’une merveille de rôle. Non seulement il imite plutôt bien la voix du Président et il reproduit sa gestuelle si particulière, mais il lui ressemble vraiment physiquement. Même stature, même couleur de cheveux, même morphologie. C’en est parfois troublant tant le mimétisme est parfait. Evidemment, pour le thème de cette pièce, un acteur comme Michel Guidoni, c’est de l’or en barre. Il rend le sujet crédible. Et on se dit pourquoi pas ?

Pour aussi surréaliste qu’elle soit, cette pièce est astucieusement montée. Si on en accepte le postulat, tout ce qu’elle nous montre serait plausible s’il était projeté dans la réalité. Tout, ou presque ; car il y a certaines situations qui seraient totalement irréalistes. Il n’empêche que ça tient la route.
Ça tient la route parce que Michel Guidoni est entouré de trois comédiens qui font tout pour la faire passer. Jean-Marie Lamour et Aurélie Nollet tiennent leur rôle avec une telle conviction qu’on y croirait presque. Ils sont tellement à fond dans leurs personnages qu’ils apportent une certaine crédibilité à l’histoire. Pour Alexandra Vandernoot, le challenge est plus délicat car elle doit jouer la seule personne ignorant tout du subterfuge. Autant Tanguy et Avril peuvent se cantonner dans le premier degré, autant elle doit faire preuve de beaucoup de précision pour nous laisser dans le doute. Est-elle un peu nunuche ou est-elle vraiment maligne ? En tout cas, elle se sort de ce rôle entre contrepoids avec beaucoup de charme et d’élégance.

Visiblement, le public, qui connaît le sujet de la pièce, est venu pour s’amuser. Et il s’amuse. Devant la caricature – même si comme pour toutes les caricatures, le trait est exagérément grossi -, les spectateurs rient vraiment de bon cœur. Certains reprennent même tout haut certains bons mots. On n’est pas tout à fait au théâtre. L’ambiance est bon enfant. On s’esbaudit en famille. Il est vrai que notre Sarko est une mine inépuisable pour les humoristes. Même si, parfois, Guidoni en rajoute et en fait des kilos, ça fait rire.
J’ai trouvé que le texte tenait bien la distance. Hormis le passage un peu longuet où Michel Guidoni se met à délirer autour du prénom de sa femme, Claire (fortement influencé par la scène culte du Dîner de cons avec les variations autour du prénom « Juste »), la trame est joliment menée. Il faut rendre cette justice à l’auteur… Bien sûr, c’est un festival de clichés, avec une profusion de bons mots et quelques jeux de mots un peu faciles, mais la belle énergie des comédiens sauve tout le temps le coup. J’ai aimé également ce petit morceau de bravoure parfaitement cocasse où Alexandra Vandernoot passe en revue les femmes ministres du gouvernement (monologue mis à jour depuis le remaniement, s’il vous plaît). Et puis, bien sûr, on ne peut que saluer la performance accomplie par Michel Guidoni…
J’étais assez réticent au départ, et puis, au fur et à mesure du déroulement de l’action, je me suis laissé prendre au jeu devant cette réal-fiction plutôt réussie. De toute façon, une telle pièce a son public, un vaste public amateur de cette tradition chansonnière évoquée précédemment et, rien que pour ça, elle mérite de tenir l’affiche encore un bon bout de temps. Dix-huit mois ? Jusqu’aux prochaines Présidentielles ?...

jeudi 18 novembre 2010

Zaz


Gros coup de cœur… Hier soir, je suis allé découvrir Zaz dans son tour de chant à la Cigale. Que du bonheur ! J’ai vécu, dans une salle comble, un grand moment de partage et d’authenticité. Claude Nougaro l’aurait adorée cette donzelle qui possède un sens du rythme inné et qui fait ce qu’elle veut avec sa voix si personnelle sans jamais en rajouter. Elle est simple, naturelle, heureuse d’être là. La scène est son terrain de jeu. Elle s’y ébat avec une aisance acquise à travers dix ans d’expérience(s) tout en ayant gardé fraîcheur et spontanéité. Pourvu que le succès ne nous la change pas trop ! Elle a quelques excellentes chansons à son répertoire, mais elle n’a pas encore à sa disposition tout le matériel pour proposer un récital complet. Le jour où elle l’aura étoffé, elle nous emmènera dans les étoiles.
Sur le plan de la popularité elle n’en est encore qu’à ses débuts. Mais elle est lancée et elle est partie pour aller très loin, très haut, et pour longtemps. Elle a son univers, son look, son timbre incomparablement swinguant et mélodieux ; tous les atouts pour réaliser une formidable carrière.
On a besoin d’artistes comme elles pour illuminer notre quotidien. Merci Zaz.