vendredi 23 novembre 2018

Etude notariale

Séverine Autenzio
36, rue Etienne Dolet
94230 Cachan
Tel : 01 58 07 00 45
www.autenzio-cachan-94.notaires.fr

Une fois n'est pas coutume : Critikator ne conseille pas une pièce, un disque, un livre, un spectacle.
J'ai envie exceptionnellement de faire l'éloge... d'une étude notariale... Ayant besoin des services d'un notaire, la proximité géographique m'a amené à ouvrir la porte du bureau de Séverine Autenzio.
Je n'ai eu qu'à me louer de la qualité et de son accueil et de ses conseils. Humaine, pédagogue, compétente, elle allie avec naturel la rigueur professionnelle et le sens de l'écoute.
En sortant de son étude, parfaitement informé, j'avais la sensation confuse de quitter une amie...
C'est la raison pour laquelle, n'ayant aucun intérêt dans ses affaires, il m'est facile de recommander chaudement ses services.

Un Picasso


Studio Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 42 93 13 04
Métro : Villiers / Rome

Une pièce de Jeffrey Hatcher
Adaptée par Véronique Kientzy
Mise en scène par Anne Bouvier
Décor de Charlie Mangel
Lumières de Denis Koransky
Costumes de Mine Vergez
Musique de Raphaël Sanchez

Avec Sylvia Roux (Mademoiselle Fischer), Jean-Pierre Bouvier (Pablo Picasso)

Synopsis : 1941. Paris est occupé.
Pablo Picasso est convoqué par Mademoiselle Fischer, attachée culturelle allemande, dans un dépôt où sont entreposées des œuvres d’art volées aux Juifs par les Nazis… Il doit identifier parmi elles trois de ses propres tableaux pour permettre à la propagande allemande d’organiser une exposition d’« Art Dégénéré » dont le point d’orgue sera un autodafé. Telle est la terrible mission confiée à la jeune femme dans le face à face qui l’oppose à l’artiste.
Comment Picasso va-t-il empêcher la destruction de ses tableaux ? Quels arguments peut-il employer pour faire échec à cette entreprise honteuse ? Certes, Mademoiselle Fischer est acquise à la cause nazie, mais pour autant elle a du mal à cacher la fascination qu’exerce sur elle la beauté des œuvres du maître.
Débute alors un affrontement tout en séduction, ruse, violence et ambiguïté dans lequel le peintre sait, qu’au-delà de lui-même, se joue un combat essentiel : la défense de la liberté de l’artiste face à la barbarie totalitaire qui, toujours, cherche à la détruire…

Mon avis : Cette pièce est un superbe mano a mano entre deux grands fauves, Madame Fischer et Pablo Picasso. Elle, c’est un animal à sang froid ; lui, c’est un buffle bouillonnant… En clair, nous assistons à un affrontement entre le feu ibère et la glace teutonne. L’opposition va être âpre et tendue.

Tous les éléments sont réunis pour qu’il y ait conflit. Madame Fischer est allemande. N’oublions pas que nous sommes en 1941. Le pouvoir nazi est à son apogée. Madame Fischer est Allemande. Elle se sent investie des pleins pouvoirs. Elle a la force avec elle. D’ailleurs, la Gestapo monte la garde à l’entrée de l’entrepôt. Pour arriver à ses fins, elle peut ainsi se montrer cassante, abrupte, autoritaire. Le problème, c’est qu’on ne peut imposer quoi que ce soit à un individu comme Picasso.
Lui, la guerre, il s’en fout. D’abord, il n’est même pas Français. C’est un exilé espagnol. Il n’est donc pas directement impliqué. Il ne réagit qu’en artiste et… en homme qui ne veut pas se laisser dicter sa conduite par une femme. C’est un des ressorts de la pièce. Le Pablo est non seulement très imbu de sa personne et de son immense talent, mais c’est aussi un sacré misogyne. C’est un taureau. Il ne cherche pas à esquiver, il fonce droit vers la muleta que cette torera fasciste agite devant son mufle fumant. Il n’est pas question pour lui de se laisser dominer par une représentante du sexe faible, fût-elle protégée par son statut d’occupante.

Ce face-à-face est passionnant. Il repose essentiellement sur des dialogues mordants, incisifs, drôles parfois, et sur deux comportements et deux mentalités diamétralement opposés. Autant Madame Fischer est rigide, cassante, sûre d’elle et de ce qu’elle représente, autant Picasso est rebelle, bougon et fougueux. S’appuyant sur un fonds historique solide (le texte est émaillé de nombreuses anecdotes et informations passionnantes), cette pièce, intelligente, est vraiment prenante. La bagarre est aussi intense sur le plan physique que psychologique. La tension va croissant. Un Picasso est un véritable suspense, un savoureux poker menteur qui nous tient en haleine jusqu’à la fin.

Gilbert "Critikator" Jouin

mercredi 21 novembre 2018

Pierre Perret "Humour Liberté"


Disques Adèle. Distribution Irfan, Le Label

« Humour Liberté »

31ème album studio de Pierre Perret, Humour Liberté s’inscrit dans la lignée de ses opus généralistes, c’est-à-dire non thématiques.
Trousseur de mots, détrousseur d’idées, retrousseur de zygomatiques, l’ami Pierrot, revisite dans ce nouvel album toutes les formes, tous les styles de chansons qui font sa renommée depuis… 1957 (61 ans !).
Pierre Perret… Père éternel dont l’œuvre fait partie depuis belle lurette du patrimoine de la chanson française, nous propose douze titres au contenu éclectique. Cela fait déjà un bon moment qu’il s’applique à faire se côtoyer dans ses albums des chansons rigolotes et coquines avec des chansons engagées.

Dans Humour Liberté, on retrouve donc le Perret traditionnel, le Perret rabelaisien et égrillard (Le beau matelot), le Perret témoin de son temps (Humour Liberté, Les émigrés), le Perret à la nostalgique souriante (La communale, Mémé Anna, Django, Ils se gourent), le Perret contemplatif (Ma France à moi), le Perret moralisateur (Pédophile), le Perret stylistique (Héloïse) et l’ami Pierre (L’ami fidèle, La ouananiche)…
En même temps, certaines de ces chansons se sentent un peu à l’étroit quand on les place dans des cases ainsi étiquetées. Elles dégagent des sensations, des sentiments, voire des dénonciations plus complexes.


Prenons donc la « liberté » d’analyser le contenu de cet album :

1/ Comment réduire Humour Liberté à un simple fait divers ? Accompagnée par une musique martiale avec roulements de tambours en intro, cette chanson qui évoque la tragédie de Charlie est un hommage fraternel. Dans l’esprit de Pierre, juxtaposer ces deux mots est un pléonasme. Il est tellement évident que l’humour se doit d’être libre, sans tabous, sans interdits, fussent-ils religieux. Quant à la liberté d’expression, elle devrait faire partie des saints sacrements et être œcuménique… Que des « grands gosses » armés de leurs seuls « crayons », certes bien pointus, bien aiguisés, puissent perdre la vie pour le seul motif de blasphème, c’est ahurissant. Pierre rejoint ici deux des ses pairs, Brassens, qui supputait que l’on puisse « mourir pour des idées » - ici pour des dessins qui les colportent -, et Béart qui déplorait « Le poète a dit la vérité, il doit être exécuté »… Résultat : on tombe dans une funeste caricatuerie…
Qu’elle est belle et forte cette chanson écrite d’une « plume alerte » !

2/ La communale s’inscrit en pleins et en déliés dans la plus pure tradition perretienne. Sur un ton guilleret, il égrène les quatre piliers sur lesquels s’est érigée sa scolarité castelsarrasinoise : la castagne, l’entraide pour les leçons en fonction des points forts de chacun, le goûter, et l’éveil à la sexualité. Souvenirs savoureux d’une époque bénie où le portable et Internet n’existaient pas.

3/ Les émigrés est une chanson-message dans la lignée de Lili. Pierre se met carrément dans la peau d’un émigré lambda qui se fait le représentant de tous ceux qui, comme lui, fuient leur pays pour différentes raisons. Il nous narre son odyssée avec les nombreux dangers qui l’ont émaillée. Il termine toutefois avec cette note d’espoir : le projet de rentrer un jour au pays.

4/ Retour aux grands classiques avec cette chanson polissonne qu’est Le beau matelot. Avec ses expressions et son langage très imagés, le chevalier paillard nous raconte par le menu un dépucelage. On se gondole et on se marre quasiment tout du long. Et puis il y a la chute, une chute qui pourrait s’apparenter à une sorte de coït interrompu et qui laisse un goût saumâtre.

5/ Ma France à moi appartient à la catégorie des chansons-énumérations. Pierre y dresse un bilan très personnel en citant toutes les personnes qui ont contribué à lui apporter son « gai savoir » : les écrivains, les poètes, les peintres, les humoristes, les musiciens, les grandes figures féminines, les savants, les comédiens, des hommes ou femmes politiques… Bref, une sorte d’inventaire à la Perret, un best of de ces personnalités que « les écoliers devraient apprendre par cœur ». Tous ces grands personnages étant des apôtres de la liberté d’expression, cette chanson vient compléter le thème exposé dans Humour Liberté.

6/ Une sacrée luronne que cette Mémé Anna un peu « chtarbée ». Quelle gaillarde ! Elle aussi exprimait son humour et sa fringale de vie en toute liberté. Sentencieuse, convaincante, consciencieuse (n’est-ce pas monsieur le Vicomte ?), licencieuse, anticléricale… Avec un tel modèle, une telle hérédité, le petit Pierrot ne pouvait pas être un ange.


7/ L’ami fidèle est une chanson cérébrale à suspense. Pierre Perret se met à gamberger et à se poser un tas de questions pour tenter de deviner quelles peuvent être les raisons du silence d’un ami. On analyse avec lui toutes les suppositions qui appartiennent au champ du possible. Sauf que la réalité ne fait pas partie des idées qu’il s’est faites. Elle est en fait toute simple. Lorsqu’il découvre enfin le poteau rose, il n’a de cesse que de lui démontrer à son vieux complice l’intangibilité de son amitié.

8/ J’ai ressenti un certain malaise à l’écoute de Pédophilie. C’est une chanson à la fois explicite et ambiguë. Le désert sexuel que leur religion impose aux prêtres les amène à des pratiques que la morale réprouve. Il ne faut pas surtout pas laisser venir à eux les petits enfants. Il y a des ouailles adultes pour cela... C’est une chanson qui fait désordre car la fin des quatre couplets leur donnerait quasiment l’absolution puisque « les faits sont prescrits », alors « on n’en parle plus »… Au contraire, il faudrait l’abroger cette prescription et ne pas mettre ces turpitudes ecclésiastiques sous l’éteignoir.

9/ Django est le pendant de Ma France à moi, mais vis-à-vis du jazz. Pierre y liste tous ces musiciens qui lui ont enchanté les cages à miel, fait swinguer l’âme et « mis le soleil au cœur ». Quelle compilation !

10/ Grand amateur de figures de styles, le Pierre a dû se régaler avec l’imparfait du subjonctif qui agrémente le texte d’Héloïse. C’est un petit bijou d’écriture au charme désuet mis au service d’une histoire un tantinet coquine.

11/ J’ai beaucoup aimé Ils se gourent car c’est une chanson qui se termine sur belle note rassurante d’espoir. Quatre couplets pour démontrer à grand force d’images qu’en amour on ramasse plus de râteaux que de pelles ; donc qu’il est superfétatoire d’y croire… Et puis survient dans le cinquième couplet la « bandante » Raymonde qui met à bas toutes ces certitudes nées d’échecs sentimentaux répétés. Conclusion : il faut espérer en l’amour et remettre sans cesse son métier sur l’ouvrage.

12/ Dans le refrain, Pierre Perret, grand pêcheur devant l’Eternel, nous explique ce qu’est La ouananiche. Pas besoin donc d’ouvrir votre dico. C’est les copains d’abord en goguette sur les rives du Saint-Laurent ou des lacs canadiens pour une mémorable partie de « pêche miraculeuse ». C’est avant tout une superbe histoire qui tourne autour de ce pivot, essentiel pour lui, qu’est l’amitié… La ouananiche permet ainsi à cet album de finir en queue de poisson. On peut donc imaginer que le Pierre a déjà appâté pour un 32ème opus…

Gilbert "Critikator" Jouin