vendredi 31 juillet 2015

Anne Roumanoff "Aimons-nous les uns les autres"

L’Alhambra
21, rue Yves Toudic
75010 Paris
Tel : 01 40 20 40 25
Métro : République / Jacques Bonsergent

Ecrit et interprété par Anne Roumanoff
Mis en scène par Gil Galliot

Présentation : Qu’elle incarne une productrice de téléréalité prête à toutes les manipulations pour arriver à ses fins, une touriste américaine qui ne parvient pas à attirer l’attention du serveur ou qu’elle dresse un portrait au vitriol des parents d’élèves englués dans leurs problèmes, Anne Roumanoff nous raconte la société française à travers des personnages de femmes se débattant avec un quotidien pas toujours facile.
Alternant les sujets légers et les sujets plus profonds, ses personnages sont toujours finement observés et le trait est juste. Le texte est ciselé au millimètre. Anne Roumanoff, actrice extraordinaire, a une spécialité : l’ordinaire. Rions de tout ce qui va mal avant que d’en pleurer…

Mon avis : Fidèle à ses habitudes, Anne Roumanoff s’installe pour un long séjour dans une salle parisienne. Elle se produira ainsi jusqu’au 19 janvier 2016 sur la scène de l’Alhambra…
Hier soir, pour sa toute première prestation dans la capitale, elle est apparue déjà très affûtée, nous offrant une heure et demie d’un show absolument éblouissant.
Pour paraphraser Georges Brassens, on peut sans flagornerie aucune, affirmer  que « tout est bon chez elle, il n’y a rien à jeter ». Tout au long du spectacle, j’ai recherché en vain le sketch un peu moins bon, le propos facile, le cliché éculé. De toute évidence chacun des sketchs – et il y en a seize – a été travaillé et retravaillé. Telle Mame Lemontu, sa bouchère vedette, elle a gratté jusqu’à l’os pour éliminer tout gras superflu et ne garder que le dur et le nerf. Aucun bas morceau sur son étal, que de la haute qualité labélisée « viande rouge… manoff », bien goûtue et, surtout, bien saignante.

Dans deux mois, Anne aura 50 ans et, à une année près, trente ans de métier. Visiblement, elle a atteint sagesse et sérénité. Elle entame d’ailleurs son spectacle en se moquant d’elle-même, de son âge, de ses problèmes récurrents de poids ; ce qui l’autorise à dire qu’elle est aujourd’hui « lourde d’expérience », ce à quoi j’ajouterai personnellement qu’avec sa plume qui, elle, est toujours restée légère et incisive, elle est désormais « hors ligne ». Elle est tout en haut. Elle fait partie de la demi-douzaine de nos meilleurs humoristes, tous sexes confondus.


Sur ses seize sketchs, il y en a tout de même douze nouveaux. Je ne sais pas comment elle réussit à se renouveler autant et aussi vite. Sa force, c’est de puiser ses sujets dans notre quotidien. En observatrice avisée, elle se nourrit de ce qu’elle picore dans notre vie de tous les jours. Contrairement à Monsieur Jourdain qui fait de la prose sans le savoir, elle pratique l’anthropologie en toute connaissance de cause. Ça, elle l’étudie son prochain, et sous toutes ses formes ! Tous nos travers, tous les dysfonctionnements de notre société, toutes les faiblesses de nos institutions, sont analysés, stigmatisés et, amplifiés sous la loupe de son humour dévastateur, nous sont resservis sous formes de sketchs particulièrement efficaces.
Anne est une authentique « merformeuse » (barbarisme pour le féminin de performeur). Elle joue avec son corps et sa voix, jongle avec les accents ; elle possède une façon ahurissante d’incarner ses personnages, les faisant dialoguer entre eux en autant de saynètes percutantes et réjouissantes. S’appuyant sur une écriture au cordeau et un sens de la formule terriblement aiguisé, elle n’a plus qu’à laisser ses talents de comédienne faire le reste.

Aimons-nous les uns les autres est un véritable festival riche et varié. Anne y assène des vérités, des évidences avec une virtuosité qui force le respect. Elle nous fait rire avec des choses qui, a priori, devraient nous agacer et nous affliger. Voire, nous faire honte. A travers sa galerie de portraits, elle évoque Pôle Emploi, le mariage gay, la phobie administrative, le coaching en bien-être, l’éducation des enfants, le choix d’une politique extrême, le manque de courtoisie des Français vis-à-vis des touristes, les problèmes des ados déscolarisés… Tout nous concerne.
Et son final, qui se décompose en trois sketchs, est en apothéose (définition du Larousse : « Dernière partie, la plus brillante, d’une action, d’une manifestation sportive, artistique… »), avec en entrée Radio Bistro, en plat de résistance Aimons-nous les uns les autres, dont la mise en scène est réellement étourdissante d’inventivité (et quel texte !) et, en dessert, une fable admirablement écrite que je sous-titrerais « Les animaux malades de la politique »…

Sans complaisance aucune, on ne peut que saluer la performance scénique et la qualité de ce nouveau spectacle tant dans l’écriture que dans le jeu. Excellant dans la composition de personnages vraiment hauts en couleurs, Anne Roumanoff est au sommet de son talent. En rouge et noir, campée entre deux cœurs stylisés, elle vous accueillera à Alhambra ouvert…


Gilbert « Critikator » Jouin

mardi 28 juillet 2015

Jeff "Costards sur mesure"

Les Feux de la Rampe
34, rue Richer
75009 Paris
Tel : 01 42 46 26 19
Métro : Cadet / Richelieu-Drouot / Grands Boulevards

Ecrit et interprété par Jeff Didelot

Présentation : D’une plume vitriolée à souhait, Jeff Didelot pique, repique et surpique là où ça fait mal…
C’est avec l’habileté d’un grand couturier qu’il prend plaisir à tailler des « costars sur mesure » à tous ceux qui, selon lui, le méritent. Peoples, politiques, hommes, femmes, voisins, jeunes, vieux… Rien ni personne n’échappe à ses coups de ciseaux… Un défilé corrosif dont personne ne sortira indemne.

Mon avis : Jeff ne nous fait pas languir longtemps. A peine a-t-il fait son entrée sur scène qu’il nous lâche une rafale de vannes toutes plus hard les unes que les autres. Arborant le masque d’un pince-sans-rire, il distille ses horreurs avec un naturel déconcertant. Ce n’est que lorsqu’il perçoit les premières réactions de quelques spectateurs choqués mêlées aux jappements de satisfaction de ceux qui aiment l’être, qu’il condescend enfin à révéler un large sourire bonhomme encadré par deux fossettes ravageuses.
Le terme qui le définit le mieux est inscrit dans la présentation de Costards sur mesure, c’est « corrosif ». C’est l’adjectif qui revient en effet le plus souvent dans les avis des spectateurs et sous la plume des critiques. Jeff est donc corrosif ; et pas qu’un peu. Pour un allumeur, quoi de plus naturel que de se produire aux « Feux » de la Rampe ? A peine les vols de canadair de nos rires en ont-ils éteint un qu’il en rallume un autre !

Cette fois, il a décidé de verser dans la haute couture et de se présenter en tailleur de « costards sur mesure ». Bien que le terme de « mesure » ne soit pas le plus approprié car il ne s’en autorise aucune. Avec lui, pas de limites. On a même du mal à la croire quand il affirme sa seule déontologie c’est se savoir jusqu’où il peut aller trop loin. Il est évident qu’il a franchi depuis belle lurette les frontières de la bienséance pour s’aventurer dans le no man’s land de l’irrévérence... On ne peut pas dire que c'est le genre de mec qui part sans laisser de trash. Dans la tiédeur ambiante actuelle, ça fait du bien de découvrir quelqu'un qui ose...

Qui sont donc les modèles appelés à endosser ces fameux costards qui vont les habiller pour l’hiver et plusieurs autres saisons ? Pêle-mêle, ils ont pour nom Arthur, Candeloro, Jamel, Mimie Mathy, Amélie Mauresmo, Francis Lalanne, Nabilla, Loana… Avec une gourmandise machiavélique, il pique, surpique, donne des coups d’aiguille et des coups de ciseaux, il taille et rapièce tant que ses pauvres victimes doivent se sentir gênées aux entournures…


Non content de s’en prendre à quelques peoples, Jeff est également un iconoclaste tout terrain. Après avoir brossé ces quelques portraits bien sentis, il nous offre une série de sketches particulièrement féroces. N’épargnant rien ni personne, y compris les handicapés (avec, au menu, une originale "dégustation" à l'aveugle), il se montre goujat, macho, misogyne, allant jusqu’à filmer l’accouchement de sa compagne avec des commentaires que l’on peut pour le moins qualifier d’inconvenants. Et encore, je me cantonne dans un euphémisme respectueux…
Ce qu’il aime aussi – il l’avoue avec un petit ton sardonique – c’est « faire des parenthèses ». Ces signes de ponctuation lui permettent autant de revenir avec délectation sur une de ses cibles préférées que d’aborder un sujet d’actualité. Mais elles lui servent aussi de placer quelques règlements de compte un peu saignants (visiblement, certaines plaies ne sont pas cicatrisées)…
Si vous n’avez pas peur qu’il vous arrive un accident et d’être pris à partie, n’hésitez pas à vous installer dans les deux premiers rangs. Ce sera à vos risques et périls et pour le plaisir le plus sadique des spectateurs épargnés et judicieusement planqués dans la pénombre.

Jeff termine son tir aux pigeons avec une lettre d’adieu qu’il confond apparemment avec lettre d’odieux. Mais comme il s’est donné la peine de l’écrire en alexandrins, nous lui donnerons l’absolution. Une absolution finale d’autant plus méritée qu’il est évident – à part peut-être pour certaines personnes – qu’il joue les affreux jojos pour se faire rire (car il se gausse également beaucoup de lui-même) et surtout pour nous faire rire. Il est méchamment drôle quoi !


Gilbert « Critikator » Jouin

samedi 25 juillet 2015

C'est pas gagné !

Les Feux de la Rampe
34, rue Richer
75009 Paris
Tel : 01 42 46 26 19
Métro : Cadet / Richelieu-Drouot / Grands Boulevards /

Ecrit et mis en scène par Patrick Chêne
Avec Juliette Chêne (Stéphanie), Jean-Charles Chagachbanian (Antoine), Pauline Bression (Marie)

L’histoire : Antoine et Stéphanie ont vécu ensemble pendant six ans. Elle a subitement mis fin à leur histoire il y a quelques mois. Antoine n’a vraiment pas compris pourquoi…
Ce soir, ils vont se retrouver sur la terrasse de l’appartement qu’elle n’a pas quitté. Ils vont dîner ensemble et faire comme si…
Invités au dîner : les parents d’Antoine de passage à Paris et le patron de Stéphanie. Invitée surprise : Marie, la sœur de Stéphanie, qui s’incruste… On comprendra plus tard que ce n’est peut-être pas vraiment par hasard…

Mon avis : Voici bien une pièce qui mérite amplement le qualificatif de « comédie romantique ». Tout y est réuni en effet pour faire chanter les violons et faire vibrer les cœurs. Pourtant, elle n’est jamais mièvre. Très moderne au contraire. Et on y rit beaucoup. L’intrigue est certes cousue de fil blanc, mais il n’empêche qu’elle nous ficelle habilement tel des rôtis bien tendres.

Après une séparation de presque six mois, Stéphanie redonne signe de vie à Antoine sous le fallacieux prétexte d’un diner auquel vont participer entre autres ses parents, ignorants du fait qu’ils ne vivent plus ensemble. Bien sûr, l’ex ne se fait pas prier. C’est en courant qu’il se rend à l’invitation ! D’autant qu’il ne sait toujours pas pourquoi il s’est fait larguer. L’occasion est donc trop belle pour tirer les vers du nez de Stéphanie. Avant que les autres convives n’arrivent, sachant que son temps est compté, il va la mettre sur le gril. Sauf que la jeune femme est aussi rouée et prudente qu’il est maladroit et empressé.


On assiste donc à une sorte de duel verbal à fleurets pas toujours mouchetés. Pour compenser le trouble et l’émotion des retrouvailles, il est tellement plus facile de vanner et de se faire des reproches que de trouver les mots qui apaisent. Les dialogues sont très importants. Ils sonnent juste. Patrick Chêne, l’auteur et metteur en scène, fait preuve d’une connaissance très pointue sur les psychologies masculine et féminine. Il nous livre une pièce qui pourrait nous donner des clés genre « le couple, mode d’emploi »…
Les caractères de Stéphanie et Antoine sont fort bien dessinés. On se retrouve aisément en eux. En même temps, les relations homme-femme, infinitésimales, sont un vivier inépuisable. Dans C’est pas gagné !, l’affrontement est aussi inévitable que nécessaire. Il faut passer par la phase règlement de comptes. D’abord pour nous, spectateurs, pour bien savoir qui est qui et quels sont les principaux points de désaccord. Le seul élément qui soit intangible, c’est que Stéphanie et Antoine se sont beaucoup aimés. Que reste-t-il donc de cet amour apparemment consumé ? Y aurait-il encore des braises rougeoyantes sur lesquelles souffler pour le ranimer ?

Dans ce domaine, il n’y a pas énormément de suspense. La happy end est tellement prévisible ! Non, ce qui est intéressant tout au long de la pièce, c’est ce qui s’y dit et ce que les comédiens y apportent. Juliette Chêne et Jean-Charles Chagachbanian oscillent en permanence entre tension et émotion, entre tendresse et invectives. Leur jeu est très, très fin car il ne repose que sur l’expression de leurs sentiments. C’est un jeu du chat et de la souris dans lequel ils échangent parfois les rôles. Mais les archétypes restent tranchés. Antoine est très masculin, Stéphanie très féminine. Elle est fine mouche, directe, parfois carrément cash, mais en même temps elle se montre autocritique : « Je ne sais pas si je suis passablement compliquée ou résolument tordue »… Quant à lui, il cultive une mauvaise foi qui ne trompe personne, il est encore très puéril et, ce qui est amusant, il se révèle bien plus prude qu’elle.

Vers la fin de la pièce, lorsqu’on voit que le rapprochement va inexorablement s’opérer, je me suis senti gêné d’être le témoin de leur complicité retrouvée. Leur façon de jouer devient si intimiste que j’ai eu presque envie de m’éclipser en catimini pour ne pas les déranger. C’est rare une telle sensation au théâtre. Elle prouve aussi la qualité de l’investissement des comédiens.


On ne peut également passer sous silence la présence ô combien déterminante du troisième personnage de la pièce, Marie, la sœur de Stéphanie. Pauline Bression nous offre une composition absolument réjouissante. Elle est fraîche, espiègle, mutine, spontanée, avec juste ce qu’il faut de fausse assurance pour laisser percer une certaine fragilité. Elle assure une composition en tout point remarquable qui complète parfaitement le jeu plus en retenue des deux tourtereaux.

C’est pas gagné ! est un éloge du dialogue. Il FAUT se parler, même si ça peut parfois blesser. Se dire les choses ne peut que nous rendre plus belle la vie… En fait, Patrick Chêne, nous offre là une belle leçon de savoir-vivre… en couple.
Même si on sait bien sûr qu’il n’existe aucune recette et qu’aucun couple ne ressemble à un autre. Raison pour laquelle il y aura toujours et à l’infini des pièces sur ce sujet…


Gilbert « Critikator » Jouin

mercredi 22 juillet 2015

Un mariage est si vite arrivé

Les Feux de la Rampe
34, rue Richer
75009 Paris
Tel : 01 42 46 26 19
Métro : Cadet / Richelieu-Drouot / Grands Boulevards

Une comédie de Laurence Bru
Mise en scène par Christian Garcia Reidt et Laurence Bru
Avec Estelle Simon (Claire), Patrick Mancini (Laurent), Gigi Ledron (Hélène), Frédéric Anscombre (Marc)
Costumes de Chattoune

Présentation : En voyage à Las Vegas, Claire épouse Laurent sur un coup de foudre. Mais elle ignore qu’il est le frère de Marc, son compagnon actuel. Heureusement, Claire peut compter sur la complicité de sa sœur Hélène…

Mon avis : Voici une pièce qu’il fallait avoir l’audace – ou l’inconscience – d’écrire car elle ne repose pratiquement sur rien de crédible. Et pourtant… Et pourtant, on se laisse vraiment prendre au jeu. Tout cela grâce à un texte et à des dialogues fort bien écrits et à la conviction que mettent les comédiens pour nous faire croire à cette histoire extravagante.
Le pivot de cette comédie romanticomique, c’est Claire. C’est une idéaliste, elle rêve donc d’absolu et l’occasion lui est donnée de vivre son fantasme de jeunesse lors d’une escapade à Las Vegas, la ville des mariages express. Dès lors, elle va dicter sa loi à un entourage qui la sait imprévisible et excentrique (et l’aime pour ça), c'est-à-dire à son compagnon Marc, à sa sœur Hélène et, évidemment, à son mari d’un jour.

Vu comme ça, on nage déjà en plein imbroglio. Mais l’auteure s’est ingéniée à ajouter encore de l’improbable à l’inimaginable (je vous en laisse la surprise)… Lorsqu’on est un tantinet cartésien, il faut l’accepter ce postulat surréaliste et ses tiroirs gigognes ! Entre son envie de franchise et des mensonges obligatoires, Claire, qui porte bien son prénom, va utiliser sa folle énergie à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Le pire, c’est que l’on prend du plaisir à se laisser berner.
Laurence Bru, l’auteure, a réussi l’exploit de faire du marivaudage avec une situation cornélienne. Alors qu’on devrait être en plein drame, on navigue sans cesse entre humour et légèreté. L’écriture est si précise qu’elle souffle un air de véracité. On se dit : « pourquoi pas, après tout ? » ; pourquoi une telle philosophie de vie ne serait-elle pas projetable dans la réalité ? Même si on sait d’avance qu’elle ne peut s’appliquer que sur du court terme…

Dès que les quatre protagonistes sont réunis, on passe notre temps à se demander comment tout cela va-t-il pouvoir se conclure. Or, à l’instar de Claire, son héroïne, qui a horreur que les choses aient un terme, il n’y a pas de vraie fin. Tout reste ouvert à notre imaginaire… 
J’insiste vraiment sur la qualité du texte, d’autant qu’il est parfaitement servi par un quatuor tout à fait impliqué, donc convaincant.
Cette pièce, dont le sous-titre pourrait être « 24 heures de la vie d’une flamme », plaît évidemment surtout au public féminin, en grande majorité dans la salle. Les libertés que prend Claire avec les conventions et le socialement correct sont effectivement attirantes et donnent envie de les vivre.
Un mirage est si vite arrivé…


Gilbert « Critikator » Jouin

samedi 11 juillet 2015

La folle évasion

Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 16
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une comédie d’Angélique Thomas et Vincent Varinier
Mise en scène par Eric Métayer
Décor, costumes et accessoires de Pauline Gallot
Lumières de Joffrey Klès
Musique de Michel Winogradoff
Avec Eric Laugérias (Dédé Lamalle), Lydie Muller (Marie-Charlotte), Vincent Varinier (Arthur), Angélique Thomas (Sophie)

Présentation : Faire passer 10 millions d’euros en Suisse, c’est la mission de Marie-Charlotte Van Appeltaart… Tombée en panne d’essence, elle débarque dans une station-service. Un braqueur surgit, mais ce n’est pas n’importe lequel : c’est le plus maladroit des braqueurs du monde !...

Mon avis : Tout est annoncé dans le titre. « Folle », c’est la frénésie qui règne sur la scène… Quant à l’ « évasion », c’est l’état d’esprit dans lequel les spectateurs se trouvent. Les gags les plus insensés (dans le sens littéral du terme) se succèdent à un tel rythme qu’il est impossible de penser à autre chose. Cette comédie n’a de but que de distraire. On peut laisser sans problème son cerveau en sommeil car l’intrigue est d’une simplicité totale. En revanche, nos zygomatiques, agressés sans relâche, ne passent pas une soirée de tout repos.

Photo Alain Curvelier
Je dois avouer que je suis entré dans cette pièce un peu mollement, trouvant les situations manquant quelque peu de naturel et les vannes faciles. Et puis, à partir de l’irruption de notre lamentable braqueur, je me suis progressivement laissé embarquer et mes petits sourires se sont mués en rires francs.
Eric Métayer a trouvé en la personne d’Eric Laugérias son alter ego en délire. Ils ont bien dû s’amuser ces deux là lors des répétitions. Il a dû y en avoir de la surenchère !... Eric Laugérias possède aujourd’hui une telle maîtrise dans l’expression du burlesque qu’on pourrait le considérer comme le fils qu’auraient pu avoir contre nature Louis de Funès et Pierre Richard. Il réunit en effet l’exubérance et la gestuelle trépidante du premier avec la maladresse et la douce naïveté du second.


Mais pour que cette démonstration ne risque pas de tomber dans le travers du one man show, il fallait qu’il ait autour de lui non pas des comparses ou des faire-valoir, mais des complices. Dans ce domaine, Lydie Muller, Angélique Thomas et Vincent Varinier sont les partenaires idéaux. Se prêtant au jeu sans aucune restriction, sans aucune limite, ils lui renvoient la balle avec un plaisir gourmand. Chacun d’eux a un profil psychologique parfaitement défini ce qui donne une vraie cohérence à leurs extravagances.
Bref, vous l’aurez compris, vous ne viendrez assister à La folle évasion uniquement si vous avez envie de vous détendre et si vous avez gardé en vous cette part d’enfance qui accepte de croire aux situations les plus insensées, de les partager, et d’en redemander encore.

Gilbert « Critikator » Jouin


lundi 6 juillet 2015

Karim Kacel "Encore un jour"

Universal/Adami /


Pour présenter Karim Kacel, il n’y a qu’à se référer à la préface que Jean-Michel Boris, qui fut directeur de l’Olympia de 1979 à 2001, a écrite pour sa biographie, Un gamin d’banlieue, parue en 2008 : « Pour moi, Karim Kacel présentait tous les arguments pour être une vedette. Il chante bien, il écrit bien, il occupe remarquablement la scène. Vocalement et rythmiquement, c’est un mec qui balance. C’est pourquoi je n’ai pas hésité une seconde à lui faire faire l’Olympia, en vedette pour trois soirées, en février 1988. Karim est un garçon vraiment attachant, honnête et droit. J’ai beaucoup de sympathie et d’admiration pour lui. J’estime qu’il n’a pas fait la carrière qu’il méritait de faire. Je sais que le spectacle piano-voix qu’il a récemment donné au Kiron Espace était absolument superbe »…

Dans ces propos liminaires d’un grand amoureux des artistes et de la bonne chanson française, tout est dit. Il est tout à fait vrai que Karim Kacel n’occupe pas dans le gotha de notre variété une place à la hauteur de son talent et de son authenticité. Ce garçon a tout de même été auréolé par le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros en 1986 pour sa chanson P’tite sœur, par le Piaf du meilleur spectacle pour, justement, sa prestation à l’Olympia en 1988, et par le Prix du Petit Robert du meilleur parolier décerné par Léo Ferré (excusez du peu !) en 1989… Multiples raisons pour lesquelles, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Encore un jour, il est utile et nécessaire de le rappeler à notre bon souvenir.

Ces trois prix qu’il a reçus ne sont pas anodins car ils récompensent deux des domaines dans lesquels il excelle : la scène et les mots. Si on y ajoute sa voix chaude et mélodieuse et son sens inné du rythme, cela fait de Karim un des artistes les plus complets de notre patrimoine depuis un peu plus de trente ans.


Encore un jour est vraiment un bon album. Voix devant et diction parfaite, il est particulièrement soigné tant au niveau des textes que des mélodies et des arrangements. Après l’avoir écouté à plusieurs reprises, en voici mes chansons préférées dans mon ordre préférentiel :

1/ Parle-moi. Un titre qui balance tout seul, une ritournelle entêtante qui avance tout le temps autour du leitmotiv entêtant « Parle-moi », une guitare démoniaque. L’arrangement est original et dense. D’abord saupoudré de petits gimmicks qui tombent comme une grosse goutte de pluie, il franchit un palier avec l’arrivée somptueuse des cordes avant de se terminer dans une apothéose qui frise la symphonie.

2/ Obsolescence programmée. Chanson aussi ambitieuse que son titre. Un texte très fort que souligne en première intention une voix parlée chargée d’émotion et d’intensité. Seul l’amour tient debout, c’est un roc qui permet d’affronter et de résister face à un monde qui se délite.

3/ Encore un jour. Titre très efficace, optimiste. Une véritable ode à la vie et à l’amour. Interprétation joyeuse, habitée, pleine de générosité. Judicieuse utilisation de l’orgue.

4/ On se fait du mal. La mélodie nous pénètre immédiatement. Façon de dire des choses graves avec une certaine légèreté. Chanson-constat sur l’égocentrisme, le repli sur soi, l’enfermement, et l’abrutissement devant le poste de télévision et avec notre sacro-saint téléphone portable… Accompagnée par un orgue enveloppant la litanie « On se fait du mal » se fait de plus en plus insidieuse. C’est vraiment réussi.

5/ Une autre chance. Supplique guitare-voix. Mélodie simple, entraînante et obsédante. Joli texte sur l’envie de se faire accepter tel qu’on est après s’être longtemps caché. Aveu d’un gros besoin d’amour.


6/ Comme une petite lumière. Comme son titre l’indique, c’est une chanson lumineuse, extrêmement positive. Voix libérée, heureuse. Quand on est amoureux, on aime tout et tout le monde. Tout est beau autour, les gens sont tous sympathiques. Envie de donner, de recevoir et de partager (« ça fait du bien de se sentir un être humain »). Excellent idée que de la mâtiner de gospel, ce qui donne un aspect choral à cette métamorphose pleine de bons sentiments.

7/ Perce neige. Complainte de quelqu’un qui a beaucoup vu, beaucoup vécu. Sorte de litanie autour de l’affirmation « je sais ». Se focalise sur la vue d’une fleur dressée au milieu d’un monde empli d’horreurs et de désolation. Très beau texte.

8/ Dis lui. Enfin, on ne peut passer sous silence cette reprise de ce tube immortalisé par Mike Brant. Karim y apporte sa sensibilité, sa vulnérabilité. Il ne recherche pas la performance vocale, préférant privilégier une interprétation toute en retenue, pleine d’émotion et de douceur. Arrangement minimaliste, avec piano feutré, orgue délicat et cordes discrètes. Superbe.


vendredi 3 juillet 2015

Les Swinging Poules

L’Alhambra
2&, rue Yves Toudic
75010 Paris
Tel : 01 40 20 40 25
Métro : République / Jacques Bonsergent

Mise en scène de Flannan Obé
Arrangements d’Emmanuel Martin
Chorégraphies d’Estelle Danière et Sidonie Dève
Lumières de Stéphane Balny
Costumes de Jef Castaing
Avec Florence Andrieu, Charlotte Baillot et Caroline Montier
Accompagnées au piano (et au chant) par Philippe Brocard ou Jan Stümke

Présentation : Créé en 2010 par trois chanteuses habituées aux scènes d’opéras, le trio s’attelle à constituer un répertoire où paroles et musiques font jeu égal, car il s’agit de charmer les oreilles par des mélodies et des arrangements soignés, et d’ébouriffer l’esprit avec des histoires loufoques, croustillantes ou tendres. Avec leur pianiste, qui est aussi un vrai chanteur, elles réinventent quelques succès de Dassin, Aznavour, Vian et Gainsbourg, mais elles ont aussi le bon goût d’aller chercher des pépites méconnues du répertoire…
Chanteuses autant que comédiennes, elles donnent vie à trois personnages au charme « fifties » qui nous parlent, l’air de rien, d’émancipation féminine et qui, à coup de pantomimes, de chorégraphies ou de chants a cappella, nous séduisent autant qu’elles nous surprennent.
Disons le tout net : Les Swinging Poules sont les enfants naturelles des Andrew Sisters et des Frères Jacques.

Mon avis : En fait, tout est dit, et bien dit, dans la présentation. Les maîtres-mots en sont « mélodies », « arrangements soignés », « histoires loufoques, croustillantes ou tendres », « pépites », « chanteuses autant que comédiennes », « pantomimes, chorégraphies, a cappella »… Le spectacle des Swinging Poules rassemble en effet tous ces éléments. Tout ce que j’ai à y ajouter, c’est mon ressenti.
Ce show – car c’en est un – en rouge et blanc (pour les poules), et noir (pour le coq) est un plaisir autant pour les yeux que pour les oreilles. Nonobstant ce plaisir oculaire et esthétique, il nous titille également le cervelet car, mine de rien, certaines chansons, qui concernent principalement les relations hommes-femmes, nous donnent à penser…


Chacune des 21 chansons interprétées possède sa propre scénographie ; elles sont toutes scénarisées et jouées avec une chorégraphie adaptée, chacune d’elle donnant lieu à un tableau spécifique. Elles s’enchaînent sans aucun temps mort. Les rythmes se suivent et ne se ressemblent pas. Les ambiances itou. Car si les Poules caquettent, elles jazzent aussi. C’est dire l’inventivité et le travail en amont que tout cela implique. Inutile de s’appesantir sur les talents vocaux de nos trois chanteuses, toutes trois formées à l’opéra et musiciennes émérites pour deux d’entre elles (Charlotte Baillot et Caroline Montier), mieux vaut en revanche s’attarder sur leurs formidables dons de comédiennes. Elles sont en outre toutes trois dotées d’un potentiel humoristique particulièrement jubilatoire. Elles savent aussi bien appuyer le trait quand il le faut (chanson réaliste interprétée de façon théâtrale avec poses exagérées) qu’opérer tout en finesse. Tour à tour soliste ou choristes, nos trois drôlesses nous offrent de remarquables moments d’harmonies vocales. Leurs timbres sont très complémentaires. Et puis, ce sont surtout trois sacrés tempéraments. Elles osent tout ; tout en restant constamment très féminines. Impertinentes, coquines, mélancoliques, facétieuses, tendres, provocantes, elles expriment tout l’éventail de l’éternel féminin. Ce sont des Poules au jeu d’or.


Il faut également souligner la grande importance du pianiste qui les accompagne. Le soir où je suis allé les voir, c’était Philippe Brocard qui officiait. C’est Monsieur Plus car il ajoute par sa présence une dimension supplémentaire à la dramaturgie. Il est le « Poules Man ». Non seulement, c’est un remarquable instrumentiste, mais il possède une voix de baryton qui force le respect et un sens de l’humour et de l’autodérision très réjouissants. Subissant leurs coups de bec avec flegme, il se prête avec une gourmandise évidente à toutes les pitreries de ses partenaires. Surtout quand elles se livrent à son encontre à une basse cour. Il faut voir sa prestation dans Vous les femmes de Julio Iglesias. C’est un des pics du spectacle.
Les autres grands moments ont été pour moi la transposition féminine de Tu t’ laisses aller, la version torride de Fever, complètement décalée avec sa touche de burlesque, et le grand numéro qu’elles nous exécutent sur Vamp, dans lequel elles rendent hommage aux grandes séductrices de l’Histoire.


Je me suis régalé pendant plus d’une heure et demie. J’en ai pris plein les mirettes et mes trompes d’Eustache ont connu de grands moments d’extase. Et puis, entre deux ou trois plages teintées d’émotion, voire de dure réalité, j’ai surtout beaucoup ri. Quel travail, quelle mise en scène, et quel quatuor !
Et on ne peut même pas leur reprocher de nous quitter en coup de Vian. Elles et lui nous ont donné tant de plaisir. On ne va pas se mettre à ergoter non plus…


Gilbert « Critikator » Jouin

jeudi 2 juillet 2015

Anne Baquet "Non, je ne veux pas chanter"

Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Tel : 01 45 44 57 34
Métro : Notre-Dame des Champs / Vavin

De et avec Anne Baquet
Accompagnée au piano par Grégoire Baumberger
Mise en scène de Claudine Allegra
Lumières de Jacques Rouveyrollis

Présentation : Récital hors du temps, qui mêle le burlesque et le sensible. Après avoir interprété un répertoire allant de Bach à Bernstein, Anne Baquet a désiré reproduire la même diversité avec des créations.
Elle s’est donc adressée à différente auteurs (François Morel, Juliette, Jean-Jacques Sempé, Isabelle Mayereau, Georges Moustaki, Claude Bolling, Marie-Paule Belle…) sans oublier Rachmaninov, Chopin…
C’est un spectacle hors du temps, ni « modé » ni démodé, un voyage plein d’esprit, d’humour et de poésie, où le public passe d’une mélodie vocale à un piano quatre mains farfelu, ou d’une chanson humoristique à un pas de danse.

Mon avis : Anne Baquet a d’abord hérité des gènes de son père musicien et ô combien sportif, et de sa mère danseuse et chorégraphe. Ne se contentant pas de ce bagage inné, elle l’a agrémenté et enrichi d’études de chant, de danse, de comédie avec, en prime, un détour dans l’univers du cirque. Si bien qu’elle est devenue une artiste protéiforme et pluridisciplinaire. Une artiste complète, quoi, pour faire simple. Et qui dit « artiste complète », dit « spectacle total »…


Non, je ne veux pas chanter est la parfaite synthèse de tous ces talents additionnés. Après avoir découvert son pianiste (au sens propre du terme), salle oblige, Anne Baquet entame son récital avec un Lucernaire d’Opéra signé Rachmaninov. Après cette entame lyrico-académique, elle nous sert immédiatement un autre aspect de sa (forte) personnalité, la malice. Ensuite, elle ne va plus cesser de nous proposer des titres très divers lui permettant à chaque fois de nous offrir les mille autres facettes de son incroyable talent. C’est qu’elle sait tout faire. Et même un peu plus. Elle utilise en effet tous les acquis de ses multiples expériences pour nous faire vivre la bonne vingtaine de titres qu’elle interprète : chant lyrique, danse, humour, poésie, mime, burlesque… Anne est un véritable clown moderne. Physiquement et expressivement, elle m’a fait furieusement penser à la Gelsomina de La Strada (Giuletta Masina) de Fellini. Il y a en elle tout le registre de la commedia dell’arte auquel elle ajoute le côté âme slave familial. Au niveau des possibilités de jeu(x), on ne peut rêver plus large éventail.


Elle tire toutes les capacités de sa voix de soprano avec une maîtrise étonnante. Ça a l’air tellement facile et naturel ! Y compris quand elle se lance dans des trilles haut perchées ou dans des exercices de diction hallucinants. Cette aisance masque inévitablement l’incroyable somme de travail que l’obtention d’un tel résultat génère en amont. Chaque geste, chaque saut, chaque mimique, chaque entrechat, qui nous paraissent si spontanés, sont parfaitement étudiés. Ils viennent souligner ou illustrer un  thème, une situation, un mot, ce qui rend chaque chanson d’autant plus vivante.
Elle est remarquablement complétée en cela par son complice Grégoire Baumberger, une sorte de Pierrot lunaire frisé et au large sourire qui, lui, m’a fait un peu penser au personnage de Bip du mime Marceau. Ensemble ils se livrent à des pas de deux et à des quatre-mains pianistiques joliment et drôlement chorégraphiés.


En conclusion, vous n’avez que jusqu’au 9 août pour vous précipiter au Lucernaire afin de partager un grand moment de spectacle total avec une artiste surprenante, généreuse et épanouie. D’accord, elle « ne veut pas chanter », mais elle va vous enchanter…

Gilbert "Critikator" Jouin

mercredi 1 juillet 2015

Enfer est contre tout

Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République

Une pièce écrite par Loïse de Jadaut, Georges Beller, Benjamin Isel
Mise en scène de Georges beller assisté de Loaï Rahman
Décor d’Olivier Prost
Costumes de Christine Chauvey
Musique de Raphaël Sanchez
Avec Georges Beller (Pierre), Séverine Ferrer (Charlotte), Stéphane Russel (Gilles), Michèle Kern (Valérie), Loïse de Jadaut (Jeanne), Benjamin Isel (Louis)

Présentation : Charlotte, apprentie actrice de son état, rêve de percer à Hollywood et compte sur la pièce « 100% Dracula » dont c’est la générale ce lundi pour lancer cette carrière internationale en attendant le rôle de sa vie comme le lui a promis Pierre, son amant, qui se fait passer pour un grand producteur de cinéma. Mais Gilles, l’auteur et metteur en scène de cette pièce, vient leur annoncer en plein rendez-vous galant une nouvelle qui risque de mettre ce beau projet en péril… A leur grand désespoir et enfer et contre tout, ils vont tout faire pour la jouer coûte que coûte !
L’arrivée de la femme de Pierre n’en fera que compliquer un peu plus la tâche…

Mon avis : L’enfer est, dit-on, pavé de bonnes intentions. Nul doute que les trois auteurs de cette comédie étaient armés des meilleures intentions en l’écrivant. L’idée d’une pièce dont la première représentation est imminente et qui se met à jouer à l’arlésienne suite à des empêchements de dernière minute était tout à fait exploitable.
La musique du générique, le décor avec un cercueil planté au beau milieu et dix premières minutes plutôt enlevées nous mettaient en effet sur de bons rails. Grâce surtout à la belle énergie déployée par Séverine Ferrer espiègle et sensuelle « en diable ». Dès le début, elle investit son personnage, tant physiquement que moralement, et elle s’y maintiendra jusqu’à la fin avec une belle constance et beaucoup de talent…
Personnellement, j’ai rapidement été gêné par le jeu de Georges Beller. Le sur-jeu devrais-je dire. Pourquoi s’est-il ingénié de faire de son personnage un être balourd aussi peu crédible ? En plus, il adopte une voix dont les intonations sont à mi-chemin entre celles d’un Michel Serrault et d’un Galabru. Résultat, ça sonne faux. Enfin, ses mimiques outrées et sa gestuelle (particulièrement lorsqu’il imite Dracula) s’apparentent beaucoup plus à du cinéma muet qu’à du théâtre moderne.


J’avoue : je n’ai pas ri, ni même souri durant la pièce. Pourtant, autour de moi, j’entendais ça et là fuser un éclat, un gloussement. Preuve que ce type de spectacle peut trouver son public. En dépit de mon respect et de ma grande indulgence pour tout travail artistique, je suis sans doute trop exigeant en matière d’humour. Nous sommes en 2015, que diable !
Mais, quand même, les ficelles sont bien grosses et les rebondissements trop alambiqués et on souffre de quelques longueurs et redondances…

Voici donc ce que j’ai retenu de positif pour vous inciter éventuellement à aller faire un tour au Déjazet.
D’abord, il y a la performance de Séverine Ferrer. Elle tient toute la pièce sur ses charmantes épaules. Elle joue juste, se dépense sans compter et nous fait réellement croire en son personnage. Avis aux producteurs, cette jeune femme a une sacrée présence…

Ensuite, à un degré moindre, j’ai trouvé la prestation de Stéphane Russel tout à fait honnête, de même d’ailleurs que Michèle Kern, en nunuche évaporée, réussit à tirer son épingle du jeu.