samedi 25 juin 2011

Une semaine... pas plus !


Gaîté Montparnasse
2-, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une comédie de Clément Michel
Mise en scène par Arthur Jugnot et David Roussel
Avec Sébastien Castro (Martin), Maud Le Guénédal (Sophie), Clément Michel (Paul)

Ma note : 8/10

L’histoire : Paul fait croire à Sophie que son meilleur ami Martin, qui vient de perdre sa mère, va venir s’installer quelque temps chez eux. Il veut en réalité la quitter, pensant que ce ménage à trois fera exploser leur couple… Pris au piège, Martin accepte. Mais pour « une semaine… pas plus ! »…

Mon avis : Si vous voulez rire de façon pratiquement ininterrompue pendant une heure et demie, précipitez-vous à la Gaîté Montparnasse, théâtre qui, une fois de plus, mérite bien son nom. Une semaine… pas plus ! est une comédie moderne qui repose sur une situation éternelle que n’aurait pas reniée Sacha Guitry : Par quel stratagème Paul va-t-il réussir à se débarrasser de Sophie, sa copine, avec laquelle il cohabite depuis quatre mois et qu’il ne peut vraiment plus supporter. Au point (au poing ?) d’envisager de la frapper (bien que ça ne se fasse pas) ou d’avoir ce rêve récurrent d’un énorme camion rouge qui viendrait providentiellellement l’éparpiller sur la voie publique… Paul est malin, très malin. Il sait qu’il peut compter sur le soutien inconditionnel de son meilleur ami, Martin, à qui il a déjà fait part de son violent désir de rupture. Le cerveau de Paul est un véritable petit ordinateur démoniaque capable d’inventer en un quart de seconde une machination suffisamment diabolique pour que ce soit Sophie elle-même qui décide de le quitter. Il est lucide, comme la plupart des hommes, il ne possède pas le gène du courage dans les choses du sentiment. Heureusement, c’est Sophie qui va lui souffler une idée : elle a constaté que l’intrusion d’un tiers au sein d’un couple conduit inévitablement au clash. Ça fait tilt dans ce fameux cerveau bouillonnant de Paul. Il va forcer Martin à venir s’installer chez eux. Mais, pour cela, sachant qu’il est tout-à-fait hostile à cette idée, il va le piéger en inventant un horrible mensonge. Coincé, Martin, qui est quelqu’un de foncièrement gentil, va devoir se prêter contre son gré à la stratégie de son pote…

Bien sûr, rien ne va se passer comme Paul l’avait envisagé. C’est là que l’on s’aperçoit que les caractères des trois protagonistes sont parfaitement dessinés. Sur le plan purement psychologique, il n’y a aucune faute. Clément Michel, qui en est à la fois l’auteur et tient le rôle de Paul, ne tombe jamais dans la facilité. Sa comédie, remarquablement écrite, repose sur des ressorts conventionnels, mais d’une redoutable efficacité. Il a l’art d’ajouter du quiproquo au quiproquo et de pratiquer avec virtuosité l’art du double langage. Chose que j’ai rarement vue, il se permet même, vers la fin de la pièce, de faire jouer des répliques en symétrie avec des situations précédentes mais interprétées par un nouveau binôme.C'est vraiment jubilatoire.

Pour mener à bien une pièce aussi rythmée, où la moindre phrase a son importance, il fallait trois comédiens crédibles, aptes à garder imperturbablement leur ligne sans jamais empiéter sur celle des autres ; c’est-à-dire qui, comme des jazzmen, jouent leur partition tout en produisant ensemble un morceau cohérent et harmonieux. Une guitare, un piano, une contrebasse...
La guitare – très électrique -, c’est Clément Michel (Paul). Il a un jeu tout en inventivité et en ruptures. Comme il s’est d’autorité réservé le rôle de chef d’orchestre, il pense conduire le bal. Mais il lui faut sans cesse composer et réagir en fonction des réactions de ses deux partenaires. Il doit tout le temps trouver une nouvelle ligne mélodique (un nouveau mensonge). Au niveau de l’improvisation et dans ses soli de mauvaise foi, c’est un remarquable interprète. C’est un guitar anti-héros qui occupe l’espace avec une incroyable énergie.
Le violoncelle, c’est Maud Le Guénédal (Sophie) ; Non contente d’en arborer les douces courbes rondes, elle en possède la profonde musicalité et, surtout, le calme et la sagesse. Sophie est naturelle, elle est normale. Elle joue sa petite musique sans fausse note en s’adaptant sans cesse à la situation. Même si, le plus souvent, ce n’est pas la musique qu’aurait aimé entendre Paul. Sa gentillesse et sa candeur font qu’elle ne voit le mal nulle part. Au contraire, elle cherche à se mettre à portée de chacun, de pratiquer l’indulgence et la compréhension, des qualités somme toute bien féminines. Il y a beaucoup d’amour en elle, et de compassion. Elle est sympathique et aimable, dans le sens littéral du terme. Elle hérite là d’un très beau rôle de femme car c’est sur ses réactions et ses décisions que dépend le déroulement de la pièce.
Et puis il y a le piano… Au niveau du toucher, de la finesse et des nuances de jeu, il n’y a pas meilleur instrument que Sébastien Castro. Je tiens ce garçon pour un de nos tout meilleurs acteurs comiques. Il ne sur-joue jamais, il est toujours dans le ton. La partition qu’il a à jouer est sans conteste la plus délicate car il doit tout le temps s’adapter aux inventions de son ami, fussent-elles les plus abracadabrantesques. Et elles le sont ! Ce qui fait que, recevant l’information en même temps que nous dans la salle, il a toujours un petit laps d’adaptation le temps qu’elle parvienne au cerveau, qu’il l’absorbe et la régurgite pour s’aligner avec le message envoyé par Paul. C’est de la haute voltige. Sébastien Castro est d’une subtilité rare. Il trouve des mimiques et des expressions vraiment originales. Il est en permanence en porte-à-faux et en déséquilibre instable. Comment fait-il pour ne pas tomber ? C’est là que réside la prouesse de l’auteur qui lui a écrit une composition sur le fil du rasoir. Il en faudrait peu pour que ça tombe dans l’à-peu-près ou la pantomime. Or, cet écueil est toujours évité.

Une semaine… pas plus ! est un vrai régal de comédie alerte, soutenue et intelligente. On y est tout le temps pris de vitesse par les rebondissements. Quant aux quiproquos évoqués plus haut, ils sont à mourir de rire. Et puis il y a ce trio véritablement épatant, complémentaire et généreux. En clin d’œil un peu appuyé sur le succès précédent de Clément Michel, je suis convaincu que cette comédie va faire un « carton ».

mercredi 22 juin 2011

Dernier coup de ciseaux


Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre-Caumartin / Madeleine / Auber

Une pièce de Paul Pörtner
Conçue par Marilyn Abrams et Bruce Jordan
Adaptée par Sébastien Azzopardi et Sacha Danino
Mise en scène par Sébastien Azzopardi
Avec Domitille Bioret, Romain Canard, Réjane Lefoul, Yan Mercoeur, Bruno Sanchès, Olivier Solivérès

Ma note : 8/10

Le principe : Cette pièce est une comédie policière interactive. Un meurtre est commis chaque soir et c’est au public de résoudre l’enquête… 30 ans de succès aux Etats-Unis, plus de 9 millions de spectateurs à travers le monde ! Un salon de coiffure, un meurtre, un flic, des suspects… La première pièce dont le public est le héros.

Mon avis : Quelle (bonne) surprise ! Fidèle à mon habitude, je n’avais rien lu sur ce qui m’attendait en me rendant au théâtre des Mathurins voir Dernier coup de ciseaux. Voici donc comment j’ai vécu cette soirée.
La pièce commence alors que la salle continue de se remplir. Sur la scène transformée en salon, un coiffeur (Romain) dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’il est très maniéré et sa collègue (Réjane), une jeune femme sexy attendent le client. Le premier qui survient est aussitôt pris en charge d’une manière très cavalière par Romain qui se met à la shampouiner vigoureusement.
J’ai commencé à me demander ce que je faisais là tant le tableau était caricatural et outré. Les dialogues étaient primaires, l’humour potache, les comportements excessifs… Jusqu’à l’arrivée des autres clients, deux hommes et une femme. Tout doucement, avec de judicieux clins d’œil à l’actualité et beaucoup de name dropping, les répliques commençaient à s’améliorer et une histoire à prendre forme. On se met à s’intéresser à la première cliente de Réjane, madame Bioret, une bourge hautaine et suffisante et à être intrigué par le manège d’un personnage énigmatique et silencieux dont on saura plus tard qu’il s’appelle Yan Mercoeur. On voit tout de suite que ce n’est pas un client ordinaire. D’autant qu’il se met à montrer une certaine connivence avec Réjane. Pendant ce temps-là, le Romain en fait des tonnes ; il prend des poses, ondule, provoque, s’amuse… Sauf quand la voisine du dessus, une ex-concertiste qui s’avère être également sa propriétaire, se met à jouer du piano fortissimo, ce qui a le don de le mettre hors de lui… Chacun vaque donc à ses activités, ou de coiffeur ou de client, s’absente, passe un coup de fil en douce, se coupe la main… Soudain, la musique s’arrête, un hurlement retentit et Réjane, qui était sortie un instant, revient pour informer tout le monde – et nous avec – qu’elle vient de découvrir le corps de la voisine du dessus. Elle a été assassinée… On a à peine le temps de digérer l’information que deux flics surgissent, le capitaine Solivérès et son adjoint, Bruno Sanchès. Et on reconnaît en eux deux des premiers clients du salon.

A ce moment tout bascule. De passifs, nous sommes appelés à devenir actifs. Solivérès nous enjoint de témoigner de ce qu’on a pu remarquer de particulier dans le comportement de tous les protagonistes de l’affaire. J’ai alors amèrement regretté de ne pas avoir lu le pitch car je me serais encore plus attaché à enregistrer les détails pour y aller de mon grain de sel et de mes fines observations. Mais, heureusement, nombreux étaient les spectateurs avides de contribuer à l’élucidation de meurtre sauvage. Et un jeu de pingpong de s’installer entre la salle et la scène. On se prend tous au jeu. D’autant que les comédiens restent parfaitement dans leur personnage et réagissent en fonction des propos qui sont tenus et quand ils sont concernés. Ils sont tous étonnants tant ils sont investis. Surtout que, la plupart du temps, ils sont dans l’improvisation tout en restant fidèles à leur rôle. C’est de la grande virtuosité.
Relayée par le capitaine, l’enquête évolue sous nos yeux en fonction de nos témoignages et suggestions. Jusqu’au dénouement où il nous faudra voter à main levée pour désigner « notre » coupable parmi les quatre suspects.

Franchement, j’ai passé un excellent moment de détente. On se prend pour des détectives. Et il faut voir comment les policiers et les suspects adaptent leur jeu à la seconde. Ils sont tous vraiment bluffants de conviction… et de talent.
Cette pièce qui ne ressemble à aucune autre du fait de son interactivité devrait être un des grands succès de l’été. C’est un pur divertissement, un exercice de style étonnant accompli par un sextuor de superbes acteurs. On oublie tout, on ne pense qu’à jouer avec eux et à essayer de trouver le ou la coupable. Et on n’arrête pas de rire. Que du plaisir…

Le FIEALD



Le FIEALD (Festival International d’Expression Artistique Libre et Désordonnée) a été créé il y a vingt ans pour offrir un espace permettant à de jeunes humoristes et comiques de s’exprimer et de montrer leur travail naissant à un vrai public. Cette « scène ouverte » se tient imperturbablement tous les dimanches soirs à 20 heures au théâtre Trévise (*)… N’importe qui peut venir y exercer ses talents dans n’importe quelle discipline artistique, même si c’est l’humour qui y prend la part la plus prépondérante. Chacun dispose de « cinq minutes pour convaincre » devant une salle de connaisseurs aussi prompts à s’enthousiasmer qu’à dézinguer.
Au fil de ces vingt années d’existence, ce plateau a servi de tremplin à de nombreux néophytes qui sont aujourd’hui d’authentiques têtes d’affiche : Christophe Alévêque, Dany Boon, Jamel Debbouze, Elie & Dieudonné, Gad Elmaleh, Eric & Ramzy, Stéphane Guillon, Tex… et bien d’autres.
A chaque fin de saison, le FIEALD présente son « Best of », un florilège de ses meilleurs éléments, ce qui donne lieu à un spectacle complet de plus de deux heures.

J’ai ainsi assisté le dimanche 19 juin au spectacle de fin d’année 2010/2011 et, en toute franchise, j’ai passé une excellente soirée au milieu d’un public de fidèles chaud bouillant. Ce fameux Best of est bien plus qu’une succession d’artistes qui viennent présenter un de leurs meilleurs sketchs ou numéros, c’est un véritable show monté, scénarisé et interprété par toute la promotion. Ce qui fait qu’en plus des prestations des huit artistes mis en exergue, on nous a offert, en Fieald rouge, une quinzaine de sketchs de transition, spécialement créés pour cette soirée dont certains se sont révélés être d’un très, très bon niveau, tant sur le plan de l’originalité et de l’audace que de l’interprétation.
Introduite par un orchestre live, l’entrée en matière collégiale a été vraiment pittoresque et joyeuse. Dans une ambiance de fête, les artistes se sont permis de prendre le mot « découvertes » au pied de la lettre. Symboliquement, quand on enlève le haut, on est plus libre et il n’y a plus de limites. Ce que l’on pourra constater tout au long de ces intermèdes absolument réjouissants.

Le premier des huit sélectionnés, Stéphane Bak (notre photo) est un authentique bourgeon. Agé de 14 ans, il étonne par son aisance, sa précocité et, surtout, par son écriture. Ce collégien du Blanc-Mesnil possède déjà un art consommé de la vanne qui fait mouche. Il parle bien sûr de ce qu’il connaît et des problèmes de son âge : la vie à l’école, les blagues communautaires et son exploitation par son père. Incroyablement à l’aise, ce cousin black de Jamel Debbouze a un gros potentiel. C’est un grand espoir de la scène comique française. Il promet beaucoup. Maintenant, reste à voir comment il va se comporter et évoluer face à une médiatisation qui va devenir de plus en plus grande et pressante. S’il ne se laisse pas étourdir et si les petits cochons ne le mangent pas, il va aller très loin. Bak a réussi son examen. Retenez son nom.

Avant d’évoquer les sept autres artistes, je tiens à revenir sur la qualité des sketchs d’enchaînements. Quels dommage qu’ils ne soient qu’éphémères. La plupart mériteraient une plus grande exposition (je pense à cette parodie très gonflée de formation militaire à l’américaine où une instructrice apprend à trois jeunes recrues le maniement des armes de la séduction ; aux vacances « fidèles » ; à « juste un bisou » avec une hystérique ; à ce remake de polar made in Miami… tous vraiment excellents)

En deux, on a eu droit à une séquence drolatique effectué par des poules musicales presque savantes dirigées par Diane, une « hurluberlute » timide et lunaire qui trouve le moyen de réaliser en même temps quelques figures de gymnastique. C’était frais, inattendu, joli à voir. C’est ce qu’on pourrait appeler un numérovni…
En trois, j’ai bien aimé l’univers de Will Yag. Très expressif, véritable pile électrique, il manie avec talent les histoires courtes et les passages inopinés du coq à l’âne. Son jeu avec le masque, son apologie du mensonge ; sont d’excellentes trouvailles. Un garçon à suivre.
Désopilante également la prestation d’Astier, Tsamère et Joyet formant le joyeux trio Pirouette et Boule de gomme, un groupe musical dont le répertoire se voudrait destiné aux 4/7 ans. Le problème, c’est que les comptines proposées tournent vite à la chanson de corps de garde. D’abord critiques, les deux partenaires de l’auteur-compositeur un tantinet obsédé tombent à leur tour dans la surenchère et se lancent dans une triviale poursuite complètement déjantée. Un très bon moment.
Puis vint Tano… Tano dont j’avais vu l’intégralité du spectacle au Petit Palais des Glaces (où il se produit jusqu’à la fin du mois de juillet), et dont j’avais dit le plus grand bien sur mon Blog à l’époque). Il nous a délivré son « tube », la conférence donnée par un nationaliste corse particulièrement haut en couleurs. On est « maure » de rire. On ne s’en lasse pas.
Avec son physique avenant de play boy, il suffit à Laurent Beretta d’apparaître pour se mettre toute la gent féminine, voire plus, dans la poche. Magicien, il joue avec les apparences, les paradoxes et les illusions. On aimerait le voir dans l’intégralité de son show pour se forger une plus juste opinion de son travail car le tour qu’il nous a présenté, même s’il a été bien amené, était quelque peu frustrant.
Nouvelle femme dans la cour des humoristes, Christine Berrou a laissé entrevoir un indéniable potentiel. Ses textes sont bien écrits, elle a l’art de balancer quelques vannes bien senties et n’a pas peur d’aborder frontalement des sujets aussi délicats à traiter que la religion, la mort et la sodomie. Il faut déjà lui reconnaître ce courage et l’absence de toute mièvrerie. Il lui reste maintenant à muscler tout cela pour franchir un palier.
Le bouquet final a été incarné par un Mathieu Madénian qu’on ne présente plus. Il s’est laissé aller à la facilité en nous présentant un sketch sur les élections qu’il avait déjà donné à la télévision. Mais il n’a plus grand-chose à prouver. Son one man show au Point Virgule est tout-à-fait remarquable. Lui, le fameux palier, il l’a déjà franchi et il le mérite amplement. Maintenant, il ne faut pas qu’il se laisse étourdir par cette belle exposition médiatique. Il est, je pense, suffisamment intelligent pour savoir se protéger.

Je ne saurais donc trop vous encourager à suivre cette magnifique institution qu’est le Fieald et d’aller rôder au Trévise le dimanche soir. Tous ces bénévoles joyeux et enthousiastes vous y donneront du FIEALD à (se) retordre… de rire.

Théâtre Trévise. 14, rue de Trévise 75009 Paris. Contact : 06 64 95 97 25. Tarif : 10 € / 8 € pour les abonnés)

lundi 20 juin 2011

Max Boublil


Le syndrome de Peter Paon
Max Boublil annonce son grand retour sur la scène de l’Européen du 5 octobre au 30 décembre. Cette fois, c’est lui qui va prendre… prendre un nouveau départ avec un spectacle d’un type qu’il est le seul à présenter : une alternance de sketchs et de chansons. Ses sketchs sont abondamment alimentés par son quotidien et, plus particulièrement, par ses relations avec les meufs. Avec en lui toute la folie des glandeurs, il excelle dans les personnages de miso-mythos. Il fait le paon alors que sa roue est voilée et quand il braille, ses gloussements sont plus proches de la loose que du glorieux « Léon »… Quant à ses chansons, on ne les présente plus.
Un lascar qui se vante d’aimer « les moches » ne peut pas être tout-à-fait mauvais. Entre chaque spectacle il continue de tisser sa toile et de présenter chaque mois une nouveauté de plus ou moins mauvais goût. En tout cas, les internautes en raffolent qui se demandent ce qu’il va bien encore sortir de son clip kangourou. Il en fait un max, le Boublil. Il y a certes parfois à boire et à manger, mais au moins il cherche, il crée. Il a l’air d’un nonchalant qui passe, mais il bosse dur.
Max Boublil va donc nous montrer cet automne à l’Européen s’il a un peu mûri ou s’il est resté à l’état de Peter Paon. On sait que c’est plus fort que lui : il faut qu’il vanne. Mais on pardonne tout à ce sale gosse dès que son visage s’éclaire de son grand sourire craquant.

samedi 18 juin 2011

Couple en délire


Petit Palais des Glaces
37, rue du Faubourg du Temple
75010 Paris
Tel : 01 48 03 11 36
Métro : République / Goncourt

Ecrit et mis en scène par Véronique Delille et Jean-Philippe Lallemand

Ma note : 7,5/10

Le spectacle : Les tribulations euphoriques d’un couple de choc qui s’est pourtant trouvé mais qui n’en finit pas de chercher…
De la rencontre dans un jardin public à l’accouchement dans le salon, en passant par le premier rendez-vous, ce spectacle mené à cent à l’heure met en scène un jeune couple moderne, Jean-Phi et Véro, avec qui tout prend des proportions démesurées.

Mon avis : A ma gauche, un sexagénaire s’essuie les yeux avec un kleenex, devant moi, une adolescente s’écroule de rire sur l’épaule de son copain, un gamin d’une dizaine d’années se tape sur les cuisses de plaisir, un peu partout dans la salle fusaient des éclats de rire frais et spontanés… Le délire n’est pas que sur scène, il se propage très vite dans le public, un public très mélangé, inter-générationnel. Car tout le monde y trouve son compte dans ce spectacle tonique et tonifiant, énergique et farfelu.
L’entrée en matière nous plonge de suite dans l’esprit du spectacle. Jean-Phi coiffé d’une perruque, se livre à un numéro sur-vitaminé d’air guitar. C’est aussi dynamique qu’incongru, ça n’a rien à voir avec les sketches qui vont suivre, mais le ton est donné. Surgit alors Véro qui lui demande quelques explications, et les voilà partis dans une sorte d’exposé sur ce qui nous attend. Et vu l’introduction, on en salive à l’avance. On va donc avoir droit à six sketchs, six sketchs qui vont s’étaler dans le temps et nous faire vivre l’évolution de ce couple atypique mais complémentaire depuis leur première rencontre jusqu’à la concrétisation vagissante de leur union : la naissance de leur enfant.

Le spectacle proposé par ce couple en délire est très visuel. Il tient en grande partie sur la performance physique, sur le naturel comique, sur l’inventivité explosive de Jean-Phi. J’en ai vu des spectacles, mais lui il possède quelques trouvailles gestuelles qui n’appartiennent qu’à lui. Avec des membres inférieurs et supérieurs jouissant d’une totale indépendance, un visage d’une rare mobilité, un rictus récurrent, il campe un véritable personnage de cartoon. Il a également une façon de triturer et de martyriser sa veste qui est un excellent ressort comique… Mais il ne pourrait donner toute l’étendue de sa folie burlesque si Véro ne lui en laissait pas l’espace. Elle ne prend toute sa valeur qu’en raison du contraste avec une partenaire qui, elle, garde toute sa maîtrise, semble s’étonner autant que nous de ses gamineries, de son inconséquence et de son comportement irresponsable. Car Jean-Phi est un grand enfant. Tout est matière à jeu pour lui. C’est un gaffeur compulsif. Il sort spontanément des horreurs, réalise dans la seconde leur énormité et s’en excuse aussitôt maladroitement. Mais, quand même, il adore vanner. C’est plus fort que lui, c’est son côté sale gosse. Il ne réalise même pas à quel point il se montrer odieux. Il est en outre en permanence en décalage ; il fuit les responsabilités avec une candeur désarmante et, finalement, il est très docile…
Véro est douce, compréhensive, complètement normale. Elle a des besoins normaux, des désirs normaux, des attitudes normales, des réactions normales. Tolérante et compréhensive, au fur et à mesure que le couple évolue, on la voit devenir de plus en plus maternelle vis-à-vis de son garnement de compagnon. Il y a beaucoup de tendresse en elle.

Les sketchs sont bien écrits, bien interprétés, ils sont réellement réjouissants. C’est du Lallemand & Delille, ils ne copient personne, ils ont créé un univers qui n’appartient qu’à eux et, vu leur façon d’être, on imagine qu’ils n’auront aucun mal à puiser dans leur quotidien pour alimenter leurs spectacles à venir.

Nettoyage de printemps


Théâtre du Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

Une pièce de Jean-Michel Wanger et Olivier-Martial Thieffin
Mise en scène par Pierre Laur
Avec Nelson Monfort (Jacques-Emile Delaville), Virginie Stevenoot (Anabella Delaville), Ludovic Berthillot (Polo), Stéphane Rodin (Sylvain), Victoria Monfort (Sandra)

Ma note : 5,5/10

L’histoire : Pour la sortie de son dernier livre, un philosophe très médiatique reçoit chez lui une équipe de télévision. Mais de la préparation jusqu’à l’interview, rien ne se passe comme prévu entre le philosophe, sa femme, le présentateur, le caméraman et l’assistante qui, elle, n’est pas là par hasard. Tout ceci se termine par un chaos général dont le philosophe ne sort pas indemne.

Mon avis : Et bien, me voici bien circonspect. J’ai reçu cette pièce avec un mélange de plusieurs sentiments contradictoires.
Parlons d’abord de ce qui m’a plu. J’ai trouvé la performance de Nelson Monfort vraiment encourageante. Pas évident pour une icône de la télévision et des Guignols comme lui de franchir le pas de la comédie. Certes je l’avais déjà vu pousser la chansonnette à l’Olympia avec une interprétation très acceptable de Yesterday entre autres, mais là l’exercice est totalement différent. D’autant qu’il a un texte très dense et très riche en mots peu courants et en en citations latines. Ceci dit, avec le personnage compassé, sûr de lui, limite pédant de Jacques-Emile Delaville, il a hérité d’un rôle taillé sur mesure. Il lui apporte en bonus son élégance naturelle, son phrasé si reconnaissable et aussi son sens aigu de l’auto-dérision… Autre excellente surprise, sa fille, Victoria. Avec sa fraîcheur, sa frimousse, sa modernité, elle peut envisager sans problème de faire carrière. C’est une actrice en devenir… Tous les deux sont parfaitement épaulés par une Virginie Stevenoot complètement déjantée, mélange réussi de Chantal Ladesou (pour la folie) et de Maaïke Jansen (pour la maîtrise), et par un Ludovic Berthillot truculent et haut en couleurs à souhait… Vous aurez donc compris qu’il n’y a pas grand-chose à reprocher aux comédiens. Qu’ils soient débutants (je n’emploie pas volontairement le terme de » néophyte » car je vais y revenir) ou professionnels aguerris, ils font le job.

Ce qui m’a vraiment moins plu, ce sont les nombreuses inégalités que comporte le texte de cette pièce. Le postulat en est tout-à-fait original et respectable, mais c’est fait de bric et de broc. Il y a de très bonnes idées. Par exemple : c’est une bonne chose que de faire se vouvoyer monsieur et madame Delaville. C’est un petit clin d’œil malicieux en direction du couple BHL-Arielle Dombasle… Le personnage d’Annabelle est parfaitement dessiné même s’il lui arrive d’être de temps en temps dans l’excès. Elle est impeccable autant quand elle fait la nunuche que lorsqu’elle joue la femme blessée et révoltée… Autre très bon point : l’antagonisme entre le philosophe et le caméraman, entre l’intellectuel et l’homme du peuple. Ça, c’est vraiment bien trouvé. Et physiquement et textuellement. D’ailleurs, il faut souligner que c’est l’arrivée de Polo qui donne enfin son impulsion à la pièce, qui la booste, qui l’élève d’un bon cran. Car, jusque là, on était dans l’approximation. Le pire étant une petite série de jeux de mots dignes du cours élémentaire. Il n’y avait vraiment pas besoin de saupoudrer les dialogues d’un « Comme disent les Indiens, See you ! » ou, pire encore, l’éculée réplique : « Il est néophyte ? – Je ne sais pas où il est né… ». Je me suis soudain un peu plus enfoncé dans mon fauteuil sous le poids de l’accablement… Le rôle de Sylvain, le présentateur, est mal défini. Flou et ambigu, on ne sait jamais trop qui il est vraiment. Et puis il surjoue trop, il est trop dans la caricature pour qu’on arrive à s’attacher à lui…. Quant aux rebondissements, y compris le dernier, ils sont prévisibles, tout comme les quelques quiproquos sont plutôt téléphonés. Mais bon…

Cette pièce est donc un patchwork de bonnes intentions, de bons moments, de départs avortés, de dialogues frisant parfois l’indigence, de belles envolées, d’une vraie générosité de la part des comédiens… C’est une sorte de soufflé qui serait bien gonflé et appétissant sur une moitié et dont l’autre moitié serait tristement flasque.

dimanche 12 juin 2011

Divins Divans


Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers / Rome

Une pièce écrite par Eva Darlan et Sophie Daquin
Mise en scène par Jean-Paul Muel

Ma note : 7,5/10

Le thème : Quoi de mieux qu’une bonne thérapie pour se raconter tel qu’on est : obsédé, castratrice, raté, conseillère ès névroses, impuissant, mythomane… Pouvoir s’allonger en disant des horreurs, quel bonheur ! Oui, vraiment, les divans, c’est divin !

Mon avis : Quelle bonne idée au fonds inépuisable que de parler de la psychanalyse à travers ses patients. On peut y aborder tous les sujets, des plus répandus au plus saugrenus. Et nous sommes tous concernés, ou directement, ou indirectement. On a tous nos petits travers, nos addictions, nos tocs, nos névroses, nos angoisses, nos obsessions, et j’en passe…

L’entrée en scène d’Eva Darlan est déjà très originale ; et conviviale. On est tout de go dans le vif du sujet. L’unité de lieu – le cabinet du docteur Annie Azoulay – est respectée. Mais c’est à peu près tout ce qui va être respecté, parce qu’en suite, Eva Darlan va s’en donner à cœur joie en campant une multitude de personnages… et des gratinés. Normal, puisqu’ils ne le sont pas… normaux. S’ils allaient bien, ils ne viendraient pas consulter et s’allonger sur le divan.
Un accessoire, une pièce de vêtement particulière, et Eva devient quelqu’un d’autre. On mesure très vite l’étendue de son talent de comédienne. Elle est excellente dans tous les registres, elle sait tout jouer. Avec un art consommé, elle change de ton, de timbre de voix, de rythme, de gestuelle et elle nous embarque malicieusement dans cet univers si troublant.

Et les patientes défilent. Madame Baudoin qui ne sait pas garder un homme, la précieuse qui fait rien qu’à critiquer son psy et à jauger sa réussite matérielle, La « noniste », snob et blasée, qui veut tout analyser et dit non à tout, la poissonnière adepte de la chirurgie réparatrice, la catho intégriste qui vient essayer de récupérer une de ses ouailles, la mamy veuve qui yoyote un tantinet et frise le syndrome de Gilles de la Tourette en proférant à son insu force insanités (un sketch simple mais terriblement efficace qui récolte des salves de rires), la bourge hyper possessive qui amène sa gamine de 3 ans en consultation, alors que…, monsieur Cotillon qui souffre d’un dérèglement sexuel suite à un dérèglement de son quotidien trop bien huilé, l’amoureuse complexée vampirisée par un Patrick qu’elle idolâtre, la femme trompée grossière et pleine de mépris pour la psy… Ainsi que d’autres trouvailles savoureuses qu’il ne faut pas raconter pour en garder tout le sel. Comme cette mini-conférence sur la névrose qui revient en forme de fil rouge…

C’est aussi remarquablement écrit que c’est formidablement interprété. Tous les sketches sont bons et certains atteignent même un très haut niveau. Eva Darlan se livre avec une belle générosité, parfois interactive, à une réjouissante satire du monde de la psychanalyse. Elle nous offre surtout une superbe galerie de portraits. On peut sans mal, tant le sujet est riche, imaginer des « Divins Divans 2 » et un « Divins Divans, le retour ». On ne s’en lasserait pas.
Porté par cette actrice magnifique, joueuse et sympathique, ce mieux divan culturel, on l’aime à la phobie.

vendredi 10 juin 2011

L'Echange


Théâtre Mouffetard
73, rue Mouffetard
75005 Paris
Tel : 01 43 31 11 99
Métro : Place Monge / Censier-Daubenton

Une pièce de Paul Claudel
Mise en scène par Xavier Lemaire
Avec Isabelle Andréani (Marthe), Frégori Baquet (Louis Laine), Gaëlle Billaut-Danno (Lechy Elbernon), Xavier Lemaire (Thomas Pollock Nageoire)

Ma note : 7,5/10

L’histoire : Nous sommes en Caroline du Sud après la guerre de Sécession. Marthe et son mari Louis Laine vivent au bord de l’eau dans une petite cabane. Louis a été engagé comme gardien de la propriété d’un riche Américain, Thomas Pollock Nageoire, marié à une actrice, Lechy Elbernon. Thomas va proposer à Louis d’acheter sa femme…

Mon avis : Lorsqu’on quitte la très agréable salle du théâtre Mouffetard, un peu abasourdi, on se demande si ce qui nous a le plus impressionné, c’est le texte de Claudel ou le jeu des acteurs. Par les deux rétorquerez-vous, sans doute à juste raison. Car n’est-ce pas l’essence même du théâtre que de plaire au public par la réunion de ces deux expressions… Mais, une nuit de repos plus tard, je me dis que si le texte de Claudel, pour flamboyant qu’il soit, contient tout de même quelques effets plutôt redondants. Il aime les répétitions le Paul, bien au-delà de la forme d’insistance, ce qui a pour effet d’alourdir parfois les dialogues en les encombrant de ces petites scories. Bien sûr, je pinaille un peu. Claudel sans lyrisme, c’est DSK sans libido.
Il reste néanmoins une langue d’une pureté admirable et, surtout, une connaissance troublante de l’âme humaine. En effet, L’Echange, est avant tout une pièce sur le rapport humain ; sur le désir (Thomas Pollock), la domination (Lechy Elbarnon), le sacrifice (Marthe). On ne peut classer Louis dans aucune case car il n’est pas dans la norme… De même qu’il est impossible de mettre en avant un des quatre comédiens plus qu’un autre tant ils SONT chacun le personnage. Casting parfait de quatre solistes qui jouent remarquablement leur partition.
Alors, présentons-les par ordre d’entrée en scène.

Marthe c’est la femme dans ce qu’elle a de maternel, de tolérance, d’intuition et donc, d’esprit de sacrifice. Elle devine tout, elle comprend tout, elle accepte tout. Dût-elle en souffrir horriblement. Peu à peu, au fur et à mesure que le drame se noue, on la voit devenir l’élément fort de la pièce. Elle cristallise sur elle tous les sentiments : l’amour chez Louis, la jalousie chez Lechy, le désir chez Thomas. Et pourtant – elle le dit elle-même – elle est « pauvre, sotte, laide » et, hélas, douloureusement « jalouse ». Or, en dépit de ces soi-disant handicaps, c’est elle qui se révèle la plus structurée. Elle possède l’humilité et la fierté des petites gens. Elle a en outre des facultés d’observation et d’analyse qui la rendent redoutable et qui font peur aux autres… Isabelle Andréani est véritablement impressionnante de passion contenue. Elle fait de Marthe un être à la fois lucide, pragmatique et intensément romantique qui transforme sa fragilité et sa retenue apparentes en une force intérieure indestructible. C’est une héroïne de tragédie grecque.

Louis, c’est un enfant qui n’a pas grandi. Il est totalement irresponsable. C’est un instinctif incapable de différencier le bien du mal. Mais cet enfant est doté d’un superbe corps d’homme, ce qui attise la convoitise de la narcissique et perverse Lechy. Nous sommes aux antipodes de L’Amant de Lady Chatterley. Louis est un ingénu. Il rend service. On lui demande de faire l’amour, il s’en acquitte comme de n’importe quelle autre tâche dans le domaine. Resté mentalement à l’état sauvage, il se comporte en animal domestique. Les sentiments profonds qu’il éprouve pour Marthe sont absolument sincères. Mais son attachement est plus filial qu’autre chose… Une sacrée performance physique et mentale qu’accomplit là un Grégori Baquet littéralement habité. On n’est pas loin du personnage de Lenny dans Des souris et des hommes. Leur innocence en fait de parfaites victimes expiatoires.

Lechy, ah Lechy ! Elle, elle est l’opposé féminin de Marthe. Elle est la femme belle, autoritaire, arrogante, qui s’évertue à masquer sa fragilité et son manque d’assurance derrière une cruauté parfaitement nihiliste. C’est une destructrice ; vis-à-vis des autres comme d’elle-même. Louis va être l’instrument qu’elle va choisir pour provoquer l’anéantissement. C’est une femme qui s’est toujours servi de sa beauté et de son pouvoir pour mettre les autres à ses genoux, mais qui sent venir l’érosion du temps. Elle va bientôt être moins désirable, donc moins puissante. Comme elle est comédienne, elle va s’offrir un chant du cygne on ne peut plus théâtral. Puisqu’elle souffre, elle va organiser sa perte en y entraînant tous ceux qui gravitent autour d’elle. Quitte à sortir de scène, autant faire le plus possible de mal avant… Dans ce rôle (le moins sympathique des quatre), Gaëlle Billaut-Danno confirme tout le bien que l’on pensait d’elle. Déjà épatante dans le registre romantique de La Dernière nuit, elle est magistrale dans ce personnage de peste hautaine et tyrannique. Personnage qu’elle parvient malgré tout à ne pas nous faire détester tant elle réussit à laisser filtrer sa terrible désespérance. On se dit que Gaëlle ferait une parfaite Scarlett O’Hara. De jolies perspectives s’offrent à elle.

Thomas Pollock Nageoire n’a pas de ridicule que le nom. Au départ, il est franchement caricatural. Il apparaît comme quelqu’un de compassé, content de lui. Il a la suffisance des nantis. Il parade avec son joli costume, sa grosse voix et son élocution châtiée témoignent de sa réussite sociale, et le pistolet qu’il arbore fièrement démontre qu’il a le droit de vie ou de mort sur quiconque. En fait, ce pauvre Thomas est terriblement seul et en manque d’affection. Et ce n’est pas du côté de la vénéneuse Lechy qu’il va en trouver. Or, Thomas est aussi le seul personnage des quatre qui va évoluer. Lorsqu’il va réaliser que la compagne idéale serait Marthe et que l’argent n’achète pas les sentiments, il va tout faire pour se mettre à son niveau et, ainsi, apprendre à son tour l’humilité… Xavier Lemaire, metteur en scène de la pièce, apporte sa prestance et son humanité à ce beau personnage qui, de pédant devient émouvant. On lui doit en tout cas une superbe direction d’acteurs et, surtout, d’avoir su donner à cet Echange un propos résolument moderne qui le met à notre portée.

Portée par ces quatre formidables interprètes, cette pièce nous laisse perclus d’émotion. Ces quatre destins qui se croisent pour aller jusqu’à l’inéluctable pour certains, ou à la rédemption pour d’autres, lui confèrent un aspect indéniable de tragédie grecque. Tout en restant du Claudel…

jeudi 9 juin 2011

Elisa Tovati


Le Syndrome de Peter Pan

Comédienne depuis quinze ans, chanteuse depuis dix ans, Elisa Tovati sort le 20 juin prochain son troisième album, Le Syndrome de Peter Pan, dans lequel elle évoque frontalement et avec une troublante sincérité ses états d’âme actuels.
Beauté brune à la voix suave et sensuelle, Elisa est arrivée en 2002 dans le panorama de la chanson française telle un Ange Etrange. Un ange qui, quatre ans plus tard, se métamorphosait en petit démon avec un album réjouissant, espiègle et primesautier dont le titre là aussi annonçait la couleur : Je ne mâche pas les mots… Que s’est-il passé depuis dans sa vie, quels problèmes, soucis et déceptions a-t-elle rencontrés pour nous révéler ainsi une profonde mélancolie doublée d’une véritable défiance vis-à-vis des clichés que véhicule son image indéniablement glamour ?
Elisa Tovati a, apparemment, tout pour être heureuse. Dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle. Son baby blues (si baby blues il y a eu) date aujourd’hui de deux ans et demi, il doit être considérablement estompé. Ce n’est donc pas de ce côté qu’il faut fouiner pour savoir d’où vient cette foutue mélancolie… A mon avis, il faut chercher du côté de l’enfance et de ses origines pour obtenir une ébauche de réponse. Elisa a du sang slave dans les veines. Elle peut donc passer sans transition de l’euphorie à la tristesse la plus sombre. En plus, quand on l’écoute et qu’on essaie de comprendre entre les lignes, on perçoit en elle un certain mal-être chronique. Mais pour en savoir plus, il faudrait fouiller et jouer au psy, ce qui n’est tout de même pas le but d’une interview sur la sortie d’un album.

Justement, parlons-en de cet album…
Dès la première écoute, il apparaît que Le Syndrome de Peter Pan est remarquablement écrit et superbement réalisé. Aucune des douze chansons n’est mièvre et banale. Et même si certains thèmes sont abordés plusieurs fois (l’enfance, l’amour, la dure réalité de la vie…), chacune possède son propre cachet et sa propre couleur… Si on a généralement tendance à attribuer le syndrome de Peter Pan aux garçons en raison du livre de J. M. Barrie, il arrive tout autant aux filles d’appréhender de passer à l’âge adulte. Adieu l’innocence, adieu l’insouciance et, surtout, adieu les rêves. La vie n’est pas un conte de fée, et ce foutu Prince Charmant a plutôt tendance à rester une illusoire abstraction.
Dans ses chansons, coécrites avec Bertrand Soulier, Elisa ne se voile pas la face et ne fuit pas la réalité. Au contraire, elle se la coltine de plein fouet. Elle veut bien se fabriquer de vagues illusions, mais elle n’est jamais dupe. Elle n’a pas le choix : il faut monter sur le manège tout en sachant que ce sont des montagnes russes et qu'on va avoir des hauts-le-coeur. Elle a beau voir « les hommes avec les yeux d’un enfant », elle ne tombe pas dans l’angélisme. Elle sait qu’un jour le jouet va soit se casser, soit perdre de son attrait en raison de l’usure du temps. Le temps qui revient souvent dans ses propos. Pas agréable, pas facile de grandir et de vieillir. A l’instar de sa chanson La vie devant soi, elle se fait adepte de la méthode Coué pour tenter de se convaincre que le bonheur existe, qu’il faut y croire. Même si… Même s’il faut pour cela se réfugier dans la superstition et les grigris. Et elle s’oblige à imaginer une happy end du côté de Sunset Boulevard.
La chanson où elle se livre sans doute le plus est La fille dans la glace. Elle y parle de sa relation avec son propre reflet. L’image que lui renvoie son miroir, celle que les gens ont d’elle dans les pages des magazines ou dans la rue, n’est pas celle de la vraie Elisa. Comment se débarrasser de ce double qui vous interdit d’être vous-même ? C’est carrément schizophrène. Elle a beau se dire, et essayer de nous dire, qu’elle est « mieux que ça », c’est l’image qui reste la plus forte. On n’a pas le temps de s’arrêter pour découvrir le moi profond des gens. Surtout quand leur métier est d’être en vitrine. On passe devant sans même penser que le plus beau, le plus intéressant, le plus riche, se trouve à l’intérieur.
Elisa Tovati ne nous fait pas le coup de la « pauvre petite fille riche », elle a trop de pudeur, trop de dignité pour ça. Et aussi trop d’humour et d’autodérision. Le sourire est certes teinté de mélancolie, mais dans le regard brûle une petite flamme bien vivante, bien ardente. Et ce n’est pas l’irruption d’une larme (Penny Lane), qui va l’éteindre.
Bref, Elisa Tovati est une belle femme et une belle âme. Elle ne se la raconte pas. Ce n’est pas parce qu’on présente toutes les apparences du bonheur que l’on est forcément heureux. Il faut ouvrir l’enveloppe pour prendre connaissance du message. Cet album, si intime, si personnel, nous la rend encore plus proche de nous et, partant, encore plus attachante.


INTERVIEW

Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à baptiser votre troisième album Le Syndrome de Peter Pan ?
C’est devenu une évidence au fur et à mesure que les chansons avançaient. Je n’ai rien calculé… Quand je me suis retrouvée face à ma page blanche, je savais déjà quelle direction j’avais envie de prendre. J’ai alors commencé à énumérer les thèmes qui me tenaient à cœur et que je voulais aborder et développer et je me suis rendu compte qu’il y en avait beaucoup qui se rapportaient à l’enfance. Et comme parmi les chansons retenues, il y en avait une de Bertrand Soulier qui s’appelait Le Syndrome de Peter Pan, ce titre s’est imposé pour l’album.
Pourquoi ce retour à l’enfance ?
J’avais envie d’aller fouiller dans mon passé, dans mes rêves d’enfant, envie de me dévoiler beaucoup plus que dans le précédent album. Dans Je ne mâche pas les mots, je m’étais amusée avec les hommes, j’avais joué avec les mots, avec mes tabous… Cette fois, je voulais gratter au fond et mettre le masque de côté pour présenter quelque chose de plus personnel.
Comment est née la collaboration avec Bertrand Soulier ?
J’ai eu beaucoup de mal à trouver des auteurs avec qui travailler. J’ai commencé toute seule et après je suis allée faire mon marché auprès des éditeurs. Ce n’est pas le tout de trouver quelqu’un qui écrit bien, il faut trouver la personne avec laquelle on va passer énormément de temps, à qui on va se livrer, avec laquelle on va mettre sa pudeur de côté. Il faut se plaire mutuellement car on établit une relation humaine très étroite. Aujourd’hui Bertrand est devenu mon meilleur ami, mon psy, mon confident. C’est quelqu’un qui compte pour moi. Nous avons la même sensibilité et il a compris qui j’étais vraiment.
Justement, qui êtes-vous vraiment ?
Il y a une chanson qui s’appelle La fille dans la glace dans laquelle j’essaie de faire comprendre que les gens n’ont de moi qu’une image tronquée de ma personnalité. J’avais très envie qu’ils comprennent qui j’étais vraiment. Ce n’est pas parce qu’on est comédienne, que l’on porte de jolies robes, que l’on arbore des beaux sourires à la télé, que l’on est une princesse et que tout va bien dans le meilleur des mondes. J’ai mes souffrances, mes douleurs, mes failles, mes zones d’ombre… Sans vouloir faire un album glauque, j’avais envie de présenter quelque chose d’honnête par rapport à qui je suis. C’est pourquoi j’ai mis en avant mes origines. Je voulais qu’on comprenne qu’il y avait un poids sur mes épaules qui venait de mes racines d’Europe centrale, de ma part slave. Ça renvoie à ma mémoire sensorielle et ça se traduit par un aspect hyper sensible de ma personnalité. Mais pour cela, j’ai tenu à contrebalancer la gravité du propos avec des musiques entraînantes parce que je suis quelqu’un rempli d’énergie.
Il y a un grand rapport au temps dans cet album…
Je l’ai axé sur la passé, le présent et le futur. La passé avec mes rêves d’enfance, le présent avec les chansons sur l’amour et mes doutes quant aux rapports hommes-femmes, et le futur avec un titre comme La vie devant soi qui fait que j’ai une trentaine d’années, que je me trouve à la croisée des chemins et qu’il est important de se projeter dans l’avenir car tout n’est pas fini, bien au contraire…
Alors, d’où vient cette profonde mélancolie ?
Elle a toujours été là. Quand on est pudique, on évite d’aller en télé pour pleurnicher. Surtout quand on vous demande de parler d’un film ou d’un rôle. Je suis juste un être humain comme tout le monde ! Comme j’ai la double casquette de comédienne et de chanteuse, le but lorsque je sors un disque, c’est quand même de parler de moi. Ça fait vingt ans que je suis comédienne, ce n’est pas pour encore pour jouer des personnages quand je suis chanteuse. C’est pour mettre ma vie, mes tripes, mon univers sur le tapis. C’est ma justification.
Dans Le Syndrome de Peter Pan, vous dites voir « les hommes avec des yeux d’enfant ». Comment cela se traduit-il ?
Quand on a eu deux-trois histoires d’amour qui vous ont un peu abîmée, à un moment donné, lorsqu’on redémarre une nouvelle histoire, avant d’aller plus loin, même si on a le cœur qui bat et que l’on pressent qu’il va se passer quelque chose de magique, on a juste envie de dire à l’intéressé : « Je t’en supplie, protège-moi… Avant qu’on se dise des mots, que ça devienne compliqué, sache que je vois les hommes avec des yeux d’enfant ». Il y a cette espèce de naïveté que l’on a au début d’une histoire. Et en même temps, comme on n’est plus dupe, on prévient tout de suite.
Quels sont les chansons de votre album que votre fils, Joseph, qui a 2 ans et demi, préfère ?
Il adore Il nous faut. Il la chante à tue-tête. Sinon, il aime bien Le Syndrome de Peter Pan et L’ABCD, surtout quand je chante « Ah ah ah, je voudrais un bébé avant qu’on ait cessé… ». Et il se demande qui est ce monsieur avec qui je chante Il nous faut en duo…
Finissons par le cinéma. Comme vous Chochana Boutboul a pris dix ans de plus. Que devient-elle ?
Elle est toujours mariée avec Serge Benamou, que joue José Garcia, elle a toujours Enrico Macias pour papa… Ça a été très agréable de la retrouver. Chochana, c’est un peu moi… La vérité si je mens 3 sortira le 1er février 2012. Le scénario est vraiment formidable. On s’est tous super bien entendu. C’est comme si on s’était retrouvé dans une grande colonie de vacances.