samedi 28 février 2015

3 hommes dans un bateau (sans parler du chien)

Théâtre Edgar
58, boulevard Edgar Quinet
75014 Paris
Tel : 01 42 79 97 97
Métro : Edgar Quinet / Montparnasse / Gaîté

Adaptation et mise en scène d’Erling Prévost
D’après le roman de Jérôme K. Jérôme
Décor de Claude Pierson
Musiques de Christian Germain et Léonard Hamet
Avec Philippe Lelièvre (Harris), Soren Prévost (Jérôme), Pascal Vincent (George)

L’histoire : Jérôme, Harris et George sont trois amis hypocondriaques et flegmatiques de la City londonienne. Persuadés d’avoir contracté toutes les affections possibles en plus de leur nonchalance, ils finissent par pointer du doigt le mal qui les ronge : le stress de la vie citadine.
N’écoutant que le courage qu’ils n’ont pas, ils décident de tenter une folle aventure : remonter la Tamise en barque ! Après s’être fixés un objectif précis, à savoir ne rien faire, les trois compagnons canotiers remontent le fleuve de Sa Majesté, accompagnés de Montmorency, le fox-terrier de Jérôme, premier témoin des aventures de son ringard de maître. Un voyage ponctué d’eau froide et d’agressions nocturnes, mais qui sera pour eux un moyen de sceller leur amitié et de trouver les vraies réponses à leur question existentielle : « Si l’homme n’avait pas été curieux, jamais on aurait découvert la saucisse de Francfort »…

Mon avis : La loi des séries, quand elle est positive, a vraiment de très bons côtés. En ce moment, sur le plan des divertissements, je vis une embellie. Avec ce qu’on vit actuellement, les salles de spectacle seraient-elles devenues les derniers refuges où l’on oublie l’espace d’une heure et demie tous les tracas du quotidien et les dysfonctionnements de ce monde en folie ? Poser la question, c’est y répondre.
Hier soir, j’ai été littéralement transporté par 3 hommes dans un bateau sans parler du chien. Il y avait d’abord le plaisir de retrouver la charmante salle du Théâtre Edgar, reprise et totalement rénovée par un fou passionné, Luq Hamet, puis la curiosité de voir comment Erling Prévost s’en était tiré avec l’adaptation du roman de Jérôme K. Jérôme paru en France il y a 120 ans. Un exercice des plus ardus tant ce livre est empli de paradoxes terriblement britanniques.
Et bien, n’en déplaise à la perfide Albion, le défi a été plus que remarquablement relevé et l’essai d’Erling Prévost a été parfaitement transformé. En orpailleur du verbe, il a dû en passer des heures à "tamiser" ce texte pour n’en garder que les plus pures pépites.


L’histoire nous transporte à la fin du 19è siècle. Nous sommes en présence de trois individus atypiques, désoeuvrés, dont la seule préoccupation est de se regarder le nombril et ce qui se passe en dessous, à l’intérieur de leurs corps. Plus hypocondriaques qu’eux, tu meurs. Experts en pathologies diverses et variées, ils se complaisent mollement à analyser les symptômes virtuels de leurs maladies imaginaires. Ça va loin…
Pour essayer de s’extraire de leur mélancolie intestine, ils décident de se lancer dans une folle aventure : remonter la Tamise en bateau ! Sitôt dit, pas sitôt fait ; car il faut organiser les préparatifs. Et comme nos trois lascars ont le travers chronique de tout compliquer, l’évaluation de l’intendance s’avère des plus méandreuse. Ils ont en effet l’art de joindre le futile à l’agréable. Ces marchandages sur les marchandises à emporter nous permettent de faire plus ample connaissance avec les profils psychologiques de ces oisifs oiseux. Pour synthétiser, on peut dire que Harris est le mâle dominant du trio. Il est autoritaire à tendance tyrannique et il est passé maître dans l’art de la mauvaise foi. Jérôme, lui, est plus diplomate, plus conciliant, tout en préservant sa part d’égocentrisme. Quant à George, la tête de Turc des précédents, il est un peu plus primaire, moins raffiné, gaffeur et bonne pâte…

Nous, les spectateurs, nous sommes en quelque sorte installés sur une des rives de la Tamise, et on va suivre les péripéties de ces trois ramiers rameurs le long du fleuve. Et il va s’en passer des choses ! Ou plutôt des non-événements qu’ils vont affronter avec leur pusillanimité de fins de race. Bonjour les aventuriers !


Le texte de cette pièce, fidèle à l’esprit de l’auteur, est un bijou de finesse. C’est de l’écume de mots, de la dentelle légère et vaporeuse. C’est l’art de construire une histoire sur rien ; sur la vanité de l’existence de trois paresseux velléitaires. On s’y délecte d’un trésor de belles phrases qui ne veulent strictement rien dire, mais qui sont si joliment tournées. Ce texte est un plaisir de gourmet. Et il est servi par trois virtuoses, trois jongleurs de l’absurde. Leurs échanges sont un pur régal de comédie. Quels comédiens que Philippe Lelièvre, Soren Prévost et Pascal Vincent ! A la limite, on s’en tape complètement de leur aventure, ce à quoi on s’attache c’est la manière dont ils jouent et la façon qu’ils ont de distiller ce texte si loufoque et décalé. C’est de l’esthétisme pur. Comment font-ils pour ne pas rire de la bêtise de leurs situations, des incongruités qu’on leur fait dire, des chansons improbables qu’ils ont à interpréter ? Ah, cet éloge de la tranche de rosbif, sincère et compassé, qui se termine en gospel. Quel moment de cocasserie !
La mise en scène, avec utilisation judicieuse de meubles mouvants, est d’une folle créativité. Elle est au diapason du propos, c’est à dire saugrenue, drôlissime et, ce qui ne gâche rien, raffinée.

3 hommes dans un bateau sans parler du chien est une formidable croisière en Absurdie que l’on passe à contempler trois nonchalants qui passent. Cette pièce déclenche en nous un rire de qualité, ce rire rare qui ne fait que tressauter les épaules et procure un plaisir intérieur qui fait chaud au ventre.
Prenez votre billet pour embarquer au Théâtre Edgar, vous vous y ferez certes mener en bateau, mais ce sera pour votre plus grand bonheur.


Gilbert « Critikator » Jouin

vendredi 20 février 2015

Rupture à domicile

Comédie Bastille
5, rue Nicolas Appert
75011 Paris
Tel : 01 48 07 52 07
Métro : Richard-Lenoir

Une comédie écrite et mise en scène par Tristan Petitgirard
Décor d’Olivier Prost
Lumières de Denis Schlepp
Costumes de Mélisande de Serres
Avec Olivier Sitruk (Eric), Hélène Seuzaret (Gaëlle), Benoit Solès (Hyppolite)

L’histoire : Rompre n’est jamais agréable, alors pourquoi ne pas payer quelqu’un pour le faire à votre place…
Un soir, Eric Vence, fondateur de l’agence « Rupture à domicile », est missionné par Hyppolite pour annoncer à sa compagne qu’il a décidé de la quitter.
C’est là qu’Eric tombe sur Gaëlle, son ex, partie sept ans plus tôt sans la moindre explication. Evidemment, Eric ne lui dit pas qu’il a été engagé. Il pense avoir un coup d’avance, car en la retrouvant il sait avant elle-même qu’elle est sur le point de redevenir célibataire… Mais Eric est loin de se douter que son client a changé d’avis et surtout qu’il va les rejoindre…
Un trio amoureux inédit se met alors en place : l’ex, la femme et le futur ex. c’est le début d’un poker menteur explosif dont personne ne ressortira indemne.

Mon avis : C’est sur la mélodie de Un jour mon prince viendra qu’Olivier Sitruk fait son entrée sur scène. Mais le romantisme douçâtre de cette musiquette disneyenne est immédiatement mis à mal lorsque le personnage qu’il incarne s’adresse à nous pour nous présenter sa profession. De sa belle voix chaude, il explique qu’il a créé une agence spécialisée dans la rupture. Il intervient en lieu et place d’un des deux partenaires pour apprendre à l’autre qu’il va le/la quitter. Justement, un homme vient de l’appeler pour qu’il aille informer sa compagne de son désir de rompre leur relation. Nous allons donc l’accompagner en direct dans sa mission. Et la pièce commence…


Eric (Olivier Sitruk) fait donc irruption dans l’intérieur coquet de Gaëlle. A peine la porte s’ouvre-t-elle sur lui que tout dérape. Gaëlle n’est autre que son ex qui l’a quitté sept ans plus tôt sans lui fournir la moindre explication. La surprise ayant fait place à l’émotion des retrouvailles, il est évident que le message qu’il a à transmettre passe au second plan. Mais là où tout va se corser, c’est que Hyppolite, le compagnon de Gaëlle, vient brutalement de changer d’avis et il déboule à son tour dans l’appartement… Le trio infernal est formé. On se cale dans notre siège et on se prépare à assister à un âpre combat…

Voici donc le postulat de cette pièce. L’idée est on ne peut plus originale. Reste à voir comment tout ceci va évoluer et si on va être captivé tout du long par les tribulations de ce triangle amoureux.
Déjà, la force de cette pièce, ce sont ses trois protagonistes. Chacun d’eux possède un tempérament bien spécifique. Les deux hommes ont des caractères diamétralement opposés. Autant Eric est calme, posé, doté d’un humour à froid (j’ai adoré la sonnerie de son portable) et un tantinet manipulateur, autant Hyppolite est premier degré, émotif, survolté et prévisible. Leur opposition de style, les gesticulations du second face à froide sobriété du premier, est un ressort comique très efficace. On ne peut pas les confondre : l’un (le sérieux) est logiquement habillé en noir, l’autre (le farfelu) porte une chemise bleu ciel… Quant à Gaëlle, elle est la passerelle entre les deux. Ignorant tout de la machination dont elle est l’objet, elle va devoir s’adapter au fur et à mesure que les informations lui viennent et utiliser des armes qui lui sont propres.


Disons-le tout net, j’ai eu du mal pendant un gros quart d’heure. Celui qui suit l’arrivée en scène d’Hyppolite. Lorsqu’il invente « le Fou », il entre dans une débauche de mimiques et de contorsions que ça en devient lourd. Il en fait des caisses. Il est peu crédible. J’ai beau me dire que c’est le scénario qui le veut, mais je suis au bord de la rupture et j’ai envie de regagner mon domicile.
Puis, magie du spectacle, lorsqu’Hyppolite se décide à éradiquer « le Fou », tout commence à se mettre en place. Bien sûr, on assiste de part et d’autre à une surenchère des mensonges, chacun cherchant à s’y retrouver tout en en inventant un plus gros. Ces mensonges-gigogne contribuent à l’édification d’un édifice dont chaque brique est branlante. Impossible de construire quoi que ce soit quand tout est vacillant.


Progressivement et de plus en plus intensément, je me suis laissé happer et mordre par ce huis-clos aux multiples rebondissements. Oubliées les quelques grosses ficelles du début, l’ouvrage passe à la dentelle. On n’a plus qu’à se laisser porter. On rit beaucoup et souvent, mais peu à peu l’intrigue distille des plages d’émotion. Vers la fin, on est cloué par un moment de tension impressionnant.
Rupture à domicile est un formidable gymkhana sentimental. A partir du moment où on a accepté la part d’irrationnel nécessaire à toute fiction, tout reste plausible. On comprend ainsi tout à fait que Gaëlle soit tiraillée par deux spécimens de mâles aussi différents. Elle apprécie la rigueur de l’un tout autant que la fantaisie de l’autre, le côté adulte d’Eric, les comportements parfois puérils d’Hyppolite. L’idéal pour elle, finalement, ne serait-ce pas la synthèse des deux ?
Interdit de dévoiler le dénouement. De toute façon, avec l’esprit aussi créatif, voire tordu, de l’auteur, on peut imaginer qu’il peut encore y avoir un rebondissement après les saluts. On est à l’abri de rien.

Je terminerai par un hommage absolument respectueux et admiratif devant la performance artistique des trois comédiens. Olivier Sitruk est parfait d’un bout à l’autre. La puissance comique de Benoit Solès est effarante. Et Hélène Seuzaret, que l’on de voit pas assez au théâtre à mon goût (elle était remarquable dans Plus vraie que nature), possède le registre le plus complet qui soit. Elle est juste dans toutes les situations. Et puis elle a un sourire !...


Gilbert « Critikator » Jouin

jeudi 19 février 2015

Yann Stotz et ses invités

Théâtre Michel
38, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 35 02
Métro : Havre-Caumartin / Auber

Prochaines dates : lundis 23 février, 2 et 16 mars

Invités du 23 février : Arnaud Cosson, Florent Peyre, Tano, Les Cuissards

Présentation : Avec pour mère nourricière les Monty Python et pour pair carnassier Franky Sinatra, un cocktail d’humour odieux-visuel agrémenté d’un zeste de jazz à tous les étages. Une sorte de mélancomique autant éclectique qu’électrique. D’un swing endiablé à une parodie des Feux de l’amour, il s’envole dans un absurde contrôlé.

Mon avis : Je ne peux que vous inciter à vous précipiter au Théâtre Michel pour découvrir cet artiste comparable à aucun autre. Tout simplement parce qu’il est plusieurs « autres » à lui tout seul. J’ai rarement vu un performeur aussi accompli. Yann Stotz sait tout faire.
A la fin de son show, j’étais mortifié. Je me demandais comment j’avais pu passer à côté d’un tel talent aussi polymorphe.

J’ai créé ce blog d’abord pour faire part de mes coups de cœur, de mes emballements, de mes émerveillements. Tout ce que j’y ai écris n’est que la transmission la plus sincère et la plus honnête de mon ressenti devant un spectacle. Je ne triche jamais, je ne fais jamais preuve de complaisance, je ne cède jamais au travers du copinage.
Avec Yann Stotz, je suis d’autant plus tranquille que j’étais absolument vierge de tout avant de le prendre en pleine figure. Ma virginité en a pris un sacré coup. Quel dépucelage artistique ! Ce bougre d’homme m’a carrément propulsé au septième ciel.

Je pensais assister à un tour de chant. Je n’ai donc pas été surpris de voir débarquer un crooner à la voix chaudement suave et au sens du rythme incontestable. Je n’ai guère eu le temps de me laisser charmer car, dès le solo de piano sur le chorus, les choses ont commencé à déraper et à prendre une tournure complètement burlesque (A noter, au passage, la virtuosité du dit- pianiste, Julien Lifszyc). Deux minutes ! il n’y a en gros que deux minutes de sérieux et de sagesse dans ce spectacle hors normes.


Je ne vais rien en raconter. Je vais juste rapporter dans quel état cet invraisemblable hurluberlu m’a mis. J’ai attrapé des fous-rires de gamins, de ces fous-rires frais, spontanés, naturels et totalement incontrôlables. A mon âge, je ne pensais plus être ainsi réjoui par des blagues de potache. Mais il n’y a pas que ça. C’est trop riche, trop dense (trop danse aussi), trop inventif, trop farfelu, trop surprenant. Yann Stotz est un homme orchestre dont le corps est le principal instrument. Ça a l’air de partir en free jazz alors que tout est parfaitement maîtrisé. Il a l’art de nous amener d’un point A à un point B en prenant les chemins de traverse les plus inattendus possibles. Il retombe toujours sur ses pattes. Des pattes qu’il a longues et incroyablement indépendantes, des pattes qui lui permettent d’effectuer des cabrioles invraisemblables.

Son show (car à son sujet, on ne peut parler que de show) nous en met plein les yeux et les oreilles. C’est le spectacle le plus total qui soit car il synthétise toutes les disciplines inhérentes au divertissement. Il nous remplit le cabas avec une générosité, une bonne humeur et un sens du partage réellement bluffants. Yann Stotz est doté de tous les dons dont rêve un artiste. Il pourrait amplement se suffire à lui-même, mais il n’aime rien tant que de se savoir entouré par une poignée d’énergumènes de sa trempe. Cela donne une plus value à son spectacle en ce sens où cela provoque des sketchs souvent improvisés (les dialogues impromptus qu’il a échangés avec Jérémy Ferrari lundi dernier, la finesse de leur jeu et la cocasserie des situations provoquées étaient à hurler de rire. Et quel sens de l’autodérision chez Yann !)


Voilà, je ne peux qu’adresser un concert de louanges et déverser un tombereau de remerciements. Grand merci Yann Stotz. Merci pour ce moment.

lundi 16 février 2015

ODB La Journée de la Femme "Le Jour le plus long"

Cirque d’Hiver
110, rue Amelot
75011 Paris
Métro : Oberkampf / Filles du Calvaire

Dimanche 8 mars à 18 h 00

A n’en point douter, voici un rendez-vous des plus réjouissants qu’il ne faudra manquer à aucun prix.
Quand on connaît l’extrême misogynie affectée par Olivier de Benoist, on n’ose imaginer le traitement que lui et ses invités vont réserver à la Journée de la Femme. Ça promet d’être croquignolet et gratiné.
Le simple fait d’égrener les noms de ceux et celles qui vont « militer » sur la piste du Cirque d’Hiver fait saliver : Jérôme Daran, Frédéric Fromet, GiedRé, Jarry, Chantal Ladesou, Mathieu Madénian, Régis Mailhot, Albert Meslay, Raphaël Mezrahi, Oldelaf, Anne Roumanoff… Et, d’ici le 8 mars, d’autres humoristes vont s’inviter à cette grande manifestation.
Une chose est sûre : les femmes vont souffrir, mais elles vont adorer.


jeudi 12 février 2015

Tano


Le Point Virgule
7, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie
75004 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Hôtel de Ville

Ecrit par Tano
Avec la collaboration de Patrice Costa et Thomas Gaudin

Présentation : Quel est le rapport entre un chasseur nationaliste corse, une prostituée avant-gardiste acrobate, un flic de la Bac rappeur et un clochard salarié à la Française de jeux ?
C’est Tano…

Mon avis : Tano… Ah, Tano. Quel personnage ! Je l’ai découvert il y a quatre ans. Avec son univers bien à lui, sa façon de bouger, son phrasé particulier, il se démarquait déjà des autres humoristes. Mais il se cherchait encore. Il était à la croisée des chemins, cherchant sa voie. Il avait trop de cordes à son arc pour définir quelle serait sa cible. Petit à petit, multipliant les expériences dans différents festivals et sur quelques scènes parisiennes, il a fini par se prendre au jeu et à trouver sa place. Et, surtout, à décrocher une réelle légitimité. Tano est un Humoriste, avec un grand « H ».
Aujourd’hui, maintenant qu’il commence à croire en son talent (il a fallu que ses proches lui serinent souvent qu’il en avait), il a pris confiance en lui. Et le résultat est époustouflant. Le fait que ses deux grandes passions soient la musique (il est batteur) et le cinéma (il a fait le cours Florent), se synthétise lorsqu’il est sur scène : il possède toute la palette de jeu d’un acteur consommé et il y ajoute un sens du rythme et de la rupture propre aux percussionnistes…


Il a désormais une maîtrise parfaite de son personnage. Le cheveu hirsute, la barbe sauvage, la démarche nonchalante, il n’est visiblement pas là pour se la raconter, mais pour NOUS raconter des histoires dans lesquelles il nous fait rencontrer quelques personnages particulièrement gratinés. Ce qui est bien, c’est que, entre chaque sketch, il part dans des réflexions personnelles, des digressions le plus souvent propices à des vannes décapantes. Il peut aussi bien évoquer sa crise de la quarantaine que revendiquer son amour de l’argent, aborder un sujet aussi délicat que la zoophilie, ironiser sur les sites de rencontre et se complaire à asséner des contre-vérités qui nous rendent tout réjouis. Comme il se moque beaucoup de lui-même il peut se permettre de déglinguer n’importe qui. C’est une sorte de tireur d’élite, un sniper, dont chaque projectile, uniquement utilisé à bon escient, fait mouche à tout coup.


Tano est un métis. Il est le résultat d’un mélange marseillais et corse. Mais, à l’évidence, les globules de son sang insulaire ont un tantinet bouffés les phocéens. Raison pour laquelle son spectacle est si corsé. S’il était un arbuste du maquis, il serait à n’en pas douter un calicotome spinosa, un calicotome épineux. Car pour piquer, il pique ! Toutefois, comme il est très, très joueur, il ne pique pas pour faire mal ; certes, ça peut parfois blesser. Mais il a une telle façon, presque désinvolte, de planter ses épines, qu’on lui pardonne tout. Même quand il lui arrive de se montrer féroce (et ça arrive souvent), on sent qu’il ne possède pas une once de méchanceté. On rit de bon cœur, sans gêne, sans arrière-pensée. D’ailleurs, quand il va très loin dans le corrosif, ça le fait rire aussi. Il arrive qu’il se fasse huer par le public féminin. Mais il n’y peut rien, c’est son personnage, l’Oncle Antoine, misogyne assumé, qui est comme ça. Lui, Tano, il n’y est pour rien. Pareil lorsque des « Oh » horrifiés retentissent parfois. Il n’est pas responsable non plus des mots utilisés par un rappeur. Même si ce rappeur est un flic de la Bac.


Ses personnages. Parlons-en de ses personnages. Ils sont au nombre de six. Tous plus hauts en couleurs les uns (ou les unes) que les autres. Ils sont aussi remarquablement dessinés qu’interprétés. Les textes sont ciselés et le jeu est d’une qualité absolue. Le « clodo bingo » est un véritable délice d’humour noir doublé d’une leçon de vie édifiante sur les travers humains… L’oncle Antoine, avec son superbe accent corse et des borborygmes, est tellement savoureux et tellement réaliste qu’il rend toute la salle hilare… Le texte du flic rappeur est un petit bijou de parodie qui permet à Tano de se lâcher avec une gestuelle appropriée pas si caricaturale que ça finalement… Je ne dévoilerai rien de plus de la copine Sophie et de sa tête à la Bogdanov… Pour moi, la péripatéticienne égrenant son échelle tarifaire est un sommet de drôlerie. Une véritable prouesse, tant dans son écriture que dans sa déclamation. Un très grand moment !… Et enfin, le fameux sketch du nationaliste corse, élevé au rang de « tube », ne se présente plus tant il est abouti. On dirait un extrait de film.

Tano… Ah, Tano ! Vous l’aurez compris. Le seul en scène de Tano nous fait rire sans répit du début à la fin. Parfaitement structuré, il ne fait que monter en puissance… Avec ce Corse-là, on est Maure de rire.


Gilbert « Critikator » Jouin

samedi 7 février 2015

Le Système

Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce d’Antoine Rault
Mise en scène par Didier Long
Décors de Bernard Fau et Citronelle Dufay
Costumes de Jean-Daniel Vuillermoz
Lumières de Laurent Béal
Musique de François Peyrony
Avec Lorant Deutsch, Stéphane Guillon, Eric Métayer, Marie Bunel, Urbain Cancelier, Sophie Barjac, Stéphanie Caillol, Philippine Bataille

Présentation : 300 ans après, les questions demeurent les mêmes : comment renflouer les finances publiques, les ambitions personnelles vont-elles de pair avec l’intérêt général ?
L’Ecossais John Law, joueur de cartes de génie, prétend pouvoir sauver l’Etat français de la faillite. Il convainc le Régent d’essayer son système : faire du commerce et des échanges avec de la monnaie de papier et des actions. Il vient d’inventer en France l’économie moderne… Au début, cela marche à merveille. Trop bien même. Bientôt, la machine s’emballe, tout le monde se met à spéculer, la bourse flambe. Alors, soudain, « la bulle » (le mot date de là) explose… John Law vient d’inventer aussi la crise financière.

Mon avis : J’ai vu et apprécié quelques unes des précédentes pièces d’Antoine Rault (Le Démon de Hannah, L’Intrus), mais c’était surtout le plaisir que j’avais connu en 2008 avec Le Diable rouge et la formidable interprétation de Claude Rich et Geneviève Casile qui faisait que j’étais très curieux de découvrir sa nouvelle œuvre.
Antoine Rault est un fin lettré doublé d’un passionné d’histoire. Ses pièces sont subtiles, raffinées, intelligentes. Il y prend en outre un malin plaisir à dénicher les points communs entre les événements d’hier et notre époque. Et dans Le Système, le parallèle est encore plus fragrant puisque toute l’action tourne autour de l’économie, de comment on peut remédier à la mauvaise gestion des finances d’un pays avec des procédés novateurs simples et apparemment efficaces. C’est du moins le vœu pieux que formule John Law, un banquier et économiste écossais, un visionnaire aussi génial qu’idéaliste, en proposant une méthode à ses yeux infaillible pour redresser le Trésor de la France. Petit clin d’œil à l’Histoire, nous sommes en 1715 lorsque Law vient proposer ses services au Régent Philippe d’Orléans. Il y a donc tout juste 300 ans !
Mais là où les similitudes avec aujourd’hui sont encore plus troublantes, c’est qu’après avoir réussi pendant trois-quatre ans à redresser la barre, Law va se retrouver confronté à la cupidité des uns et son beau « Système » va capoter et amener une crise profonde. Une crise ?... Tout ceci nous ramène à 2008 et à la faillite du système bancaire américain symbolisé par l’affaire des subprimes… Un copié-collé fascinant dans lequel Antoine Rault s’est engouffré avec gourmandise.


Il faut être en bonne forme intellectuelle, pas trop fatigué par une journée de travail, pour suivre et comprendre des mécaniques économiques parfois très techniques. On ne pige pas toujours tout. Mais, en fait, ce n’est pas là le plus important. Ce qui compte en fait dans cette pièce, c’est ce qu’en font les acteurs.
Et nous avons là un quatuor de comédiens qui, par la qualité parfaite de leur jeu, font de ce sujet a priori austère un réel divertissement. Ces quatre-là synthétisent brillamment les tréfonds de l’âme humaine. Quatre personnages très différents, remarquablement dessinés et détenteurs d’une vraie épaisseur.

Eric Métayer. On n’attend pas forcément dans ce registre ce Zébulon effervescent plus féru de burlesque que de réalité historique. Malgré tout, dans le rôle d’un économiste rival de John Law, il réussit à introduire une certaine dose de fantaisie avec ses mimiques et sa gestuelle propres. C’est une très bonne idée que d’avoir fait appel à lui.

Urbain Cancelier. Dans le (beau) rôle du Régent, il est épatant. Face à silhouette ascétique de l’abbé Dubois, aux petits gabarits trépidants de Lorant Deutsch et d’Eric Métayer, il apporte rondeur toute pateline d’un gros matou. Sous ses airs bonhomme et ses fringales de bon vivant, se cache un jouisseur misogyne, un politicien impitoyable prompt au coup de griffe. Sa libido débridée a permis à l’auteur de glisser quelques scènes légères et coquines amenant de judicieuses ruptures. Un grand acteur de théâtre, rompu au second degré, qui excelle depuis trente ans dans la comédie et, plus particulièrement chez Feydeau.

Lorant Deutsch. Il est toujours bon, Lorant. Là encore, il ne faillit pas à la tâche. Dans le personnage central de John Law, il se montre tour à tour enthousiaste, brillant, virevoltant, exalté, naïf, fougueux, profondément sincère, émouvant jusqu’à en devenir pathétique. Avec lui on comprend qu’être financier, ce n’est pas du gâteau… Grâce à son haut débit, il fait passer plus vite tous les éléments les plus techniques de son « Système » ; une sacrée performance.


Stéphane Guillon. L’humoriste a trouvé avec l’abbé Dubois son premier grand rôle au théâtre. Il est carrément impressionnant. Il magnifie les nombreux défauts de l’homme d’église (on ne lui voit d’ailleurs aucune qualité) : il est malin, cauteleux, impassible, cynique, ambitieux ; il a la dent dure, il est si peu croyant qu’il n’hésite pas à blasphémer pour faire passer un bon mot. C’est un homme qui, en s’approchant on ne peut plus près du pouvoir, s’en est d’autorité investi. Ce n’est pas par hasard si le Régent lui déclare : « Toi, tu n’as pas de cœur ». Stéphane Guillon est impeccable. Et il a trouvé le ton juste avec suffisamment de froideur, de distance et de mépris pour en faire un être infiniment dangereux et inquiétant. Je l’ai trouvé particulièrement bon dans ce que j’appellerai « la tirade du petit Corrézien », un texte dont le double sens, tellement bien suggéré, a fait se réjouir la salle.

Si vous aimez les textes intelligents saupoudrés de formules percutantes, de répliques incisives (dans ce domaine, l’abbé Dubois est particulièrement bien servi) et d’anachronismes délicieusement volontaires, les beaux costumes, les décors chauds et des acteurs très imprégnés de leur art, vous ne serez pas déçu par Le Système.

Petit aparté personnel : entendre prononcer « Lass » le nom de John Law, m’a ramené à mes années lycée. Il y avait deux noms dont je n’ai jamais compris qu’on les prononçât différemment de leur orthographe : Law, donc et de Broglie, qu’il fallait dire « de Breuil »…


Gilbert « Critikator » Jouin

vendredi 6 février 2015

Véronique Sanson

L’Olympia
28, boulevard des Capucines
75009 Paris
Tel : 08 92 68 33 68
Métro : Madeleine / Opéra / Auber

Il est de ces rendez-vous artistiques où toute une conjugaison d’éléments fait qu’ils appartiennent à des purs moments de grâce et de bonheur. Des moments privilégiés.
Le concert que nous offre actuellement Véronique Sanson à l’Olympia est de ceux-là. Il est rare, exaltant, émouvant, tonique, convivial. C’est une grand-messe païenne orchestrée par une prêtresse accueillante et généreuse qui rassemble chaque soir, autour de son nom, 1800 fidèles enamourés. La salle est comble, il n’y a pas un strapontin de libre et la ferveur communicative qui se dégage de cette foule compacte est réellement palpable.

Quel plaisir que de la retrouver en aussi bonne forme ! Visiblement, elle est pleinement heureuse de retrouver la scène. Pantalon de cuir noir, t-shirt noir, veste de cuir sans manches, avec des franges où sont fixées des breloques indiennes bigarrées qui s’agitent au moindre de ses mouvements… à travers son dress code, Véronique Sanson affiche son appartenance : c’est une rockeuse ! Alors que des « Véro » enthousiastes éclatent ça et là, elle entame son tour de chant a cappella avec Vancouver. Il est 21 h 30. Pendant plus de deux heures, ainsi qu’il est annoncé, elle va égrener les chansons qu’elle a écrites et composées durant ses « années américaines ». La voix est puissante et mélodieuse. « Véro » est radieuse. Entourée de huit musiciens-complices, dont certains l’accompagnent depuis une trentaine d’années, et de deux choristes, elle fait feu de toute voix. Elle navigue avec une aisance confondante entre le grave et l’aigu. Et puis, il y a ce fameux vibrato qui n’appartient qu’à elle, unique. A peine a-telle plaqué la dernière note d’une chanson, qu’une clameur extatique s’élève.


Un des points forts de ce tour de chant, hormis bien sûr la formidable présence de Véronique Sanson, c’est la présence d’une section de trois cuivres, saxo, trompette et trombone. Ça crée une espèce d’ambiance de big band idéale pour exprimer les trois couleurs musicales principales de l’artiste : le swing, le rock et le jazz. Le sceau Sanson, quoi !
Quelle pianiste, cette Véro ! Et quelle auteure ! Elle n’a pas sa pareille pour faire sonner les mots et raconter des histoires. Cette décennie des « Années américaines » a été d’une richesse incomparable. Dans tous les domaines. Sa musique en a été définitivement marquée. Et la vie lui a fourni des thèmes de chansons oscillant entre légèreté et gravité. Les plus fortes sont celles où elle se révolte, particulièrement contre la trahison.

Du rythme, du rythme, du rythme… Avec une énergie folle, elle enchaîne les titres. Plusieurs standing ovations spontanées ponctuent certains d’entre eux, tant ils nous ont transportés. Dans ces chansons qui datent des années 70 figurent quelques pépites rarement interprétées sur scène. Il n’y en a même une qui ne l’a jamais été.
C’est Drôle de vie qui donne le signal. Les gens se lèvent et accourent au pied de la scène. Ça danse dans les travées, les corps se balancent, chaloupent en rythme. Toutes les générations des trois sexes se mêlent dans une joyeuse communion. C’est le grand rendez-vous des amoureux de la Sanson française.


Dès lors, ce sera le feu jusqu’à l’antépénultième titre, On m’attend là-bas. Tout le monde est debout, ça se trémousse en tapant dans les mains. C’est la fête.
Et puis, comme elle aime à le faire, Véro tient à terminer sa performance (dans le sens anglo-saxon du terme) dans un climat plus intime, plus doux, apaisant. Uniquement accompagnée de ses deux excellents choristes, elle nous livre une magnifique Amoureuse à trois voix. La salle est devenue silencieuse, recueillie… Et puis, cette fois seule avec son cher piano, elle tire sa Révérence… Sa voix, qui n’a cessé de se chauffer tout au long du concert, a désormais atteint la perfection.
Merci Véro pour ce grand moment de partage.
Il n’y en n’a pas deux comme elle. Elle est VérUNIQUE Sanson…

Gilbert "Critikator" Jouin


lundi 2 février 2015

Zidani "La rentrée d'Arlette"

L’Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 48 00 04 05
Métro : Strasbourg Saint-Denis


Présentation : Arlette Davidson reprend la direction du Collège Sainte Jacqueline de Compostelle.
Mais, très vite, l’enthousiasme de la rentrée s’estompe face aux problèmes quotidiens : pénurie de profs, absentéisme du corps enseignant, vétusté des bâtiments, etc… De la prof sadique et élitiste à celle qui entame sa troisième année de dépression chronique, c’est clair, l’année scolaire promet d’être « fatigante, fatigante, fatigante »…

Mon avis : Pour avoir régulièrement apprécié ses différentes compositions dans l’émission « On n’ demande qu’à en rire », je savais à peu près à quoi m’attendre en allant découvrir le nouveau seule en scène de Zidani à l’Archipel. Je subodorais que ce serait intelligent, drôle, surprenant et pas anodin.
Et bien c’est exactement ce type de spectacle auquel j’ai assisté. Fine lettrée (elle est licenciée en Histoire de l’Art et professeur de religion protestante), Zidani porte un soin tout particulier à l’écriture. Les phrases sont remarquablement construites et les mots sont bien pesés. Mais, au-delà de ses qualités d’auteure, la jeune femme s’avère être une comédienne accomplie avec un éventail étonnant dans tous les registres. Elle adore jouer avec sa voix, n’hésitant pas à monter très haut dans les décibels quand il le faut, incroyablement expressive (son visage en caoutchouc passe en un dixième de seconde du sourire enjôleur au regard chargé de menaces et elle excelle dans l’utilisation de tics qui se montrent plus éloquents et explicites que les mots pour signifier u état d’esprit), très physique (elle saute, elle danse, se livre à des chorégraphies improbables), elle fait preuve pendant une heure et demie d’une débauche d’énergie effarante. Et quelle gestuelle !

Zidani est habitée. Littéralement habitée. En elle, ce sont plusieurs aliens qui cohabitent ; des personnages qui vont défiler et, pour certains, revenir devant nous. Qu’on le veuille ou non, nous sommes partie prenante dans son spectacle. Elle nous y intègre d’office puisqu’elle considère d’autorité que nous, les spectateurs, nous sommes en fait les élèves d’une classe qui vont devoir écouter les discours de la directrice et affronter ou subir les comportements pour le moins déconcertants de professeurs déjantés. Zidani voit tout. Elle repère ses victimes, les interpelle, les apostrophe et n’hésite pas à fondre sur eux quand sa vindicte déborde. Impossible de somnoler dans son coin ou de mâcher mollement son chewing-gum…

Crédit photo : F. Moulaert
Nous sommes au Collège Ste-Jacqueline de Compostelle, une institution qui fleure bon l’enseignement catholique mais, à l’énoncé des prénoms, on s’aperçoit qu’il y règne un grand brassage ethnique. En plus, il apparaît que s’y épanouissent plus de cancres que de bons élèves. Leur peu d’appétence pour la chose scolaire et leur propension à l’indiscipline et à l’insolence, ont des conséquences directes sur le système nerveux des enseignants. D’ailleurs madame la directrice, faisant preuve d’une extrême lucidité, n’hésite pas à décréter : « Ici, nous avons besoin de professeurs plus résistants que compétents ». Tout est dit !

Zidani sait à la perfection se glisser dans la peau de personnages très différents, et physiquement, et psychologiquement. C’est très abouti. Il en ressort une galerie d’individus plutôt hauts en couleurs : prof de religion hallucinée, à la chevelure ébouriffée, au bord du burn out ; prof de français - qui possède une ressemblance confondante avec Martine Aubry - docte, pénétrée, caustique et férue d’humour noir ; prof de chant hirsute affublée d’une pull-serpillère jaune poussin ; prof de gym à la coiffure rousse hyper-frisée et au haut de survêt présentant un camaïeu de couleurs flashy du meilleur goût…
En outre, Zidani utilise à bon escient un écran pour nous proposer quelques petits films, reportages ou portraits, qui nous permettent de retrouver certains personnage ou d’en découvrir d’autres, comme l’inénarrable Chantal Trognon.

Vous l’aurez deviné, La rentrée d’Arlette est un spectacle complet. Il y a de la comédie, du mime, du burlesque, du tragique, du chant, de la danse, du cinéma, de l’interactivité (et pas qu’un peu !)… Pourtant, lorsqu’on cogite un tantinet, on s’aperçoit que Zidani s’est malicieusement ingéniée à faire passer quelques messages et à dénoncer pas mal de dysfonctionnements dans le système scolaire. Derrière le délire et la folie des personnages, elle nous confronte à de véritables drames humains. Ici, la névrose n’est pas présente gratuitement. Elle est tangible, édifiante, inquiétante. Et Zidani sait de quoi elle parle, elle qui a enseigné pendant une dizaine d’années. L’humour lui permet d’évoquer avec légèreté des sujets graves et aussi fondamentaux que l’éducation.
On a bien ri pendant une heure et demie, mais on nous a donné à réfléchir pendant bien plus longtemps. C’est là une des vertus cardinales de l’humour (quand il est servi par des gens intelligents et concernés)…


Gilbert « Critikator » Jouin