vendredi 21 décembre 2007

Eric Antoine "Satisfait ou remboursé"


Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 45 23 35 45
Métro : Grands Boulevards/Cadet
Le lundi à 21 h 30

Ma note : 7,5/10

Mon avis : Après une très sympathique première partie assurée par un longiligne Breton de Saint-Malo au talent prometteur, le noir se fait dans la salle et, quand la poursuite déchire l'obscurité, c'est pour nous faire découvrir un immense garçon à la tignasse hirsute, planté côté jardin avec un sourire narquois. Eric Antoine est grand et costaud ; des adjectifs qui, finalement, conviennent aussi bien à son spectacle qu'à son physique.
Immédiatement, il entre dans le vif de son sujet, à savoir une conférence dont le thème est "Réalité ou Illusion". Et, tout en devisant benoîtement, il se livre à quelques tours de magie inattendus mais qui tombent à pic pour étayer sa thèse. Avec une maîtrise absolue du burlesque et du saugrenu, qu'il colore parfois d'une touche attendrissante de poésie, il campe une sorte de savant pas si fou que ça car, tel le petit joueur de flûte, il nous entraîne sur le terrain qu'il a choisi. Un terrain miné, bien entendu, qui nous fait sans cesse exploser de rire. Sa grande force, c'est de commencer par nous faire rêver en nous emportant au bord d'un paysage enchanteur et, d'un seul coup, de casser le rêve en brisant le jouet qu'il venait patiemment de créer devant nos yeux émerveillés. Un vrai sale gosse ! Très joueur avec le public aussi. Madame ou mademoiselle, s'il a jeté son dévolu sur vous, attendez-vous à passer une soirée agitée. Sollicitations en tous genres, allusions coquines, participations... il ne vous lâchera plus. Mais, si cela peut vous rassurer, il choisira aussi d'autres victimes qui ne seront pas forcèment mieux loties que vous...
Tout en tenant un discours docte et intelligent et en assénant des sentences qui donnent souvent matière à réflexion, il n'arrête pas de de faire des tours. Il passe sans transition d'un truc tout bête que l'on a l'impression d'avoir déjà vu cent fois, mais qui, placé dans son contexte à lui, nous fait éclater de rire, à de véritables prouesses complètement... magiques et réellement bluffantes. C'est vraiment très très drôle.
Ce spectacle s'adresse autant aux enfants qu'aux adultes. De toute façon, au bout d'un quart d'heure, d'un coup de baguette, il nous a tous transformés en gamins. On passe vraiment un excellent moment et Eric Antoine a le don rare de nous insuffler de la bonne humeur. Avec son quintal, il possède un sacré taquin-talent...

jeudi 20 décembre 2007

Thiéfaine/Personne "Amicalement blues"


Ma note : 7/10

Mon avis : Et si ce fameux album de blues que Johnny rêvait tant enregistrer, c'étaient Hubert-Félix Thiéfaine et Paul Personne qui l'avaient fait ? En tout cas, contrairement à Johnny, ils ne nous trompent pas sur la marchandise avec cet Amicalement blues. C'est du vrai, pur et dur, avec des mecs destroy, des filles paumées et des relents de Jack Daniels. Sur des musiques de Paul et des textes d'Hubert-Félix, nos deux guitareux s'en donnent à coeurs et à choeurs joie. Evidemment, le Paul joue de la gratte comme Personne et le micro HF (comme Hubert-Félix) nous distille les paroles abruptes et couillues de l'inspiré Franc-Comtois. C'est d'une simplicité limpide, sans fioriture aucune. Les guitares, aux sons à la fois virils et pleurnichards, se laissent à peine troubler par quelques fulgurances de l'harmonica personnel de Paul. il y a du riff hi-fi dans l'air !

Thiéfaine a tout compris sur l'essence-même du blues. On n'y raconte pas des histoires à l'eau de rose. 13 chansons, 13 chansons d'amour dont on peut définir ainsi les thèmes :
- l'errance (Avenue de l'amour)
- les amours compliquées (Emeute émotionnelle)
- les amours sous dépendance (Amant sous contrôle)
- les amours malheureuses (Strindberg 2007)
- les amours qui se passent à peu près bien. Il en faut bien une, car ça arrive (L'appel de la forêt)
- les amours tumultueuses (Les douceurs de la vengeance)
- les amours qui finissent (Distance)
- le désespoir et le renoncement (Rendez-vous au dernier carrefour)ce qui veut dire que le caddy est trop plein.
- la dérive (Spécial ado SMS blues)
- les amours contemplatives (Photographie d'un rêveur)
- les délires oniriques un peu glauques (Your terraplane is ready Mister Bob !)
- les paradis artificiels (Juste avant l'enfer)
- les amours à grand écart... d'âge (Le vieux bluesman et la bimbo)

"Du blues, du blues, du blues" vomissait l'ami Jonasz... Et bien en v'là du blues.
je ne me permettrai qu'un petit bémol histoire de critiquer : dommage que la voix d'Hubert-Félix Thiéfaine soit un peu trop "clean" ; il manque de graillon et on le déplore parfois. Il aurait peut-être dû boire et fumer un peu plus...

mercredi 19 décembre 2007

Alizée "Psychédélices"


Ma note : 6/10

Mon avis : Voici un retour au premier plan très attendu. On pouvait craindre que la maternité succédant à quelques années d'un succès ébouriffant au moment où la vie est la plus tendre et la plus fragile allait brutalement écrabouiller la Lolita sous le double poids de la femme et de la maman ; on n'était même pas sûr qu'elle ait profondément envie de remettre ça. D'ailleurs - et c'est ce qui est louable et estimable chez cette toute jeune femme - son peu d'appétence pour la gloire et les honneurs lui permet d'envisager les choses uniquement sous l'angle du plaisir et non sous celui du vil aspect commercial.
Or donc, à partir du moment où elle avait pris la décision de s'y recoller, il fallait que l'Alizée souffle très fort pour tourner les lourdes pages du premier chapitre de sa carrière écrit par le tandem redoutablement efficace Mylène Farmer/Laurent Boutonnat. Adieu les pygmalions, place à un jeune lion, ce Châtelain qui l'a faite reine en son joli royaume musical. Pétri de talent, ainsi que le fit en son temps Jean-Jacques Debout pour Chantal Goya, le Jérém a eu l'élégance de mettre de côté ses propres ambitions (très légitimes) pour ne se consacrer qu'au nouvel album de sa dulcinée. On la reconnaît bien sa patte !
Finalement, l'écueil essentiel qui résidait à l'élaboration de cet album, ce n'était pas les mélodies, mais les textes. Vu son récent passé, Alizée ne peut pas chanter des mièvreries. Il lui faut à la fois du fond et du trompe l'oeil. On a donc fait appel à la plume ébouriffée de Jean Fauque, le parolier attitré du sieur Bashung. Ce parti pris de textes alambiqués saupoudrés de second, voire de troisième degré, est à double tranchant. Autant ça peut fonctionner sur certaines chansons, autant, quand le don ne devient qu'une sale manie (merci Brassens), on en oublie le sens pour ne retenir que le son. Si bien qu'à l'écoute de cet album, on en vient parfois à avoir furieusement envie d'une chanson toute simple où les choses sont exprimées normalement...

Mais il reste heureusement suffisamment de jolis titres pour que l'on accorde plus de la moyenne à notre charmante Alizéenne. Personnellement, dans l'ordre de leur apparition sur la galette, j'ai une préférence marquée pour Mademoiselle Juliette, sa pop sautillante, fraîche et tonique et son refrain qui grave si bien son sillon dans notre tête ; Fifty Sixty, c'est Ex-fan des Sixties revisité avec références au Velvet Underground et énumération de marques célèbres et de lieux mythiques (mais on est obligé de lire le texte sur le livret pour en saisir toute la saveur), avec en prime un passage rappé avec voix trafiquée dans l'écho ; J'aime bien Mon taxi driver, son texte habile émaillé d'alitérations élémentaires, son interprétation gentiment sensuelle ("Feu vert mon lover, goûte la saveur sous mon pull-over"...), sa mélodie délicieusement lancinante ; de Jamais plus, je n'ai su apprécier que le refrain ; Psychédélices est un petit bijou tant par son arrangement truffé de sonorités originales, que par son climat envoûtant souligné par la voix traînante et dans le souffle d'Alizée (c'est joli, non, "le souffle d'Alizée" ? Ce pourrait être un titre de chanson !) ; ce n''est qu'à la troisième écoute que j'ai décollé sur le Décollage signé Oxmo Puccino. J'aime bien la façon qu'a Alizée de prononcer les mots en "ion" et l'arrangement est bien ficelé ; Lilly Town est la petite cousine de Fifty Sixty. Construite de façon identique, elle abonde en références en tous genres que l'on aurait négligemment jetées dans un shaker et qui, une fois secouées, ressortent comme autant de bulles extravagantes, a priori peu compatibles, mais finalement pas si anodines que ça : les Stones et les Beatles côtoient la Motown et Al Capone, Gandhi surgit dans le sillage de Paris Hilton ! C'est gonflé, mais ça sonne, et le charme agit... En plus, ce n'est pas une chanson évidente à chanter ; enfin, j'ai un gros faible pour Idéaliser ( "Idéale Alizée" ! Tout le contraire d'une "Fauque" de goût...). C'est peut-être là la chanson toute simple que je réclamais en début de critique. Une ambiance diaphane, un délicat piano châtelinesque, des cordes discrètes et légères, c'est très agréable à écouter ; un mot quand même à propos de L'effet, chansonnette-comptine déclaration d'amour d'une maman à sa fifille : j'estime - mais cela n'engage que moi - que ce texte empli de douceur et de tendresse eût mérité une autre mélodie...

Voilà, il ne vous reste plus à votre tour qu'à remonter les "chants Alizée" en sa charmante compagnie... Et Dieu que sa salopette a bon dos !!!

mardi 18 décembre 2007

La Légende des 3 clefs


Jeudi 20 décembre
M6 - 20 h 50


Mini-série en trois épisodes de 90 minutes.
Réalisée par Patrick Dewolf
Avec : Julie Gayet (Béatrice Sancier), Thierry Neuvic (Mathieu Di Maggio), Julie de Bona (Vanessa), Jean-Pierre Lorit (Nicolas Sancier), Danièle Lebrun (Mathilde Sancier), Michel Duchaussoy (Charles Sancier), Thierry Hancisse (Rohmer), Delphine Rollin (Delphine), Marc Duret (Simon), Dominique Guillo (Sandhoz)...
Et les enfants : Manon Gaurin (Juliette), Paul Blaise (Damien), Julien Crampon (Jimmy)

Ma note : 7,5/10

L'histoire : Damien est incroyablement facile en mathématiques, Juliette possède le don de parler toutes les langues, Jimmy a la faculté de dessiner ce qui va arriver...
Ils ont 13 ans, ils sont nés le même jour, ils sont surdoués...
Ils vont être amenés à se rencontrer, ou plutôt à se retrouver... Mais un groupe d'hommes armés est à leurs trousses et le danger rôde partout... Les enfants ne peuvent faire confiance à personne, sauf à Béatrice, la belle-mère de Damien, à Mathieu, un policier marginal, et à Vanessa, la ravissante soeur de Jimmy. Commence alors une aventure qui les mènera à la découverte d'un secret remontant à la nuit des temps...
Trois enfants, trois dons... trois clefs...

Mon avis : Même si l'idée de devoir me passer de Prison Break jeudi soir m'est insupportable, je me dois de vous signaler la qualité de cette mini-série ambitieuse que nous propose M6. L'éminente productrice Nelly Kafsky n'a pas lésiné sur les moyens pour nous offrir une histoire qui devrait captiver un très large public.
Nous sommes dans un savant mélange de Club des Cinq et du Da Vinci Code. Régulièrement, la légende tenace du fameux trésor des Templiers revient à la surface. Sept siècles après la terrible malédiction proférée sur son bûcher par le dernier grand maître de l'Ordre, Jacques de Molay, trois enfants aux dons surnaturels vont avoir pour mission de réunir les trois clefs qui vont les mener à la récompense suprême. Mais, évidemment, des groupuscules résurgents des castes moyenâgeuses sont prêts à utiliser tous les moyens, y compris le meurtre, pour s'approprier le dit trésor.
On est très vite embarqué par cette histoire, fantastique certes, maus rudement bien ficelée. C'est Indiana Jones qui bouscule sans vergogne une Bibliothèque Verte mâtinée de BD. On pense aussi, en raison de la présence d'enfants surdoués, à La nuit des enfants rois de Bernard Lentéric. On ne peut que se laisser prendre. D'autant que ce n'est jamais mièvre. Cette série ne s'adresse pas aux tout petits car la violence n'y est pas édulcorée. les méchants sont vraiment méchants et sans aucun scrupules. L'histoire monte en puissance, en même temps que le suspense, pour prendre un rythme de plus en plus haletant. Ce qui est bien aussi dans cette série, c'est que les adultes se donnent à fond dans ce jeu de piste.
D'ailleurs, la qualité du casting est à mettre en exergue. Le couple Danièle Lebrun-Michel Duchaussoy est particulièrement réussi ; elle en mégère impitoyable, lui en patriarche énigmatique. Dans leur sillon, tous sont parfaitement bien à leur place et dans leur rôle. Très rare à la télévision, Julie Gayet semble prendre un énorme plaisir à se métamorphoser, ainsi qu'elle le confie elle-même, "en Kathleen Turner dans A la poursuite du diamant vert".
Honnêtement, ces 3 clefs vont vous ouvrir toutes grandes les portes de l'aventure et vous offrir trois soirées de pure détente et de pur divertissement.

jeudi 13 décembre 2007

"Je me suis régalé"


Philippe Noiret
Conversations avec Bruno Putzulu

Editions : Flammarion
19,90 €

Ma note : 8/10

Mon avis : Quelle jolie idée que ce livre de conversations croisées entre deux comédiens ! Pendant quatre mois, d'octobre 2005 à janvier 2006, Bruno Putzulu est venu chaque début d'après-midi passer deux heures dans le salon de Philippe Noiret pour échanger avec lui des confidences sur le métier d'acteur. Evidemment, avec sa formidable générosité chronique, Phlippe Noiret s'est totalement livré, si bien que cet ouvrage dépasse largement le cadre simplement professionnel pour nous faire découvrir l'intimité d'un homme au parcours exceptionnel.
Ce qui est particulièrement émouvant quand on entre dans ce livre, c'est qu'on ENTEND la voix du comédien ; cette voix si personnelle, au timbre grave, chaud, enjôleur, empreinte tour à tour d'accents de bienveillance ou de pointes d'ironie.

Bruno Putzulu a rencontré Philippe Noiret en 2002 sur le tournage du premier film de Michel Boujenah, Père et fils. Aux côtés de Charles Berling et de Pascal Elbé, il y campait un des trois rejetons de ce père un peu farceur. Une jolie relation était née et, quelque temps après le tournage, c'est "Fifi" lui-même qui avait pris l'initiative de décrocher son téléphone et de reprendre contact avec ses quatre "connards" comme il appelait affectueusement Boujenah et ses trois garçons de fiction... Un peu plus tard, à l'été 2005, Bruno Putzulu, qui avait un petit coup de mou du côté du moral, a trouvé un vrai réconfort auprès de Philippe Noiret et de son épouse, Monique Chaumette, dite "Chonchon". C'est là qu'il a eu l'idée de lui proposer d'avoir avec lui ces fameux entretiens.
Hélas, après quatre mois passés à dialoguer et à échanger, la maladie de Philippe s'est aggravée et le comédien nous a quittés. Désemparé, brutalement orphelin, Bruno ne se sentait plus de mener à bien son projet de livre. Ce sont Monique et leur fille, Frédérique Noiret, qui ont tenu à ce qu'il aille au bout de sa mission, s'autorisant même à compléter l'ouvrage en évoquant le souvenir de ce grand bonhomme que fut leur mari et père.

Philippe Noiret s'étant confié avec une totale honnêteté, ce livre fourmille d'anecdotes. On y découvre ainsi qu'au moment où le cinéma se décide à faire appel à lui (il a 30 ans) il y a déjà une dizaine d'années qu'il fait du théâtre et il a plus de trente pièces du répertoire classique à son actif. On y apprend ainsi que c'est Gérard Philippe qui l'a repéré et lui a donné sa première chance, que c'est au cours de ces dix premières annés-là qu'il a acquis, chevillé à l'âme, son amour de "l'esprit de troupe", que Vilar a été "la rencontre la plus importante" de sa "vie de comédien"...
Philippe y fait également part d'un de ses plus grands regrets, celui d'avoir refusé le rôle de garagiste que lui proposait Claude Chabrol dans Que la bête meure : "ça a été une belle connerie de ma part. Je ne sentais pas le rôle... En tout cas, un conseil, quand un réalisateur comme Chabrol vous propose un rôle, allez-y même si vous le le sentez pas !"
L'acteur aux 130 films, relate son admirations pour Jean Gabin, et souligne "la chance" qu'il a eue de tourner sous la direction de réalisateurs comme Louis Malle, Tavernier, De Broca, Monicelli, Rossi, Ferreri, Granier-Deferre, Yves Robert, Hitchcock... Il énumère les films qui ont le plus compté pour lui : Zazie, Thérèse Desqueyroux, L'Etoile du Nord, Alexandre le bienheureux, Le vieux fusil, L'horloger de saint-Paul, Le juge est l'assassin, Coup de torchon, La vie et rien d'autre, La grande bouffe, Mes chers amis, Cinéma Paradiso... Il évoque longuement le souvenir de Romy Schneider. Il s'attarde pudiquement sur la magnifique vie de couple qu'il a partagée avec sa "Chonchon", et l'importance que son épouse a eue dans sa carrière... Il parle dans détours de l'amour, de la mort, de la critique, de l'argent...
Son aveu est éloquent : "Je me suis régalé"... Et bien, nous aussi il nous a régalés et, à travers ce livre, il continue...

Les Bonimenteurs


Le Bataclan
50, boulevard Voltaire
75011 Paris
Tel : 01 45 45 76 91
Métro : Oberkampf / Saint-Ambroise

Du 18 au 31 décembre 2007

Avec Jean-Marc Michelangeli et Didier Landucci

Ma note : 7,5/10

Mon avis : En cette époque où les ouragans se déchaînent, c'est un vent de folie douce qui va souffler pendant deux semaines au Bataclan.
Marco (Jean-Marc Michelangeli) et Ducci (Didier Landucci) sont deux hurluberlus inclassables. Leur spectacle, en effet, ne ressemble à aucun autre car il repose sur le talent extravagant de deux personnages, deux personnalités aussi différentes que complémentaires.
A priori, ils respectent la grande tradition du cirque avec l'Auguste (Ducci) et le clown blanc (Marco). Mais on s'aperçoit rapidement que ce serait aller un peu vite en besogne que de les réduire à ce binôme. Ils font preuve d'une telle inventivité, d'une telle originalité et d'une formidable générosité que nous avons droit avec eux à plusieurs spectacles en un : humour, jeux de mots, accents, mime, bruitages, comédie musicale, et j'en oublie. Et le tout nous est livré à un rythme dingue.
Déjà, leur façon d'arriver sur scène se démarque. Tout de noir vêtus, ils surgissent sur une chorégraphie très très personnelle, pour ne pas dire navrante, à travers laquelle on perçoit bientôt qui est qui. Marco, sérieux, directif, un tantinet grandiloquent, est le mâle dominant. Ducci, espiègle, facétieux, insouciant et maladroit est le prototype du benêt. Pagnol aurait dit "le ravi". C'est un peu comme si Prof et Simplet avaient décidé de se produire en duo.
Sur scène, rien ou presque rien : deux fauteuils et deux serviettes-éponges rouges... Mais ils n'ont besoin de rien de plus puisque c'est leur folle énergie qui va toute entière prendre possession de l'espace jusqu'à déborder dans la salle... Ils attaquent leur show par une improvisation pure. Un thème est tiré au sort et ils partent dans un époustouflant délire. C'est un tsunamimodrame qui déferle sur un public ébaubi et enchanté. Puis ils compliquent leur numéro de funambules du verbe et du geste en inscrivant sur un tableau 7 mots pris au vol parmi les propositions des spectateurs et, après s'être fait également imposer un thème tiré au sort, ils vont s'efforcer à les introduire dans une histoire abracadabrantesque inventée de toutes pièces. C'est de la haute voltige. La salle, qui assiste à des moments de comédie surréaliste, hurle de rire. Mais ces trésors d'imagination, pour étonnants qu'ils soient, sont encore bonifiés par la qualité des intermèdes qu'ils nous servent entre deux prouesses. Non seulement ils sont remarquablement écrits mais, surtout, admirablement dits.
L'opposition de styles et de comportements de nos deux olibrius ne fait que renforcer l'impact de la drôlerie. Marco se cantonne avec superbe dans son rôle de camelot déclamateur, laissant à Ducci ses débordements burlesco-cartoonesques. Ce qui est également très réussi, c'est cet acharnement qu'a Marco à vouloir faire de Ducci son souffre-douleur alors que celui-ci, dans sa candeur enfantine, ne s'aperçoit de rien et ne lui laisse aucune prise. Il campe en quelque sorte un idiot plus vrai que mature !
Ce qui est sûr, c'est qu'avec ces deux zigotos, du côté du Bataclan, la période des fêtes va bien justifier son nom...

lundi 10 décembre 2007

Aladin


Palais des Congrès
2, place de la Porte Maillot
75017 Paris
Tel : 01 40 68 22 22
Métro : Porte Maillot

Jusqu'au 6 janvier 2008

Mise en scène et chorégraphie : Jeanne Deschaux
Paroles et musique : Bernard Poli
Effets spéciaux, illusions : Dani Lary
Direction vocale : Pierr-Yves Duchesne
Avec Nuno Resende (Aladin), Florence Coste (Shéhérazade), Pierr-Yves Duchesne (Le Génie), Thierry Gondet (Le Sultan), Stéphane Métro (Mastabar), Christophe Borie (Le Conteur)...

Ma note : 6,5/10

L'histoire : Aladin, un jeune orphelin pauvre et malicieux, est toujours à l'affût du moindre larcin sur la place et dans les ruelles de son village. Un jour, il croise le chemin du maléfique Vizir qui rêve de prendre le pouvoir à son maître le Sultan. Ce dernier est surtout préoccupé de marier sa fille à un prince aussi riche que lui.
Piégé par le Vizir, le jeune homme fait la découverte d'une lampe magique qui renferme le puissant Génie. En le libérant, Aladin obtient le droit de formuler trois voeux...

Mon avis : Je ne suis sans doute pas le meilleur juge pour noter ce spectacle car il est délibérément destiné aux enfants. Heureusement, pour rétablir l'équilibre, j'étais accompagné de deux charmantes fillettes de 11 et 8 ans. La façon dont elles ont suivi les aventures magico-rocambolesques d'Aladin a été suffisamment probante : elles ont été enchantées. Tout autour, je ne voyais que des enfants concentrés, fascinés, émerveillés. Les plus petits frémissaient devant l'aspect et la voix terrifiants du méchant Vizir. Le pari des producteurs est donc parfaitement réussi. Leur ambition affichée étant de faire rêver les enfants, ils y ont mis les moyens et le show est à la hauteur de leur exigence.
Les atouts de cette énième version de ce conte des Mille et Une Nuits sont nombreux. L'idée des décors projetés est astucieuse car elle apporte une mobilité et une diversité que des éléments disposés sur scène n'auraient pu permettre. En plus, ils permettent aux comédiens et aux danseurs de bénéficier d'un maximum d'espace pour évoluer. A ce propos, les chorégraphies sont impeccables. Les comédies musicales ont atteint dans ce domaine un tel niveau de performance, qu'on ne peut plus se permettre de faire "cheap". Les danseurs savent tout faire avec leur corps, aussi bien du hip-hop que de la gymnastique pure. Cela apporte énormément de variété et de dynamisme. Les effets spéciaux, que l'on doit au magicien Dani Lary (un des complices récurrents du Grand Cabaret de Patrick Sébastien), sont particulièrement réussis. La danse du tapis volant défiant les lois de la gravité est tout simplement bluffante ; et le coup du miroir sidère les enfants. Ces deux illusions apportent indéniablement une valeur ajoutée au spectacle.
Le casting lui aussi est quasiment sans failles. Celui qui m'a le plus surpris, c'est Nuno Resende. Je l'avais déjà rencontré sur Roméo et Juliette, je savais qu'il chantait merveilleusement bien ; mais ce que j'ignorais c'est qu'il fût aussi tonique physiquement. Incroyable ce à quoi il se livre sur scène. C'est un véritable acrobate, un homme-caoutchouc. Il est un parfait Aladin à qui il apporte une vraie présence : du charisme, du charme, de la séduction, de la joie de vivre. On ne peut que lui tirer notre chéchia... Ensuite, il y a le Génie. Dès qu'il apparaît, le spectacle prend une toute autre dimension. Pierr-Yves Duchesne l'habite de toute sa truculence, sa fantaisie débridée, son outrance. Cet homme-là est fou ! Fou d'une folie inventive et constructrive, capable de toutes les audaces sans crainte du ridicule et ça marche. Il s'amuse et il entraîne toute la salle dans son délire extravagant. Le Sultan (Thierry Gondet), est parfait lui aussi. Il joue de sa (fausse) rondeur sympathique, il est aimable, pas très sérieux, c'est un bon vivant, un épicurien qui ne désire que le bonheur de sa fille... Et le sien ! Mastabar, le Vizir (Stéphane Metro) incarne le méchant absolu. Caricarural et inquiétant, c'est un personnage que l'on croirait directement sorti d'un dessin animé...
Les deux seules réserves que je m'autoriserai concernent d'une part la princesse Shéhérazade et d'autre part certaines chanson, un peu monotones à mon goût. Florence Coste chante juste et bien, certes, mais il lui manque un peu de personnalité, de sensualité et de charisme pour rendre sa princesse réellement excitante... Enfin, personnellement, j'estime qu'il manque une ou deux chansons un peu plus enlevées et qu'il y en a trop qui se révèlent un peu lentes. Vous me rétorquerai que ces chansons-là dégoulinent de romantisme et permettent de faire rêver les gamines, et vous aurez raison. C'est là tout le problème générationnel que j'évoquais au début. Les enfants sont heureux, et c'est ce qui compte...