jeudi 13 décembre 2007

"Je me suis régalé"


Philippe Noiret
Conversations avec Bruno Putzulu

Editions : Flammarion
19,90 €

Ma note : 8/10

Mon avis : Quelle jolie idée que ce livre de conversations croisées entre deux comédiens ! Pendant quatre mois, d'octobre 2005 à janvier 2006, Bruno Putzulu est venu chaque début d'après-midi passer deux heures dans le salon de Philippe Noiret pour échanger avec lui des confidences sur le métier d'acteur. Evidemment, avec sa formidable générosité chronique, Phlippe Noiret s'est totalement livré, si bien que cet ouvrage dépasse largement le cadre simplement professionnel pour nous faire découvrir l'intimité d'un homme au parcours exceptionnel.
Ce qui est particulièrement émouvant quand on entre dans ce livre, c'est qu'on ENTEND la voix du comédien ; cette voix si personnelle, au timbre grave, chaud, enjôleur, empreinte tour à tour d'accents de bienveillance ou de pointes d'ironie.

Bruno Putzulu a rencontré Philippe Noiret en 2002 sur le tournage du premier film de Michel Boujenah, Père et fils. Aux côtés de Charles Berling et de Pascal Elbé, il y campait un des trois rejetons de ce père un peu farceur. Une jolie relation était née et, quelque temps après le tournage, c'est "Fifi" lui-même qui avait pris l'initiative de décrocher son téléphone et de reprendre contact avec ses quatre "connards" comme il appelait affectueusement Boujenah et ses trois garçons de fiction... Un peu plus tard, à l'été 2005, Bruno Putzulu, qui avait un petit coup de mou du côté du moral, a trouvé un vrai réconfort auprès de Philippe Noiret et de son épouse, Monique Chaumette, dite "Chonchon". C'est là qu'il a eu l'idée de lui proposer d'avoir avec lui ces fameux entretiens.
Hélas, après quatre mois passés à dialoguer et à échanger, la maladie de Philippe s'est aggravée et le comédien nous a quittés. Désemparé, brutalement orphelin, Bruno ne se sentait plus de mener à bien son projet de livre. Ce sont Monique et leur fille, Frédérique Noiret, qui ont tenu à ce qu'il aille au bout de sa mission, s'autorisant même à compléter l'ouvrage en évoquant le souvenir de ce grand bonhomme que fut leur mari et père.

Philippe Noiret s'étant confié avec une totale honnêteté, ce livre fourmille d'anecdotes. On y découvre ainsi qu'au moment où le cinéma se décide à faire appel à lui (il a 30 ans) il y a déjà une dizaine d'années qu'il fait du théâtre et il a plus de trente pièces du répertoire classique à son actif. On y apprend ainsi que c'est Gérard Philippe qui l'a repéré et lui a donné sa première chance, que c'est au cours de ces dix premières annés-là qu'il a acquis, chevillé à l'âme, son amour de "l'esprit de troupe", que Vilar a été "la rencontre la plus importante" de sa "vie de comédien"...
Philippe y fait également part d'un de ses plus grands regrets, celui d'avoir refusé le rôle de garagiste que lui proposait Claude Chabrol dans Que la bête meure : "ça a été une belle connerie de ma part. Je ne sentais pas le rôle... En tout cas, un conseil, quand un réalisateur comme Chabrol vous propose un rôle, allez-y même si vous le le sentez pas !"
L'acteur aux 130 films, relate son admirations pour Jean Gabin, et souligne "la chance" qu'il a eue de tourner sous la direction de réalisateurs comme Louis Malle, Tavernier, De Broca, Monicelli, Rossi, Ferreri, Granier-Deferre, Yves Robert, Hitchcock... Il énumère les films qui ont le plus compté pour lui : Zazie, Thérèse Desqueyroux, L'Etoile du Nord, Alexandre le bienheureux, Le vieux fusil, L'horloger de saint-Paul, Le juge est l'assassin, Coup de torchon, La vie et rien d'autre, La grande bouffe, Mes chers amis, Cinéma Paradiso... Il évoque longuement le souvenir de Romy Schneider. Il s'attarde pudiquement sur la magnifique vie de couple qu'il a partagée avec sa "Chonchon", et l'importance que son épouse a eue dans sa carrière... Il parle dans détours de l'amour, de la mort, de la critique, de l'argent...
Son aveu est éloquent : "Je me suis régalé"... Et bien, nous aussi il nous a régalés et, à travers ce livre, il continue...

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