lundi 7 mai 2007

Les Hors la Loi


Théâtre du Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

Une comédie d'Alexandre Bonstein
Mise en scène par Agnès Boury

L'histoire : Poursuivis par la police, un bandit et son complice se réfugient dans un centre d'activités artistiques pour handicapés. La directrice, qui fait répéter aux pensionnaires leur spectacle de fin d'année sur le thème de "Bonnie and Clyde", prend le fugitif pour un comédien prévu pour leur prêter main forte et les faire profiter de son expérience...

Mon avis : A priori, il s'agit là d'une comédie toute simple reposant sur le thème classique du quiproquo. Les deux malfaiteurs en cavale sont pris, surtout un, pour des comédiens chevronnés. Le hic, c'est que la planque qu'ils ont choisie est un établissement pour handicapés. A ce moment-là ce sont tous nos réflexes habituels au théâtre qui sont bouleversés. Les deux malfrats réagissent comme la plupart d'entre nous face au handicap. C'est-à-dire avec beaucoup de gêne et de maladresse, un peu de compassion et une bonne dose de cette irritation qui nous gagne quand nous sommes confrontés à la différence. On sait rarement se comporter naturellement. Le handicap fait peur même si, comme l'assure gentiment une jeune femme, "il n'est pas contagieux".
Dans Hors la Loi, il y a deux spectacles en un. La pièce dans son déroulement normal d'une part, et la comédie musicale que sont en train de répéter les pensionnaires de la Maison Bleue d'autre part. Elle contient donc de nombreux intermèdes chantés. Et là, croyez-moi, on est bluffé et totalement subjugué par le talent vocal de certains de ces artistes. Quel casting ! Il y a deux jeunes femmes en particulier qui pourraient prétendre sans aucun mal à postuler pour La Nouvelle Star. Dove Attia, qui en est un des coproducteurs et qui sait ce que bien chanter veut dire, n'est pas parti par hasard dans cette aventure profondément humaine et artistique.
C'est qu'on en oublierait presque que les comédiens sur scène devant nous sont des handicapés. Ils dégagent une telle joie de vivre qu'ils banalisent leur situation. Ce spectacle, marqué du sceau de l'autodérision, est rempli d'humour et de tendresse. Avec eux tout devient possible ; y compris les chorégraphies en fauteuil ! Et puis quelle audace, quel pied de nez aux conventions que de faire interpréter Paroles paroles à un... sourd-muet. Que dire aussi de cette émouvante profession de foi extraite de Starmania reprise en choeur : "Nous, tout c' qu'on veut c'est être heureux" ?... On en prend plein la gueule, on s'en remplit le coeur et, surtout on reçoit une magnifique leçon de courage et de fringale de vie.
Vous l'aurez compris, en marge de la légitime émotion qui nous submerge parfois, on rit presque tout le temps dans ce spectacle. Il y a même deux-trois moments particulièrement épiques qui nous laissent pantois dans nos sièges, comme ce numéro de pure folie auquel se livre la directrice du centre, un numéro d'une puissance comique digne des plus célèbres comédies de boulevard. Et j'en tais bien d'autres pour vous en garantir l'effet de surprise.
Hors la Loi, c'est une superbe et vivifiante com"handi" musicale !!!

mardi 17 avril 2007

Nos amis les Terriens


Un film de Bernard Werber
Avec Audrey Dana (Agathe/Sujet A), Boris Ventura Diaz (Bertrand/Sujet B), Anne-Lise Hesme (Ursuline/Sujet 1), Thomas Le Douarec (Donatien/Sujet 2), Sellig (Félix), Shirley Bousquet (la photographe)...
Le narrateur : Pierre Arditi

L'histoire : Des Extra-terrestres, qui ignorent tout de la Terre et de ses habitants, décident de nous observer pour savoir comment nous fonctionnons. Après avoir étudié notre mode de vie dans les villes, ils décident d'affiner leur analyse en enlevant un couple de Terriens et en les plaçant dans une cage. Transplantés dans un endroit inconnu situé au milieu de nulle part, privés de tout repère, comment ces cobayes humains vont-ils réagir et s'adapter ?
En parallèle, dans la vie normale, comment vont se comporter leurs compagnons respectifs ?

Mon avis : Ce film se regarde comme un documentaire ; mais un documentaire dont nous sommes à à fois les sujets et les spectateurs. Se contempler ainsi nous-même nous procure une impression bizarre, dérangeante. Et cette sensation est décuplée par les propos faussement naïfs de l'extra-terrestre-narrateur, des commentaires qui se révèlent impitoyables.
Nul n'est besoin d'aimer les livres de Bernard Werber pour apprécier son film. Son idée est démoniaque car il se complaît à inverser les rôles. Les extra-terrestres se conduisent avec l'homme de la même manière que l'homme se conduit avec des hamsters. Quelle leçon d'humilité ! Insidieusement, on se met à la place du couple de cobayes et on se dit qu'on n'aimerait vraiment pas que cela nous arrive. Les travers de nos comportements, nos bassesses, nos lâchetés, notre jalousie, nos rivalités, y sont soulignés avec une ironie perverse. En même temps, certains de nos congénères se révèlent nantis d'une vraie noblesse d'âme (surtout les femmes...). Finalement, en raison de son effet miroir, on regarde ce film avec beaucoup d'indulgence. C'est une belle leçon de relativité et d'humilité.
Il faudrait même le diffuser dans les collèges et les lycées car il y a du Montesquieu chez Bernard Werber. Quel sens de l'observation, quel humour, quel amour de son prochain ! Il y a tant d'enseignements à tirer de cet OVNI foisonnant. Ce film est finalement tellement terre-à-terre qu'il en est extra.

lundi 9 avril 2007

Oshen


Je ne suis pas celle
(V2)

Oshen fait déjà partie de ces jeunes chanteuses qui possèdent un univers tout à la fois musical et sémantique bien affirmé. Pour la situer, je la classerais entre Jeanne Cherhal et Clarika.
La sensation générale qui se dégage de son deuxième album, Je ne suis pas celle, est une grande douceur. Douceur de la voix, douceur des mélodies, douceur des arrangements. Mais il ne faut pas se laisser prendre à ce leurre. Dotée d'une jolie voix, très agréablement mélodieuse, elle dit les choses sans grand renfort de décibels ; des choses qui se glissent insidieusement dans nos oreilles et qui mettent un certain temps à pénétrer notre intellect. Car c'est dans un deuxième temps que l'on réalise que la suave Oshen est en train de proférer quelques vacheries bien senties à l'égard de son mec ou de dire un gros mot ! Oshen ne met pas de gants. Elle utilise un langage moderne, direct et ne s'encombre pas de fioritures et de formules ampoulées. Ce qu'elle a à dire, elle le dit. En plus, elle sait écrire. Elle s'attache particulièrement à la sonorité des mots, ce qui donne une jolie unité à son "oeuvre". Enfin, sa maîtrise parfaite de sa voix lui donne la plus grande des libertés dans l'interprétation. Certaines de ses chansons sont de véritables saynètes.
Dans cet album intimiste, totalement dénué d'agressivité, elle privilégie l'ironie, le fiel. Toutes les chansons sont exprimées à la première personne. Apparemment, elle n'est pas dupe de grand chose. Elle affirme même sa duplicité (Je ne suis pas celle). Et bien qu'elle clame "J'ai la flemme d'aimer", on sent bien qu'elle adore être amoureuse (Merci, Si on tombe). Que les expériences qu'elle narre soient vécues ou non, elles ont le parfum de l'authenticité. En dépit de son nom, Oshen n'aime pas rester dans le vague. S'il faut être crue, voire limite grossière, pour se faire comprendre, elle emploie le mot juste.
Voici dont mon petit hit-parade personnel :
1/ Dans la peau. Sur une base discrète de percussions qui donnent une ambiance africaine, elle énumère tout ce qui est resté gravé en elle au gré du temps, ces petites choses qui se transforment en cicatrices ou en habitudes. C'est très adulte. Elle annonce la couleur. Cette chanson est une invitation à simplifier les rapports quand on a déjà tout un vécu derrière soi. C'est là une bonne et sage façon d'éviter de refaire les mêmes conneries.
2/ La première fois que tu m'as quittée. Cette chanson très rythmée raconte une relation plutôt destructrice, vouée à l'échec. Mais malgré tout, on en reprend toujours un petit peu. C'est une histoire d'amour gigogne qui va inéluctablement en se réduisant. Ici, Oshen ne mâche pas ses mots. Le texte est vachard, cru quand il le faut. Et puis il faut noter les nombreuses petites trouvailles sonores au niveau de l'arrangement qui rendent ce titre très vivant.
3/ Jim. Limite langage parlé, cette chanson est terriblement chargée en sensualité. Oshen y joue finement avec les sonorités en "ile" et "ine". C'est une invitation au plaisir sans aucune ambiguïté. Il ne reste plus qu'à lui souhaiter d'avoir affaire à un Jim tonique...
4/ Baratineur. Tout l'art de conteuse d'Oshen est contenu dans cette chanson sous forme de dialogue entre deux femmes. Leur trait d'union, ou plutôt de désunion, est un mec qu'elles ont en commun. L'une (Oshen) est gentiment narcissique. Quant à son interlocutrice, elle écoute, elle écoute la relation de ces fantasmes jusqu'au moment où elle craque et annonce la vérité. C'est un régal.
5/ Arc-en-ciel. Encore une petite chanson dans laquelle Oshen utilise un langage on ne peut plus direct. Elle vaut surtout pour son superbe refrain, mélodieux à souhait et nanti d'une couleur musicale très originale.

dimanche 8 avril 2007

Karine Ambrosio "Dressing Room"


Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 48 65 97 90
Métro : Grands Boulevards ou Cadet

Ecrit par Karine Ambrosio et Arnaud Lemort
Mise en scène d'Arnaud Lemort

Le pitch : C'est une fille. Une fille qui raconte ses histoires et ses problèmes de fille : la mode, sa passion dévorante pour les chaussures, son souci aussi de ne pas trouver sentimentalement chaussure à son pied, la coquetterie, la drague en boîte de nuit, la vie de couple, le speed-dating... Bref, tout ce qui remplit le quotidien d'une jeune femme trentenaire dans ce qu'il a de plus important comme dans ce qu'il a de plus futile et superficiel. C'est une fille, quoi !

Mon avis : J'avais découvert Karine Ambosio il y a deux ans, déjà au Trévise, dans son premier one-woman show intitulé J'ai rencontré Richard Berry. J'avais été séduit par la femme et emballé par l'humoriste. C'est donc avec un plaisir gourmand que je me suis rendu à ces retrouvailles.
Tout de noir vêtue, la blondeur nordique, la taille fine, la silhouette gracile et joliment dessinée, l'oeil coquin, elle a toujours autant de charme, elle est toujours aussi agréable à regarder. Ce qui, avouons-le, est plutôt rare chez les femmes qui exercent le métier de comique.
Immédiatement, nous entrons dans le vif du sujet. Après nous avoir confié souffrir de "fièvre acheteuse", elle commence à aborder ses relations avec son mec, adoptant sa gestuelle et son tic un peu "couillon"... Mais, bizarre, on a du mal à se lâcher. Ce premier sketch est quelque peu poussif ; peut-être le côté "touche-matos" est-il un peu trop appuyé et répétitif (le geste suffit amplement), la présentation de sa garde-robe est un trop outrée et caricaturale... Une légère inquiétude commence à sourdre.
Heureusement, dès le deuxième sketch, tout rentre dans l'ordre. On retrouve la Karine Ambrosio que l'on espérait, avec son incroyable débauche d'énergie, son aisance corporelle et sa maîtrise. Quelle danseuse ! Elle nous livre une parodie des chorégaphies estampillées années 80 avec une férocité et une justesse réjouissantes (Jeanne Mas, Abba, Mylène Farmer, Marc lavoine, France Gall, Shakira... il ne manque qu'Etienne Daho). Mais elle n'ironise pas que de ses congénères, elle se moque beaucoup d'elle-même. Particulièrement de sa tentative de vie de couple, avec un certain Bertrand, qui a duré trois ans. Elle y décrypte les débuts bêtifiants d'une idylle quand tout est rose et que l'on s'exprime dans un langage puéril. Et puis, après s'être méchamment attardée sur les travers masculins, elle décrit la lente dégagradation dûe aux méfaits de l'habitude. Karine ô, c'est rosse ! Quand elle ouvre sa Dressing Room, les mecs sont habillés pour l'hiver. Elle a la dent dure, mais dans une aussi jolie bouche on se sent porté à l'indulgence. En même temps, comme je l'ai souligné plus haut, elle ne s'épargne pas non plus. Elle admet qu'elle est "chieuse", déplore sa maladresse chronique. Tout cela dans un rythme frénétique. Elle occupe super bien la scène. Elle a un abattage impressionnant. Elle donne, elle donne. C'est une vraie généreuse.
En conclusion, après un départ un peu brouillon, Karine Ambrosio prend son ryhme (échevelé) de croisière et nous rend un devoir propre et soigné. Du beau travail qui nous laisse épuisé pour elle. Quelle santé !

Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus


Petit Gymnase
38, boulevard Bonne-Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne-Nouvelle

Un spectacle écrit et joué par Paul Dewandre
Mise en scène de Thomas Le Douarec

Le pitch : Ce spectacle est né de la rencontre en 1996 entre Paul Dewandre, universitaire belge, et John Gray, docteur en psychologie américain auteur du best seller Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus. Passionné par les relations humaines, Paul Dewandre devient conférencier et animateur de séminaires. Son thème de prédilection : les rapports hommes-femmes. Il fonde des ateliers "Mars & Vénus" un peu partout à travers le monde, ateliers destinés à tous ceux qui veulent essayer de comprendre et d'améliorer leurs relations avec le sexe opposé... C'est à l'occasion d'une conférence donnée en Avignon en 2004, que Paul Dewandre a l'idée d'écrire un spectacle directement adapté du livre de John Gray. Créé à Bruxelles en novembre 2006, ce spectacle en forme de conférence connaît un succès fulgurant.

Mon avis : Paul Dewandre, quadra débonnaire revêtu d'une blouse blanche de professeur, investit la scène pour y donner "un cours de prévention contre le divorce". La scène est divisée en deux parties : le côté cour, de couleur verte, est attribué à tout ce qui concerne la femme ; le côté jardin, de couleur rouge, est réservé à l'homme. Selon le sexe concerné, le conteur se tient à l'un ou l'autre emplacement... On entre tout de suite dans le vif du sujet. Si l'homme vient de Mars et la femme de Vénus, cela signifie déjà que, n'étant pas issus de la même planète, il est inévitable que chacun considère l'autre comme un extra-terreste. D'où cette incompréhension chronique... Le but de cette conférence est de nous aider à mieux nous connaître afin d'essayer de cohabiter dans les meilleurs conditions. Et Paul Dewandre d'énumérer et d'analyser nos différences...
Tout au long de ce spectacle, la salle ne cesse de réagir. Nous sommes tellement concernés ! Toutes nos habitudes comportementales, nos travers, nos petits manies, nos plus gros défauts rédhibitoires... rien ne nous est épargné. On nage dans le vécu, on barbote dans notre réalité quotidienne, on patauge dans nos problèmes exitentiels. Truffé d'exemples, ce spectacle est complètement prévisible. Il ne met en avant que des évidences, que des situations que nous connaissons tous. Et pourtant nous ne cessons jamais d'en rire, et de bon coeur. C'est là tout le talent de Paul Dewandre. Il fait de nous les témoins de nos propres vies. Appuyé par d'habiles astuces de mise en scène et une bande-son subtile, il nous distille un tas de petits conseils utiles pour établir avec l'autre "une relation vivable". Sincèrement, il y a des leçons à retenir.
Ce spectacle est intelligent, remarquablement écrit, riche en images fortes, et finement interprété. La salle, tellement concernée, est conquise. On en sort radieux, revigoré, bardé de certitudes et plein de bonnes résolutions envers l'autre. Mais pour combien de temps ?
Un spectacle à voir impérativement en couple.

mardi 3 avril 2007

Le prix à payer


Un film de Alexandre Leclère
Avec Christian Clavier, Nathalie Baye, Gérard Lanvin, Géraldine Pailhas, Patrick Chesnais...
Sortie : 4 avril 2007

L'histoire : Jean-Pierre Ménard (Christian Clavier) est un riche - très riche même - homme d'affaires. Il occupe un somptueux appartement avec sa femme, Odile (Nathalie Baye), et leur fille de 16 ans. Seulement, il y a une ombre à ce tableau idyliqque : madame et monsieur Ménard font chambre à part et Odile ne se sent plus concernée depuis belle lurette par l'accopmplissement du devoir conjugal. Fort marri, Jean-Pierre s'en plaint à son chauffeur, Richard (Gérard Lanvin). Or, il s'avère que celui n'est pas très satisfait non plus dans ce domaine depuis que sa compagne, Caroline (Géraldine Pailhas) s'est entichée de devenir écrivain. Et comme elle n'a d'inspiration que la nuit, notre pauvre Richard fait également tintin sur le plan affectif...
Très remonté après les femmes, Richard suggère à son patron de carrément couper les vivres à son épouse. Ce conseil trouve un écho immédiat. Une nuit, Jean-Pierre subtilise la carte de crédit d'Odile et, quand elle s'en aperçoit, il lui rétorque : "Pas de cul, pas de fric !"...

Mon avis : Il est certain que le postulat de ce film est un peu gros. Mais quand on a décidé de l'accepter, on rentre assez facilement dans cette farce douce-amère interprétée par quatre poids lourds de notre cinéma. Ce film vaut d'ailleurs surtout par la façon dont ils appréhendent des personnages a priori aussi peu crédibles.
Clavier se fait remarquer par un jeu tout en sobriété. Il est souvent réellement touchant ; preuve qu'il est capable de faire passer des sentiments et des émotions sans un grand renfort de gestes excessifs et de cris d'orfraie... Nathalie Baye continue, film après film, à nous surprendre et à nous enchanter par l'étendue de sa palette. Même si, parfois, dans certaines situations, on a l'impression qu'elle se la joue en touriste... Gérard Lanvin est comme un poisson dans l'eau avec ce type plus premier degré que primaire. Il possède les plus grands défauts que l'on déplore chez les machos tout en réussissant à faire passer sa souffrance d'homme amoureux. De le voir ainsi exprimer sa fragilité va beaucoup plaire aux dames... Géraldine Pailhas est convaincante dans son entêtement à se croire écrivain. Elle est elle aussi en souffrance. C'est un joli personnage romantique, une rêveuse pas du tout en prise avec la réalité...
Si le genre existait, Le prix à payer, est un film de boulevard. Il en a les qualités et les défauts. Les défauts ? Une tendance à forcer le trait et à surjouer des situations difficilements crédibles. Les qualités ? On se laisse prendre au jeu, on rit beaucoup et sans honte, les personnages restent tout le temps attachants et on se demande comment nos deux mâles dominants vont se sortir du guêpier inextricable dans lequel ils se sont fourrés.
Bref, ce ne sera pas le succès de l'année, mais ce film mérite de marcher ne serait-ce que parce qu'il possède une vertu positive, celle de nous détendre.

samedi 31 mars 2007

Rutabaga Swing


Comédie des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
Tel : 01 53 23 99 19
Métro : Alma-Marceau

Une pièce de Didier Schwartz
Mise en scène de Philippe Ogouz
Avec : Bruno Abraham-Kremer ou Philippe Ogouz (Bernard), Emmanuel Curtil (Philippe), François Feroleto (Hans), Jacques Haurogné (Claude), Jacques Herlin (Durieux), Amala Landré (Marie), Marion Posta (Suzy). Et Ezéquiel Spucches au piano.

L'histoire : 1942. En dépit de la guerre et de l'Occupation, la vie continue tant bien que mal. Chez madame Barray, le café du village, une petite troupe d'artistes amateurs se réunit même régulièrement pour répéter un spectacle... Il y a là Philippe, le petit-fils de la patronne, qui tient l'estaminet à la place de sa grand-mère alitée à l'étage ; Marie, la jeune serveuse fraîchement engagée ; Claude, le facteur gentiment idéaliste qui ne jure que par De Gaulle et qui rêve d'entrer dans la Résistance ; Bernard, le bibliothécaire fidèle aux idées du Maréchal Pétain ; et mademoiselle Suzy, la frivole coiffeuse au franc-parler décoiffant... Tout ce petit monde danse, chante et vit, s'aime et se chamaille dans une franche camaraderie.
Quand l'histoire commence, un jeune lieutenant de la Wehrmacht, vient prendre possession d'une chambre réquisitionnée par l'armée allemande. Il est traducteur, il aime la culture française, et tient à ce qu'on ne le considère pas comme un Nazi. L'ex-pensionnaire de la chambre qui lui est réservée vient d'être arrêté avec d'autres otages en représailles d'un attentat. Il va être fusillé le soir-même. Or, ayant réussi à s'échapper du camion qui l'emmenait vers le lieu de son exécution, il rentre subrepticement pour réintégrer sa chambre...

Mon avis : Petit problème avec le titre car cette pièce contient beaucoup plus de rutabaga que de swing ! Hormis la toute première chanson, tonique et enlevée, et une autre gentiment jazzy, ce sont surtout de jolies romances qui nous sont proposées. C'est un peu dommage car cette troupe possède de l'allant et de l'entrain.
Après cette simple réticence qui n'enlève rien à la qualité su spectacle présenté, Rutabaga Swing est une pièce qui, en marge de son parti-pris de nous distraire, nous donne beaucoup à réfléchir. On y traite en effet de sujets graves, très graves, et on y rit énormément. Ponctuée de documents radio de l'époque, elle nous distille quelques vérités historiques dérangeantes. Cette pièce est un concentré de ce que la nature humaine peut engendrer de beau et de laid. Entre bassesses, trahisons, frilosité et grandeur d'âme, courage et solidarité, c'est toute la palette de ce qu'ont été la plupart des comportements en temps de guerre. Il faut l'avoir vécu pour juger. Et encore...
Le casting est parfait. Les personnages féminins sont attachants. Marie, la serveuse, est touchante de discrétion, de gentillesse et de dignité. Suzy, la coiffeuse qui ne s'embarrasse pas de principes, est pétulante et sympathique. Claude, le facteur, candide et attendrissant, fait un numéro qui nous rappelle son collègue du Jour de fête de Tati. Hans, l'officier allemand qui-n'a-pas-le-beau-rôle, nous fait vite partager les affres que représente pour lui le fait d'être l'occupant et d'avoir pouvoir de vie et de mort sur des gens auxquels il s'est attaché. A travers son regard lucide, il met le souvent le doigt là où c'est sensible. Et il y a monsieur Bernard. Quelle présence ! La séquence où il est travesti en madame Barray est un fantastique morceau de bravoure.
En conclusion, même si on peut déplorer quelques longueurs (particulièrement deux scènes avec Hans et dans le choix de chansons lentes), Rutabaga Swing est une pièce fine et intelligente. Sans vouloir nous donner de leçon, elle nous met face à un miroir qui reflète un vrai condensé du genre humain. La troupe quant à elle est irréprochable. Les personnages nous ressemblent tant qu'on ne peut que se remémorer la célèbre réflexion de Jacques Prévert : "Quelle connerie la guerre !"