jeudi 8 mars 2007

Jean-Luc Lemoine... au naturel


Théâtre Le Temple
18, rue du Faubourg-du-Temple 75011 Paris
Tel : 01 43 38 23 26
Métro : République

Jean-Luc Lemoine, c'est le prince vachard... mant ! Tout de noir vêtu, il ne faut pas se fier à sa façon débonnaire d'arpenter la scène du théâtre du Temple. L'oeil qui frise, il nous entraîne dans son univers à la fois proche et décalé. Sa recette est simple ; mais redoutablement efficace. Il s'appuie sur des exemples concrets, des petits faits banals de la vie quotidienne et, petit à petit, il les déformme, les amplifie, les distord et en arrive à des situations surréalistes qui nous font hurler de rire.
Jean-Luc Lemoine n'est pas niais de la dernière pluie. Il a son style bien a lui, très personnel. Son cocktail - très alcoolisé - est composé de 30 % d'humour noir, 20 % d'impertinence, 20 % de faux-culitude (merci Ségolène de nous avoir ouvert cette brèche sémantique), 15 % de (pseudo) misogynie, et 15 % de grivoiserie. Il est fin, possède un sens aiguisé de l'observation et, surtout, il a l'art de nous faire rire avec des évidences. Il y en a des idées dans son spectacles ! la bonne dizaine de sketches qu'il nous livre est d'un très bon niveau. Et, en prime, ce qui ne gâche rien, il révèle tout au long de son spectacle de formidables dons de comédien.
Après une entrée de rock star digne de Johnny Hallyday au Stade de France, il fait immédiatement retomber le soufflé en invitant une spectatrice sur scène pour la titiller avec un questionnaire très mauvais esprit. D'un ton sûr (signe distinctif d'un Lemoine) il l'accâble de sa curiosité perverse. Ce soir-là, la jeune femme, répondant au prénom de Nina, s'est montrée particulièrement joueuse et dotée d'un joli sens de la répartie. Il est important pour ce prédateur de spectatrices de bien choisir sa proie. Mais le fameux questionnaire est suffisamment tordu pour ne pas être tributaire de la prestation de la victime.
Dès le premier vrai sketch, l'histoire d'un premier rendez-vous galant, on retrouve le Jean-Luc Lemoine que l'on attend : hypocrite, perfide, gaulois. Un régal de duplicité... Dans le deuxième, de son scalpel trempé dans le curare, il dissèque le pire de la chanson française des années 80 dans une savoureuse analyse de textes... Ensuite, il nous explique ce nouveau phénomène de société que sont les métro-sexuels. Il ne nous sort que des évidences, mais elles font toutes mouche. De toute façon, avec lui, chacun des deux-trois sexes existant en prend équitablement pour son grade... Après quoi, il se lance dans une allégorie dévastatrice sur les instituts de beauté d'une part, et "la qualité... presque " des magasins Leader Price d'autre part. Là, ça balance grave... Dans le cinquième sketch, il utilise avec énormément de brio le phénomène classique de la situation inversée, ici un coming out : il annonce son hétérosexualité à ses parents effondrés !... Puis il s'amuse au jeu des "et si". Et si la vie c'était comme au ciné ? Un sketch qui lui permet de parler des arnaques et de se pencher avec une grande autodérision sur son statut de "vedette de la télé". C'est absolument savoureux... L'antépénultième sketch le conduit à se livrer à un grand numéro d'acteur. Son personnage, quasiment normal au départ, se métamorphose peu à peu en un inquiétant psychopathe au fur et à mesure que sa libido le travaille de plus en plus. C'est remarquable... Facile pour lui d'enchaîner dès lors dans le registre de l'humour noir et grinçant : comment supporter son enfant quand il est très moche ; ça fait frémir, c'est dur à entendre, mais c'est tellement vrai. On ne peut pas lui jeter le premier Pierre, surtout s'il est particulièrement hideux... Et il termine en apothéose en nous narrant sa cohabitation avec son chien. Le mot "cohabiter" y prend toute sa saveur quand on apprend que son molosse a le détestable travers de vouloir assister à ses débats amoureux. On vous laisse imaginer les situations que cette présence aussi animale qu'affectueuse peut entraîner... Quant au rappel, c'est un subtil exercice de style sur des questions auxquelles on ne peut pas vraiment répondre. Des pourquoi qui nous laissent coi.
En résumé, Jean-Luc Lemoine commence à prendre une place prépondérante dans le peloton de tête de nos meilleurs humoristes. Excellent dans le one-man show, il ne faut pas oublier qu'il est l'auteur de deux pièces délicieusement hilarantes, Le sens du ludique et Amour et chipolatas. Il n'est jamais gratuitement méchant. Il est aussi à l'aise dans un humour noir, impertinent et parfois absurde qu'on pourrait qualifier de "british" que dans une propension réjouissante à la gaudriole qu'on pourrait estimer "franchouillarde". Un garçon à suivre...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

beaucoup appris