jeudi 2 décembre 2010

Les 39 Marches


Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
Tel : 01 48 74 76 99
Métro : Saint-Georges

D’après John Buchan et Alfred Hitchcock
Adaptation de Patrick Barlow
Adaptation française de Gérald Sibleyras
Mise en scène par Eric Métayer
Avec Eric Métayer, Jean-Philippe Bêche, Christophe Laubion, Herrade Von Meier

Ma note : 9/10

L’histoire : Londres, août 1935. Richard Hann, un dandy canadien oisif, voit sa tranquillité bouleversée par l’irruption d’une certaine Mrs Smith, une jeune femme à l’accent allemand prononcé qui se présente comme agent secret et qui se dit poursuivie par des tueurs. Effectivement, elle se fait assassiner dans le salon de son hôte involontaire. Dans sa main, elle tient un papier sur lequel est notée l’adresse du chef d’un réseau d’espionnage mystérieusement baptisé « Les 39 Marches »… Suspecté du meurtre de Mrs Smith, pris en chasse par la police, Richard Hann décide de se rendre en Ecosse pour essayer de démasquer le sinistre individu…

Mon avis : Alors là, l’ascension de ces 39 Marches m’a emmené directement au nirvana de la drôlerie. Très vite, on se détache d’une intrigue qui ne devient que secondaire pour ne goûter que la mise en scène, les rebondissements et les trouvailles toutes plus extravagantes et inventives les unes que les autres. Les quatre comédiens se livrent à une incroyable performance. Imaginez qu’à trois, ils interprètent plus d’une centaine de personnages en tous genres. C’est aussi jouissif qu’hallucinant. C’est une avalanche de gags ininterrompue et tout cela est joué avec le plus grand sérieux ; ce qui rend le décalage et l’impact encore plus efficaces.

Cette adaptation signée Gérald Sibleyras et cette mise en scène fignolée par Eric Métayer, c’est Alfred Hitchcock qui aurait rencontré les Monty Pythons. Tout y est : le burlesque, le non sens, les gags visuels, les anachronismes, les apartés, les clins d’œil, les cascades… On est fasciné par autant d’ingéniosité. En plus, on n’a pas lésiné sur les moyens. Cette pièce s’est offert tous les ingrédients d’une super production. Bonjour les effets spéciaux ! Imaginez plutôt : on retrouve sur scène un train, un quai de gare en pleine effervescence, deux avions, une voiture, un torrent, une chute d’eau, des marécages, un groupe folklorique écossais, des bourrasques d’air… Et j’en passe. On n’a pas lésiné sur les moyens. Il y a aussi tout un bestiaire remarquablement dressé : une poule, différents volatiles, un chat facétieux, un chien… Et il y a même des scènes tournées en ralenti… C’est énorme ! (comme dirait Luchini).

La prestation des comédiens est proprement époustouflante. Christophe Laubion, qui est le seul à ne jouer qu’un personnage, celui du dandy canadien Richard Hann, nous distille tout au long de la pièce un jeu très british. Il possède l’élégance, la moustache et l’humour distancié d’un David Niven et les comportements loufoques d’un Peter Sellers. Il ne se départ jamais de son flegme… Herrade Von Meier campe quatre personnages de femmes très différents et elle apporte à chaque une réelle identité. Tout en réussissant à toujours rester séduisante et sexy, elle ne recule devant aucune des facéties que lui impose la mise en scène. Elle s’en donne à cœur et à corps joie… Jean-Philippe Bêche et Eric Métayer se partagent à eux deux tous les autres personnages. Ils ne s’emmêlent jamais les crayons et nous savons toujours qui est qui. Rien qu’en changeant de couvre-chef, on sait qu’on a affaire à un bobby (le casque), à un vendeur de journaux (la casquette) ou à un voyageur (le chapeau melon). C’est du dessin animé, tout aussi accéléré, mais à dimension humaine. Une fois de plus, Eric Métayer nous confirme qu’il est un caméléon survolté et blagueur. Son énergie et sa science du geste sont ahurissantes. On dirait qu’il est plusieurs. Et on voit qu’il y prend plaisir. Cet homme est un (gentil) fou de génie et sa mise en scène est un modèle du genre. Il faudrait assister plusieurs fois au spectacle pour en saisir tout le sel, toutes les astuces, toutes les trouvailles. Ça va parfois trop vite. Et quand ils s’y mettre à quatre, alors on ne sait plus où donner de la tête…

Il y avait quelques enfants et jeunes ados dans la salle et entendre jaillir spontanément leurs éclats de rires frais et joyeux ajoutait encore à notre réjouissance à nous. De toute façon, devant un tel feu d’artifices, il n’y a plus d’adultes. Nous avons tous dix ans et nous jouons au film d’espionnage. Sir Alfred Hithcock qui, fidèle à la tradition, fait une brève apparition sur scène comme dans ses films, aurait adoré cette parodie totalement déjantée mais admirablement maîtrisée.

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