jeudi 17 septembre 2015

Christophe Alévêque "ça ira mieux demain"

Théâtre du Rond-Point
2bis, avenue Franklin-Roosevelt
75008 Paris
Tel : 01 44 95 98 21
Métro : Franklin-Roosevelt / Champs-Elysées Clémenceau

Ecrit et interprété par Christophe Alévêque
Mis en scène par Philippe Sohier
En collaboration avec Thierry Falvisaner
Lumières de Jérôme Pérez Lopez
Avec Francky Mermillod à la guitare et à la régie générale

Présentation : Christophe Alévêque se fait Don Quichotte et s’attaque à tous les sujets d’actualité. Il les lamine dans une revue de presse actualisée chaque jour. Il part en campagne et s’en prend à l’éducation, aux adolescents, à la crise, à l’opposition, au gouvernement, aux pluies abusives, au réchauffement et à la mal-bouffe…

Mon avis : Christophe Alévêque aborde la grande scène du Rond-Point l’esprit en vrac et le corps en frac. L’esprit en vrac, ça se comprend, avec tout ce qui va mal en ce bas monde et toutes les horreurs que nous avons vécues et vivons quotidiennement. Alors, comme il est un fervent adepte de la politesse du désespoir, il a choisi de se montrer dans ses plus beaux atours. Cela, pour deux raisons : la première est un besoin d’élégance face à la morosité ambiante et la seconde parce que c’est la tenue d’un concertiste. En effet, pour la première fois, l’humoriste va s’accompagner lui-même au piano. Et joliment bien ! Dans cet exercice musical, il reçoit plusieurs fois le renfort de son complice, le désopilant guitariste Francky.

Pour le suivre et l’apprécier depuis le début des années 90, je peux affirmer en toute honnêteté que ce spectacle est le plus abouti depuis qu’il a cessé de camper des personnages à sketchs pour passer à des prestations qui s’apparentent plus au stand-up. Ce qui se dégage le plus de Ça ira mieux demain, c’est que par rapport aux précédents, il est très, très écrit. Christophe Alévêque se permet parfois d’énoncer des jugements et pensées dignes d’un philosophe au terme desquels on entend la salle se pâmer d’aise. A côté de ça, il se montre toujours aussi percutant avec ce qui constitue son fonds de commerce, à savoir les formules qui tuent, les analyses imparables, les saillies imagées, les métaphores osées, les comparaisons audacieuses…


Or donc, le temps de ce spectacle, Christophe Alévêque jette sa cape de Super Rebelle aux orties (normal, il aime bien quand ça pique !) pour endosser mentalement l’armure de Don Quichotte. Pour une fois, on va entendre dans sa bouche des mots inhabituels comme « rêve » et « consensus ». Les moulins qu’il va combattre, il va tenter de les attaquer moins frontalement. Le problème, c’est qu’il lui est pratiquement impossible de se montrer consensuel. Nous allons donc assister en direct à une lutte interne entre son désir d’apaisement et sa propension viscérale à l’indignation et à la dénonciation. Ce Don Quichotte là a le sang chaud et, en dépit de sa bonne volonté proclamée, son naturel va revenir au galop de Rossinante. Pour notre plus grand plaisir. Il faut le voir arpenter la scène avec une attitude qui n’appartient qu’à lui : timbre de voix aux intonations modulées (j’adore ses gloussements), déplacements et gestuelle désordonnés, silences éloquents, regards appuyés…
Dans ce spectacle, Christophe Alévêque balaie large. Mais lui, quand il balaie, il ne glisse pas la poussière sous le tapis, au contraire. Il nous la balance en pleine figure. Et ça nous fait tousser ou nous étrangler… de rire. D’autant plus qu’il se débarrasse de sacrés moutons dont les plus résistants ont pour nom : les jeunes, la télévision, les forums sur Internet, la manif’ pour tous, les musulmans, les migrants… C’est aussi brillant qu’implacable. Tout simplement parce qu’il y a du fond.


Comme il en a désormais pris l’habitude, il incorpore des chansons dans ses spectacles. Mais, cette fois-ci, le Bourguignon ne fait pas le bœuf comme précédemment. Seul au piano, il nous offre trois grands moments en interprétant trois énormes titres que je ne vous révélerai pas. Sachez seulement que c’est du lourd, du très lourd, que la salle, subjuguée, les reçoit dans un silence quasi religieux avant que d’exploser spontanément en applaudissements enthousiastes.

Ça ira mieux demain ??? Méthode Coué pour essayer de s’en convaincre et de nous rassurer ou réel optimisme ? Comme il n’est pas vraiment du genre béat, je pencherais plutôt pour la première hypothèse. Christophe Alévêque n’est dupe de rien. Pourtant, tout au long de son spectacle il va s’évertuer à essayer de nous prouver que l’on peut faire pousser une jolie fleur sur un tas de fumier.
En conclusion, Christophe Alévêque est toujours, quoi qu’il en dise, aussi « Rebelle », mais il est de plus en plus « Super ».


Gilbert « Critikator » Jouin

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