jeudi 15 décembre 2016

Bruno Salomone "Euphorique..."

Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Seul en scène écrit par Bruno Salomone avec la participation de Gabor Rassov
Mis en scène par Gabor Rassov avec la participation de Bruno Salomone
Lumières d’Orazio Trotta
Musiques de Guillaume et Benjamin Farley

Présentation : Imaginez-vous rire de tout, tout le temps, en permanence, même en cas de coup dur. A priori cela ressemble à une vie idéale… a priori. Vu à la fois comme un monstre, un messie, une star, un cobaye de laboratoire, un cadeau, une plaie, un punching-ball, un demeuré, un homme idéal…
Voici l’histoire de Golri, l’enfant né en riant !...

Mon avis : Quelle magistrale idée que d’avoir créé de toute pièce un personnage et de narrer les péripéties qui ont émaillé son existence depuis sa naissance (et même un peu avant), jusqu’à l’âge adulte !

La salle du Petit Montparnasse est archi comble lorsque Bruno Salomone, vêtu façon grand siècle, toute lavallière dehors, vient, avec une grande solennité, nous présenter le thème de son spectacle. Une fois ces propos liminaires tenus, il se sépare de sa tenue cérémoniale et de son rôle de Monsieur Loyal pour nous apparaître plus simplement en pantalon et chemise noirs. Dès lors, il ne s’appartient plus car il va se lancer dans l’histoire aussi étourdissante qu’extravagante de Golri.
Qui est Golri ?
Golri est un enfant qui a la particularité unique d’être né en riant… Tout se suite, on le visualise le bambin. Déjà rien qu’en imaginant sa bouille hilare en permanence, on en rit nous même… Alors, imaginez notre attitude quand Bruno Salomone se met à incarner tous les protagonistes de cette épopée « golriesque ».


Euphorique est un conte picaresque sorti d’un cerveau délirant. Devant nous, l’artiste va faire défiler les principaux personnages qui vont croiser la route de l’enfant-qui-rit. Il nous raconte un feuilleton cartoonesque qui fait appel à toute la palette de l’humour : gestuelle, grimaces, timbres de voix différents, accents, mime, bruitages, apartés, ruptures de rythme… et je dois en oublier.
Bruno Salomone se livre à une incroyable prestation, à une sidérante performance d’acteur. Chacun de ses personnages a une personnalité propre. Dès les premiers mots, dès la première posture, on sait à qui on a à faire. Un quarantaine d’individus de toute condition, de tous les âges, de tous les sexes, défilent ainsi devant nous sans aucun temps mort. Leur point commun, c’est d’être tous particulièrement hauts en couleurs. Ce sont tous des caractères.


Véritable chanson de geste(s), l’itinéraire de cet enfant pas gâté qu’est Golri est remarquablement construit. C’est une histoire qui se tient ; avec un début et une fin, des rebondissements, des flashbacks.
Si bien que, au-delà de la performance, Euphorique peut se recevoir de multiples façons car il contient plusieurs niveaux de lecture. A travers les nombreux personnages, c’est toute une société qui se dessine, avec ses codes, ses mentalités, ses castes, ses tares et ses qualités. Personnellement, j’y ai vu aussi une espèce de parabole sur la différence et sur le handicap. Golri n’est pas comme nous. Il est comme personne. Un gamin qui rit tout le temps, même quand il se brûle, ça nous amuse d’abord puis, petit à petit, il commence à nous agacer, à nous inquiéter pour, enfin, carrément nous déranger jusqu’à en devenir golriphobe. Un paradoxe ! C’est en effet ainsi que l’on traite pratiquement ceux qui ne sont pas comme nous. Franchement, ce phénomène de rejet, traité subtilement en filigrane, apporte une valeur ajoutée à ce spectacle. On pense à L’Homme qui rit de Victor Hugo, ou à Au nom de la rose d’Umberto Eco et sa métaphore autour ru rire.

Un spectacle qui reste d’abord et avant tout un fantastique moment d’humour. Bruno Salomone est protéiforme, c’est un multi-instrumentiste de l’humour. Il sait absolument tout faire… et même plus ! Une fois embarqué sur le scenic railway de son récit, on ne pense plus à rien d’autre pendant une heure et demie. La richesse de jeu du comédien n’a d’égale que la qualité d’écriture du spectacle. Quelle inventivité !
A la fin du show, au vu de la large banane qu’ils affichaient, tous les spectateurs s’étaient métamorphosés en Golri…

Gilbert « Critikator » Jouin

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