mardi 19 juin 2018

Eddy Mitchell "La même tribu" (volume 2)


Polydor / Universal Music France

S’il est plutôt de coutume de respecter l’adage par lequel « on ne change pas une équipe qui gagne », Eddy Mitchell, lui, préfère conserver un concept qui gagne (1er opus certifié platine avec plus de 100.000 exemplaires vendus) en renouvelant quasi totalement l’équipe des artistes qui viennent s’associer à lui le temps d’un duo.

Elle est large la tribu mitchellienne ! On en connaissait certes le premier cercle, composé en priorité de ses deux « vieilles canailles », Johnny-le-frère et Jacques Dutronc, l’ami de longue date, mais aussi de sa fille aînée, Maryline, et de quelques collègues-potes historiques comme Alain Souchon, Renaud, Julien Clerc ou Christophe. Puis sont venus s’agréger en cercles concentriques des artistes qu’Eddy apprécie tout particulièrement à la fois pour leur voix et pour leur état d’esprit. Eddy n’est pas un nostalgique, il est aussi à l’affût des talents émergents. D’où ce brassage intelligent dans les deux volets de La Même tribu.

Un seul artiste a le privilège de figurer sur les deux albums : Arno. Il est la seule exception… Eddy affectionne tout particulièrement les personnages qui, comme Arno, ont un grain. Un grain de voix hors du commun et un grain de folie. Avec le « Tom Waits » belge, il est comblé !


Pour ce deuxième album, Eddy Mitchell a fait appel à quelques camarades de la vieille garde qui, par faute de place ou d’emplois du temps, n’avaient pas figuré dans le premier : Maxime Le Forestier, Laurent Voulzy, William Sheller, Michel Jonasz et, bien sûr, Véronique Sanson ; Véro qui, ne l’oublions pas, à fait partie de la toute première édition de la tournée des Enfoirés aux côtés d’Eddy, Johnny, Sardou et Godman. Les after-shows avaient été paraît-il mémorables !... Il a également « convoqué » quelques valeurs sûres de la génération intermédiaire, Calogero, Pascal Obispo, Féfé, Laurent Gerra, Thomas Dutronc, plus une des grandes révélations 2017-18, Juliette Armanet,
On retrouve également au générique de ce volume 2, Helena Noguerra et, plus étonnement, la comédienne Cécile de France. Enfin, comme dans le précédent où Eddy avait invité une Guest star américaine en la personne du regretté Charles Bradley, disparu en septembre 2017, il a convié cette fois Gregory Porter, un chanteur californien de soul et de jazz vocal.
Voici donc les quinze nouveaux membres du clan.

A l’instar du précédent album, la qualité est au rendez-vous. On en remarque d’abord une constante : le superbe travail sur les arrangements. Aucun titre ne possède la même couleur. Sur certains, c’est le piano qui est mis en évidence, sur d’autres c’est la guitare, ou bien les cuivres qui sortent du lot quand ce ne sont pas les cordes. Des trilles d’harmonica par ci (Charlie McCoy, s’il vous plaît), le son si spécifique d’une pedal steel guitar par là, de la flûte… Bref, ce sont plus de cinquante musiciens, parmi ce qui se fait de mieux en France et aux Etats-Unis, qui ont prêté leur concours à la réalisation musicale de cet album. Sur le plan acoustique, c’est une merveille absolue et je vous conseille vivement de l’écouter au casque pour en goûter toute la richesse et toutes les subtilités.


Avec un accompagnement de ce niveau, la tâche pour les chanteurs et chanteuses est tout de même bigrement simplifiée. Facile d’entrer dans un tel costume. Pour parodier le texte d’une chanson d’Eddy de 1971 qui figure sur ce CD, on peut proclamer qu’avec de telles chansons, « c’est facile d’être amoureux tout le temps » et, qu’avec de tels partenaires, « c’est facile avec eux de faire des enfants »… En plus, Eddy est très malin. Il n’a pas distribué ses duos par tirage au sort. Il a visiblement ciblé ses complices d’un tour de chant. Par exemple, pour cette chanson éminemment sociétale qu’est Il ne rentre pas ce soir, il a choisi un grand auteur à textes, Maxime Le Forestier. Pour raconter La dernière séance, qui mieux qu’une actrice, Cécile de France, pouvait l’interpréter en y apportant toute sa sensibilité parce que concernée par le sujet ? Et il ne pouvait trouver meilleur complice pour Je chante pour ceux qui ont le blues que le créateur de Du blues, du blues, du blues, Michel Jonasz. Enfin, quelle bonne idée que de confier à Laurent Gerra quelques imitations de son cru pour C’est la vie mon chéri… Ces choix ne sont pas anodins.

En revanche, il est bien plus difficile de déterminer un ordre préférentiel, de dire quels sont les duos que l’on place en haut de notre hit-parade personnel.
Voici néanmoins mes six tandems préférés :
-          That’s How I Got To Memphis, avec Gregory Porter
-          Couleur menthe à l’eau avec Juliette Armanet
-          Pas de boogie-woogie avec Calogero
-          Rio Grande avec Laurent Voulzy
-          Vieille Canaille avec Féfé
-          Le Cimetière des éléphants avec Véronique Sanson
Mais j’ai franchement presque tout aimé. Encore une fois, je me suis régalé. Quelle beau concept !


Je terminerai en mettant en exergue la formidable présence d’Eddy Mitchell. Il s’amuse comme jamais. Il se balade d’un titre à l’autre avec un plaisir non dissimulé. On le perçoit dans sa façon de chanter. Tout en maîtrise, il joue avec sa voix, intervient entre les lignes, se livre à quelques scats ou onomatopées. Libre, parfaitement détendu, paternel et fraternel, il est le grand manitou de cette joyeuse Tribu, son véritable patriarche… On n’a plus qu’à espérer un troisième volume. Il reste encore quelques pointures ou quelques jeunes pousses avec lesquelles il ferait bon revisiter le superbe répertoire (l’œuvre ?) d’Eddy Mitchell.




Aucun commentaire: