samedi 30 mai 2015

Les Insolents aux Variétés

Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards

Ce soir, samedi 30 mai, à 20 h 30

Plateau d’humoristes
Mis en scène par Papy
Présenté par Bruno Hausler
Avec Pierre-Emmanuel Barré, Nicole Ferroni, Cécile Groussard, Aymeric Lompret, Antoine Schoumsky
Et, ce soir : Blanche et Dédo

Présentation : Une bande de délinquants scéniques et humoristiques réunis pour deux soirs sur la scène du théâtre des Variétés. Du trash à l’absurde, du stand-up aux personnages bien taillés, du décalage corrosif à l’humour noir. Histoire de bien mettre les points sur les « i » de l’incorrection, de l’insolence, de l’impertinence et de l’irrévérence. Un plateau varié aux Variétés avec huit représentants de l’humour d’aujourd’hui pour déranger intelligemment et provoquer… un rire salvateur.

Mon avis : En fait, tout est dit dans la présentation. Il n’y a strictement rien à ajouter car ce propos liminaire n’a rien de la publicité mensongère. On retrouve en effet tout ce qui y est annoncé au niveau de la thématique. Finalement, le fond étant largement traité, voire maltraité, il ne reste plus qu’à parler de la forme, c'est-à-dire des artistes et de leurs personnalités.

Personnellement, je tiens Antoine Schoumsky pour une des tout meilleurs et des plus originaux humoristes actuels. Son personnage de taulard, inquiétant et dérangeant à souhait, est à hurler de rire. Super comédien et doté d’un corps en caoutchouc, il nous livre une description de l’univers carcéral particulièrement haute en couleurs. Il est cash (comme cachot) et trashy-comique. Son texte, à l’image de son jeu et de sa gestuelle, est affûté comme un scalpel. Bref, il assume totalement son surnom de « Schoumsky-zophrène »…


Pierre-Emmanuel Barré lui, n’a pas besoin de surnom car, « barré », il l’est complètement. On a l’impression d’avoir devant nous un type incontrôlable, y compris pas lui-même. Son texte ressemble à de l’impro, ses fulgurances et ses réflexions à haute voix semblent jaillir de lui comme de brefs geysers très chargés en acidité corrosive. Il se fout complètement de sa belle gueule et de son physique plus qu’avantageux. Ce qui compte pour lui, c’est d’asséner des vérités qui sont, uniquement pour lui seul, bonnes à médire. C’est drôle, intelligent, et terriblement dévastateur…

On ne présente plus Nicole Ferroni. Elle est une des cheftaines de file d’une jolie brochette de filles totalement déjantées et désinhibées. Les personnages qu’elle crée semblent tout droit sortis d’une espèce de galerie des horreurs où la bêtise et la naïveté fleurissent. Elle ne s’accorde aucune limite, aucun tabou. Son débit et son énergie sont hallucinants. C’est un personnage de Tex Avery revu et corrigé par Hara Kiri. Cette fille m’éclate.

Aymeric Lompret, je l’avais repéré et apprécié dans « On n’ demande qu’à en rire ». Sa façon d’être, sa diction, l’intelligence de ses propos, sa philosophie, son réalisme sombre et même ses silences m’enchantaient. Il possède un univers qui n’appartient qu’à lui. On devine qu’il en a encore beaucoup sur la semelle, car on le subodore tenaillé par des doutes. Il est encore un peu vert, mais son potentiel est énorme. C’est un garçon à suivre.

Quant à Céline Groussard, ovni virevoltant et babillant, je n’ai absolument rien compris de sa prestation. Mais ses gestes désaccordés, ses propos incohérents et son personnage improbable, m’ont vraiment amusé. Elle existe. Elle a un look, un physique, une vraie liberté d’action. On sent qu’il y a quelque chose à exploiter de cette petite jeune femme hilare et décomplexée.


Ce soir, en lieu et place de Nicole Ferroni et Céline Groussard, ce sont Blanche et Dédo qui s’y collent.

lundi 18 mai 2015

Phil Barney "Au fil de l'eau"

Keeba Music Productions / Fiver Productions


 J’ai toujours aimé la voix de Phil Barney, ce léger voile et cette douceur qui lui sont propres et qui permettent de l’identifier immédiatement. Et puis, j’apprécie également l’homme… Sa culture musicale, ses premières influences, elles viennent de la musique funk, du rhythm’n’blues puis du rap. Musicien autodidacte, touche-à-tout (programmateur radio, DJ, animateur à la télé, et même acteur), il a connu de multiples collaborations avant de se lancer dans une carrière solo. Il a déjà 30 ans quand il connaît son premier grand succès, et quel succès ! Il s’agit en effet de Un enfant de toi, dont il vendra 1,5 millions d’exemplaires en quinze ans.

Phil Barney n’est pas un artiste très prolifique. En une trentaine d’années, il n’a sorti que sept albums. C’est donc avec beaucoup de curiosité que je me suis penché sur son septième opus, Au fil de l’eau (Au Phil de l’eau ?)…
Phil est un artisan, un confectionneur de chansons. Il aborde et évoque des thèmes simples et universels. Ses sujets de prédilection sont l’amour (sous toutes ses formes, les rêves et le voyage. Il se dégage toujours de lui une profonde humanité avec, assez souvent, une touche de mélancolie.
Cet album est remarquablement réalisé. Il offre une palette infiniment riche en couleurs rythmiques avec une utilisation subtile d’instruments additionnels qui apportent à chaque titre son empreinte musicale… Sur le plan de l’écriture, il utilise des mots de tous les jours, des mots qui sonnent bien à l’oreille, tout en jouant avec les allitérations et en l’agrémentant de jolies images.


Arrangements soignés, voix veloutée et textes travaillés, cela donne un album efficace et varié.
Ma chanson préférée, c’est celle qui a donné son titre à l’album, Au fil de l’eau. D’abord parce que c’est un reggae (superbes chœurs), puis pour ce qu’elle raconte et le message qu’elle contient. C’est l’histoire de l’enfant qui grandit, qui va prendre son envol et sa destinée en main. C’est le moment propice pour transmettre, pour essayer de l’aider en s’appuyant sur sa propre expérience. Belle leçon de vie…
Ensuite, toujours aussi subjectivement, j’aime beaucoup Vivre avec elle, une émouvante et convaincante déclaration d’amour à la musique… J’ai été très sensible à Prenez ma vie, la chanson qui clôt cet album. C’est douloureux, sombrement réaliste, carrément sacrificiel. Le piano est magnifique, solidaire de ce climat poignant. Aux trois-quarts, ce titre devient quasiment symphonique avec des cordes qui viennent discrètement rejoindre le piano. Quelle ambiance et quelle interprétation véritablement habitée.


On n’est plus personne, qui commence par une agréable guitare espagnolisante, évoque l’érosion du temps au sein du couple. C’est bien analysé, bien écrit, bien traduit… Dans nos bras est également parfaitement réussi. C’est un titre qui balance bien, au refrain efficace. C’est une autre déclaration d’amour (peut-être pas partagé), mais à une femme cette fois, qui se distingue par son gros travail sur les sonorités…
Le reggae doux de Tous mes regards, habille joliment cette histoire d’amour exclusif. C’est très agréable à écouter…
Sinon, j’ai bien aimé aussi la voix de tête, la qualité du texte et le côté aérien de Comme un ange ; le message de tolérance de Fleur du désert ; l’ambiance festive, tonique et dansante de Oyé Salsa ; la douce nostalgie des Jours heureux ; la profession de foi humble et sincère de Rien qu’un homme (quelle partie de basse !) ; la tendresse de Princess Jade avec son clin d’œil subtil à Un enfant de toi alors qu’il s’agit là d’adoption.


Au fil de l’eau est un album qui doit s’écouter plusieurs fois pour en saisir la variété et le raffinement des arrangements. Et puis, tout ce que raconte Phil Barney nous va droit au cœur car il ne parle que de thèmes et de situations que nous connaissons, que nous vivons ou que nous pourrions tous être amenés à vivre. C’est de la belle et bonne chanson française.

vendredi 15 mai 2015

Les Faux British

Théâtre Tristan Bernard
64, rue du Rocher
75008 Paris
Tel : 01 45 22 08 40
Métro : Villiers / Saint-Lazare

Une comédie de Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields
Titre original : The play that goes wrong
Adaptation de Gwen Aduh et Miren Pradier
Mise en scène de Gwen Aduh
Décor de Michel Mugnier
Costumes d’Aurélie de Cazanove
Lumières de Claude Couffin
Musique de Gabriel Levasseur
Avec Aurélie de Cazanove (l’accessoiriste), Jean-Marie Lecoq (L’inspecteur Carter), Miren Pradier (Florence Colleymore), Nikko Dogz (Perkins, le majordome), Yann de Monterno (Thomas Colleymore), Michel Scotto di Carlo ou Henri Costa (Elmer Haversham), Gwen Aduh (Charles Haversham)

Présentation : Imaginez sept amateurs de roman noir anglais qui décident de créer un spectacle alors qu’ils ne sont jamais montés sur scène ! Ils ont choisi une pièce inédite, un véritable chef d’œuvre écrit par Conan Doyle lui-même, enfin c’est ce qu’ils prétendent !... L’action se situe à la fin du 19ème siècle, dans un superbe manoir, lors d’une soirée de fiançailles, en plein cœur de l’Angleterre. Les festivités vont enfin commencer quand un meurtre est commis. Chacun des invités présents dans le château devient alors un dangereux suspect.

Mon avis : « Faux British », peut-être, mais beaux fortiches et vrais barjots ! En effet, les sept comédiens qui participent à cette pièce démontée réalisent sous nos yeux effarés un authentique tour de force.
Personnellement, et c’est là ma seule réserve, je trouve que le titre français est trop évasif. Il eût sans doute été préférable et plus explicite de s’inspirer au plus près du titre original, « The play that goes wrong » (« La pièce qui barre en sucette »)… Mais c’est là l’unique point légèrement négatif que je soulève. Car pour ce qui est du reste, c'est-à-dire de ce qui nous est donné à voir, je ne puis que me montrer dithyrambique et enthousiaste. Et à tout point de vue.


Imaginez une troupe de théâtre composée d’amateurs (dans le sens péjoratif du terme) qui se lance le défi de créer devant nous un thriller qu’on croirait sorti tout droit d’un roman d’Agatha Christie. Ils se lancent dans leur mission avec un sérieux inaltérable, un aplomb déconcertant, et une volonté inébranlable. Leur envie et leur désir de bien faire sont absolument respectables, à part qu’ils sont tous de vrais bras cassés. Peu à peu la machine brinquebalante qu’ils ont réussie à monter à peu près, va se dérégler puis s’emballer, jusqu’à échapper inexorablement à tout contrôle.
Pourtant, au départ, ils peuvent s’appuyer sur quelques atouts : un joli décor de manoir anglais, des beaux costumes et une enquête mystérieuse et complexe à souhait. Hélas, leur manque de rigueur et leur maladresse vont faire que tout va se retourner contre eux, y compris les objets ! Les effets spéciaux et les trucages qui se voulaient ambitieux foirent lamentablement, les situations qui en découlent sont affligeantes, les « cascades » sont ridicules… Et plus ça se dégrade, plus c’est nul, plus on rit.


Sincèrement, pour réussir à incarner d’aussi piètres comédiens, il faut un sacré talent. Et pour parvenir à donner l’impression de ne plus rien maîtriser alors que tout est réglé comme du papier à musique, là aussi ça tient de la performance. On imagine la somme de travail et les heures de répétitions qu’il a fallu pour atteindre un tel degré de perfection dans un tel numéro de funambulisme. Branquignols mâtinés de Monty Python, ce septuor nous emmène au septième ciel de la drôlerie la plus farfelue. Et ce, avec une efficacité rare.

Dire de cette pièce que c’est une catastrophe est un doux euphémisme. C’est un séisme héroï-comique doublé d’un tsunami de folie. On en sort groggy, soûlé de fous rires, les Faux British ont gagné par chaos.


Gilbert « Critikator » Jouin

jeudi 14 mai 2015

Mustapha El Atrassi "Second degré"

Disponible en VOD sur le site :
Mustaphaelatrassi.com
4,99 € via Payplug

Rentré de Las Vegas tout auréolé d’une troisième place au premier championnat du monde de stand-up en anglais, Mustapha El Atrasssi a voulu profiter de cette énergie accumulée pour présenter un tout nouveau spectacle. Mais il n’a pas souhaité le faire dans des conditions conditionnelles en se produisant dans une salle classique du genre de celles qui l’avaient précédemment hébergé comme Le Temple, le théâtre Trévise ou même l’Olympia. Non, cette fois, il a voulu tout gérer en jetant son dévolu sur une toute petite salle, de s’y produire une seule fois devant un public restreint et de réaliser une captation de ce one shot. Puis il a mis en vente la vidéo de ce spectacle sur un site dédié pour la somme dérisoire de 4,99 € (« moins cher qu’un Mc Do » argument-t-il…
C’est un peu comme s’il repartait à zéro, mais fort de ce bagage tout-terrain qu’est l’expérience. Il s’est voulu débarrassé de toute contrainte. Il a tout préparé, tout maîtrisé et… il s’est lâché. Dans ce show baptisé Second degré, il s’est offert un espace qui n’a pas de prix : la liberté. C’est lui cent pour cent naturel, sans filtre, sans tabous et sans contraintes de quelque sorte. C’est du El Atrassi pur suc…

Après avoir découvert Second degré, j’ai eu immédiatement envie de le rebaptiser en « Mustapha El Atrashy ». En matière de stand-up, il est sans doute ce qui se fait de mieux actuellement. Il ne s’interdit aucun sujet. Son truc à lui, c’est le cash express. Avec son débit-mitraillette et son redoutable appétit pour ce qu’il appelle « les bonnes grosses vannes », il joue et tire à bout portant devant un public qui n’est qu’à un mètre de lui. Mustapha a le cynisme jovial, la transgression jubilatoire. Riant lui-même de ses blagues, il peut sortir la pire énormité car son large sourire craquant efface tout.


Il est à l’opposé de ce qui pourrait être son clone malfaisant, un certain Mustapha El Harakiri car, lui, il n’est jamais « bête et méchant ». Au contraire, son écriture est vraiment intelligente et il n’y a chez lui aucune malveillance. Même s’il débite une légion d’horreurs, ses observations sont toutes frappées au sceau du bon sens. Virtuose de la pirouette, il possède l’art de la formule qui fait mouche. Et c’est encore mieux quand la mouche trempe dans le vinaigre ou s’il lui fait subir en se marrant les derniers outrages.
Mustapha ratisse large. Témoin futé et affûté de son temps, il parle de tout ce qui remplit notre quotidien : le portable, la province, les conseillers d’orientation, l’école, les rappeurs, la prostitution, Paris, les réseaux sociaux, les transports, la drogue, l’alcool, les minorités, les communautés, le Jihad, le célibat et la vie de couple… Rien ne rebute le rebeu et on s’en réjouit avec lui.

J’en suis aujourd’hui à me demander si les habitants de son village natal, Saint-Doulchard, dans le Cher, ne s’appelleraient pas « Les Charrieurs ». Ceci expliquerait cela.

En tout cas, vous ne prenez aucun risque à vous séparer d’un billet de 5 euros car si un rire vaut un steak, avec Second degré, vous pouvez vous pouvez vous procurer une vache entière… avec toutes les savoureuses vacheries qui vont avec…

mercredi 13 mai 2015

Les Stars font leur Cinéma

Warner Music France

J’ai lu quelques critiques dévastatrices à propose ce cet album (entre autre sur le site de L’OBS), et je ne comprends pas bien. Ou bien j’ai les trompes d’Eustache complètement anesthésiées mais, personnellement, je l’ai trouvé, à une ou deux exceptions près, parfaitement respectable. J’ai même pris un réel plaisir à l’écouter.

Passés les deux premiers titres que j’ai trouvés fades, les treize chansons qui suivent m’ont plutôt séduit. Y compris ceux qui sont interprétés par des artistes qui ne sont pas a priori ma came.
Ce qu’il faut avant tout mettre en exergue, c’est la grande qualité des arrangements et le travail très abouti des réalisateurs, David Gategno et Thiéry F (pour Loïs & Clark). Je trouve qu’ils ont vraiment bien dirigé les chanteurs en leur faisant éviter ou l’écueil du clonage karaoké ou, surtout, de tomber dans la démonstration vocale.


M. Pokora est impressionnant de douceur dans (Everything I Do) I Do It For YouLes Magic System ont apporté leur enthousiasme, leur joie de vivre dans une interprétation chaleureuse et festive de Toi et le soleil (I Can See Clearly Now)… Tout en feeling et en intensité, Corneille nous livre une version hyper veloutée et toute en retenue de I Will Always Love You
Dans We Don’t Need Another Hero, Amandine Bourgeois rivalise aisément avec Tina Turner, sachant mettre le volume juste où il faut et quand il faut sans tomber dans l’excès… Lara Fabian nous gâte avec la justesse d’une appropriation particulièrement mélodieuse et maîtrisée de Unchained Melody… Vita & Maude sont joliment complémentaires pour nous proposer une version très agréable qui tourne toute seule de Danse ta vie (Flashdance… What A Feeling)


Vincent Niclo ne s’est pas caricaturé en évitant de mettre toute la puissance dont on le sait capable dans She’s Like The Wind… Inna Modja se montre très à l’aise, façon diva de la soul, dans son exécution à la fois souple et tonique de Son Of A Preacher Man… J’ai été très agréablement surpris par le duo formé de David Carrera & Camille Lou dans (I’ve Had) The Time Of My Life.
Natasha St-Pier s’en sort remarquablement dans Don’t Cry For Me Argentina ; elle y met juste ce qu’il faut de souffle et d’intensité pour nous en restituer toute la nostalgie qui entoure ce titre… Je ne connaissais pas Corentin Grevost et j’ai réellement apprécié ce qu’il a su faire avec Oh Pretty Woman. Anggun, que j’attendais au tournant de Calling You, est une autre des jolies surprises que réserve ce CD en nous concoctant une version pleine d’émotion et de douce mélancolie… Et l’album se termine en beauté avec la voix si joliment écorchée d’Inaya (peut-être ma chanson préférée), simplement accompagnée d’une guitare, elle met beaucoup de conviction et de simplicité dans U-Turn (Lili) du groupe AaRON.

Bref, n'en déplaise à certains détracteurs, cette quinzaine d’unchained melodies est très agréable à écouter. Toutes ces musiques de films nous parlent, elles évoquent des souvenirs, des images, des acteurs et des actrices et, quitte à me répéter, elles sont remarquablement arrangées et réalisées.
Les Stars font leur cinéma, mais elles n’ont pas fait DE cinéma. On sent qu’elles se sont vraiment mises au service de chansons qui sont autant de grands standards gravés dans notre mémoire.


Olivia Moore "Mère indigne"

Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 45 23 35 45
Métro : Cadet / Grands Boulevards

Ecrit par Olivia Moore
Mis en scène par Marine Baousson

Présentation : Une vie qui déborde comme un panier de linge sale, des enfants qui se roulent par terre chez Carrefour, des ados moulés dans le canapé et un mari qui plane. Ou l’inverse… Olivia Moore est une Desperate Housewife en vrai ! Elle gère tout : sa famille recomposée, son job et l’ex de son mari. Elle a toutes les qualités pour faire une mère parfaite : elle est cash, caustique, égoïste et décomplexée…

Mon avis : Et bien, voici une « Mère indigne » tout à fait digne d’intérêt… Olivia Moore réussit le tour de force de nous captiver et de nous faire rire avec un sujet on ne peut plus banalement universel : la maternité et la gestion des enfants.
La scène du Trévise est vide. Seule une chaise haute trône en son milieu, et pis c’est tout. Ça signifie qu’il va falloir l’occuper cet espace… Dès son apparition, j’ai d’abord été charmé par son timbre de voix chaud et velouté et ensuite par son joli minois souriant et ses yeux pleins de malice. Olivia Moore nous la joue nature. Elle attaque, étriers en tête, par là où tout commence : l’accouchement. Après quoi, elle n’a plus qu’à dérouler le fil de l’histoire dans l’ordre chronologique.


Olivia est une mère qui n’a pas peur de faire des vagues. Elle possède énormément d’influx (et de reflux) pour ça, son seul but étant de nous faire marée. Avec elle, pas de pathos. Les mater dolorosa, ce n’est pas son genre. Quitte à brosser un tableau, autant qu’il soit le plus réaliste possible. Inutile de pratiquer un angélisme de façade quand on est confrontée à ces (bons ?) petits diables que sont nos bambins, qu’ils soient ceux que l’on a conçus soi-même ou les pièces rapportées, paquet-cadeau-de-noce inhérent aux familles recomposées. Olivia Moore est pragmatique. Devant cette tâche aussi noble que vaine qu’est l’éducation des enfants, elle va s’efforcer de faire de son mieux tout en essayant de se préserver et de ne pas y laisser sa peau. Après tout, elle est femme tout autant que mère !

Elle dissèque les aléas du quotidien avec le recul et la dose de cynisme nécessaires à tout bon chirurgien pour éviter la dérive sacrificielle et/ou compassionnelle. Elle nous entraîne dans une plongée en abîme dans les profondeurs de la maternité, dans ces zones abyssales où il y a beaucoup d’apnée et peu d’élues… Ses ambitions étant très vite revues à la baisse, elle a compris qu’il était inutile de se lancer dans une quête illusoire de la perfection ; mieux valait se placer illico en mode survie. Elle ne va pas jusqu’à prôner la reproduction interdite, mais la prudence étant elle-même mère (de la sûreté), elle préfère prévenir avant que de devoir guérir.


Olivia Moore est très facile sur scène. Elle a vraiment une sacrée présence. A l’aise dans son corps et dans sa tête, elle bouge et elle s’exprime fort bien. Son langage est direct, avec ce qu’il faut de crudité parfois, pour bien enfoncer le clou ; elle possède un grand sens de l’image qui percute, de la métaphore explicite et de la formule qui fait mouche. Expressive, excellente comédienne, elle établit dès le départ une grande complicité avec le public. Avec un tel sujet, c’est facile car tout le monde est concerné. A priori on a tous été enfant et on est parent ou appelé à l’être. Les rires sont donc entendus… J’ai aimé aussi lorsque, à deux ou trois reprises, elle part complètement en vrille. Son grain de folie, parfaitement assumé, est une valeur ajoutée à un spectacle déjà très abouti.

Enfin, j’ai adoré la fin de son show. C’est très astucieux, formidablement intelligent, avec un clin d’œil judicieux que je qualifierais de « nanaphore ». A ce propos, puisqu’il est également question de l’ex du conjoint dans le spectacle, en paraphrasant la délicate Valérie Trierweiler, je ne peux que dire à Olivia Moore pour tout le plaisir qu’elle a eu le talent de nous procurer :
« Merci pour cette maman ! »...


Gilbert « Critikator » Jouin

mardi 12 mai 2015

Open Space

Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité

Ecrit et mis en scène par Mathilda May
Avec Stéphanie Barreau, Agathe Cemin, Gabriel Dermidjian, Loup-Denis Elion, Gil Galliot, Emmanuel Jeantet, Dédeine Volk-Leonovitch

Présentation : Six employés, trois hommes et trois femmes, de ce qui pourrait être une petite compagnie d’assurance, se supportent et s’insupportent le temps d’une journée…
Tout ce petit monde s’agite dans cet espace de la rentabilité que les patrons nomment « Open Space ». Entre la photocopieuse et les pots à stylos, les ordinateurs et les sièges à roulettes, la vie de bureau de ce concentré d’humanité (presque) ordinaire n’a rien d’un long fleuve tranquille.

Mon avis : Open spasmes !
Quelle idée originale a eu là Mathilda May ! Surtout dans la forme. Evoquer la vie de bureau, c’est plutôt banal ; ça a déjà été fait, ça a déjà été vu. Mais ça n’a jamais été traité de cette façon.
Dans Plus si affinités, le spectacle qu’elle avait coécrit et interprété avec Pascal Légitimus, elle nous avait découvrir une facette de son talent que l’on ignorait : le sens de l’humour. Elle a continué dans cette voie, mais en s’attaquant cette fois à l’univers du burlesque. Avec Open Space, elle s’affirme comme le fruit des amours drolatiques qu’auraient pu avoir Jacques Tati et Mister Bean.


Mathilda May nous fait vivre une journée de bureau. Six employés lambda comme vous et moi, trois femmes et trois hommes, et un patron, vont s’ébattre devant nous dans cet espace intime et confiné. L’astuce de l’auteure et metteur en scène est d’en avoir fait une pièce sans aucun dialogue. Elle ne s’est attachée qu’à la gestuelle et aux sons. Les trouvailles abondent : borborygmes, onomatopées, bruits amplifiés, chorégraphies, et effets spéciaux propres au cinéma comme les arrêts sur image et les ralentis. En plus, en véritable chef d''orchestre, elle a introduit une vraie musicalité dans les échanges. On en prend vraiment plein les yeux et plein les oreilles.

Tout ceci concerne la forme. Mais elle a également énormément soigné le fond en brossant sept portraits d’humanoïdes « buraldiens ». Pour les caricaturer, il y a la hussarde sans-gêne, le fayot souffre-douleur, le loser suicidaire, la working girl alcoolique, le beau gosse consciencieux et la complexée enamourée (qui m’a fait furieusement penser à la mademoiselle Jeanne de Gaston Lagaffe). Et puis il y a le patron : autoritaire et ambigu, paternaliste subjectif, cruel et libidineux, mais qui possède son talon d’Achille et en souffre… Dans ce microcosme, les sentiments sont exacerbés. La nature humaine y apparaît sous tous ses aspects, des plus nobles aux plus médiocres. Nous sommes face à des gens qui nous ressemblent. Leurs attitudes et leurs réactions, tout en nous faisant rire, sont prévisibles et agissent en effet miroir.



Open Space est un spectacle vraiment original. Si l’on gomme quelques petites longueurs et quelques effets parfois opaques, on passe réellement un très, très bon moment. Il faut dire que la pièce est servie par sept énergumènes, Gil Galliot en tête, qui maîtrisent leur sujet à la perfection. Quelle inventivité ! Ils savent tout faire avec une science fascinante du geste juste. Avec eux, le qualificatif de « performance scénique » n’est pas galvaudé. 

Gilbert "Critikator" Jouin