mercredi 1 octobre 2008
Equus
Théâtre Marigny
Carré Marigny
75008 Paris
Tel : 08 92 22 23 33 / 08 92 68 36 22
Métro : Champs-Elysées Clémenceau
Une pièce de Peter Shaffer
Mise en scène : Didier Long
Adaptation : Pol Quentin
Avec Bruno Wolkowitch (Docteur Dysart), Julien Alluguette (Alan Strang), Christiane Cohendy (Dora Strang), Didier Flamand (Franck Strang), Delphine Rich (Esther), Astrid Bergès-Frisbey (Jill Mason), Joséphine Fresson (l'infirmière), Alain Stern (Dawson), Jeoffrey Bourdenet (le cavalier), Lucas Anglarès, Benjamin Bodi, François Peyre.
Ma note : 7/10
L'histoire : S'inspirant d'un fait divers authentique et inexpliqué, Peter Schaffer raconte l'histoire d'un garçon de 17 ans qui a crevé les yeux de six chevaux, une nuit, dans un manège.
L'action a pour cadre un hôpital où un psychiatre tente d'élucider le mystère de cet acte... Ainsi commence une enquête aussi prenante qu'une aventure policière dans laquelle un duel passionné va opposer le docteur Dysart au jeune Alan Strang.
Nul ne peut échapper à l'envoûtement de ce débat implacable et superbe que domine la figure fantastique d'Equus, le dieu-cheval, dont un enfant solitaire avait fait son maître et son esclave.
Mon avis : C'est sûr, Equus n'est pas la pièce la plus légère et la plus facile de cette rentrée. Mais, au niveau de l'intrigue, c'est une des plus prenantes, une des plus passionnantes. C'est une vraie dramatique qui nous chatouille l'intellect et nous saisit aux tripes, aspirés que nous sommes par une mécanique implacable digne d'un polar. ON VEUT SAVOIR ! On veut savoir le comment et le pourquoi d'un geste aussi horrible que celui perpétré par le jeune Alan. Pour quelles sombres raisons a-t-il, une nuit, décidé de crever les yeux de six chevaux, des animaux dont il est follement épris ? Ce sera tout le travail de sape mené par un brillant psy qui nous permettra - peut-être - d'élucider ce mystère.
Le décor de Marigny est impressionnant de dépouillement. Au sol, reposent, selon le moment, plusieurs banquettes de bois oblongues, anonymes, banales, qui vont se déplacer en fonction de l'action. La pièce s'ouvre sur une sorte de ballet. Dès le départ, on compte douze personnes sur scène. Elles y seront présentes pratiquement tout du long, le plus souvent silencieuses.
Après un long monologue du docteur Dysart qui sert en quelque sorte d'exposé, l'histoire démarre véritablement. Les mouvements sont parfois très stylisés, mécaniques. L'action étant ponctuée de flashbacks, les ruptures de rythme abondent. La mise en scène est ingénieuse, truffée de trouvailles pour nous permettre de ne jamais lâcher le fil. Et la scène finale est superbe dans sa beauté froide et formelle...
Bruno Wolkowitch, omniprésent, livre sans doute là sa performance théâtrale la plus aboutie. Sa belle voix grave nous séduit et nous rassure, une qualité qui crédibilise sa fonction de psy. Un tel timbre ne peut qu'apaiser et donner confiance à n'importe quel patient. A plus forte raison quand il s'agit d'un jeune homme aussi perturbé qu'Alan qui cherche aussi, quelque part, un père. Bruno Wolkowitch campe un personnage humain, ne possédant pas une once d'arrogance, qui n'hésite pas à faire part de ses doutes, de ses manques, de ses contradictions. Il mène une véritable enquête, décortiquant patiemment l'écheveau emmêlé d'un cerveau malade. Pressé par un juge (excellente Delphine Rich) avec laquelle il entretient des rapports de confiance et d'estime, il veut connaître la vérité. Pour cela, il lui faudra aussi rencontrer les parents d'Alan, savoir quelle éducation il a reçue, quel enfant il était... C'est très fouillé, très précis. il y a d'ailleurs une scène formidable entre le docteur et la maman d'Alan (remarquable Christiane Cohendy)...
Et puis il y a la prestation d'Alan lui-même. La composition de Julien Alluguette est hallucinante. Tour à tour irritant et détestable, fragile et attachant, il ne cesse de nous fasciner, de noushanter. Avec sa gestuelle particulière, ses soubresauts, ses moments de folie ou d'abattement, il a un rôle extrêmement délicat à appréhender. Véritablement impressionnant, il est la grande révélation de cette pièce.
Il ne faut pas se voiler la face, Equus est une pièce âpre, difficile, qui souffre parfois de quelques longueurs (langueurs ?). Il ne faut donc pas y venir avec l'esprit fatigué ou endormi. Mais le talent des acteurs et celui du metteur en scène font que l'on se laisse happer par le suspense de ce récit inquiétant et tumultueux.
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