jeudi 19 janvier 2012

Bronx



Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 Paris
Tel : 01 42 96 92 42
Métro : 4 Septembre / Pyramides

Une pièce de Chazz Palminteri
Adaptée par Alexia Perimony
Mise en scène par Steve Suissa
Lumières de Jérôme Almeras
Décor de Stéphanie Jarre
Costume de Christian Dior
Avec Francis Huster

L’histoire : Le Bronx des années 60. Un quartier en pleine ébullition où la mafia règne sans partage et où le racisme fait son apparition… De ses 9 ans, le petit Cologio observe le monde des « affranchis ». Il est particulièrement fasciné par Sunny, leur chef. Son père, Lorenzo, accepte mal l’intérêt de son fils pour les malfrats. Chauffeur d’autobus, il a toujours refusé de se compromettre.
Un soir, Cologio est témoin d’un meurtre perpétré par Sunny, mais il ne dit rien à la police. Reconnaissant, le gangster le prend sous son aile… En grandissant, Cologio hésite entre le mode de vie que lui propose le milieu et celui de sa vraie famille. Résistera-t-il à l’attrait de l’argent facile ?

Mon avis : Et bien, une fois de plus, j’ai été bluffé par la performance qu’accomplit Francis Huster sur la scène des Bouffes Parisiens. Je n’ai jamais été inconditionnellement béat devant ses prestations et il m’est parfois arrivé de le juger à côté de la plaque ou d’être (son principal défaut) dans l’outrance… Là, pas de posture, pas de grandiloquence, pas de concession, mais une justesse de jeu absolue. Il se livre carrément à un numéro à la Caubère en s’appropriant tous les personnages (18) d’une chronique sur le Bronx des années 60.
Même à nous, Français, cette histoire nous parle. Nous ne sommes pas dépaysés car la littérature, le cinéma et la télévision ont abondamment traité le sujet. On a donc plein de repères et on peut sans problème suivre la narration de cette parenthèse de huit années dans la vie d’un gamin italo-américain qui va passer de l’enfance à l’adolescence, écartelé qu’il est entre son attachement respectueux à sa famille et sa fascination pour le monde des gangsters qu’il observe quotidiennement sur le pas de sa porte.

C’est un homme élégant d’une soixantaine d’années (dans l’histoire, il est né en 1951) qui revient sur les lieux de son enfance. Son quartier du Bronx, autrefois si vivant, est aujourd’hui quasi à l’abandon, déshérité. Cologio – c’est son prénom – s’assied sur les marches qui mènent à l’ancien appartement de ses parents, des marches sur lesquelles il a usé ses culottes courtes en contemplant les circonvolutions d’un quartier entièrement sous la coupe de la mafia, représentée ici par le fascinant Sunny et ses deux « frigidaires » de gardes du corps…
A travers ses mots et sa vision des choses, on voit Cologio grandir et mûrir sous nos yeux. Parce qu’il n’a pas dénoncé Sunny à la police pour un meurtre dont il a été le témoin, il s’attire non seulement la reconnaissance du malfrat, mais surtout sa réelle affection. Celui-ci va s’ingénier même à compléter son éducation. Car, en dépit de l’aspect violent et impitoyable de sa fonction de « capo di tutti capi », il s’avère être un authentique sage, un vrai philosophe. Avec énormément de bon sens, il va apporter beaucoup au gamin. Gamin qui, du coup, se trouve tiraillé entre les préceptes de son mentor, et le sens des valeurs que lui a toujours prodigué son chauffeur de bus de père. Il va essayer de se débrouiller en s’attachant à l’un sans toutefois décevoir l’autre. La seule chose qui pourrait lui apporter un sentiment de vénalité, c’est l’agent facile dont il bénéficie de la part de Sunny.
De ses 9 ans à ses 17 ans, Cologio va parcourir une sorte de chemin initiatique. A la fin de la pièce, il sera devenu un homme. Et, au vu de son maintien et de sa distinction, un homme qui semble avoir réussi sa vie… On aimerait bien d’ailleurs savoir quelle a été sa vie après le Bronx.

Physique de jeune premier, Francis Huster nous prend par la main, et se livre à une sorte de lecture animée. Passé le premier quart d’heure plutôt statique au cours duquel il pose les bases (indispensables) de son histoire et nous dresse le portrait de ses principaux protagonistes, il adopte un rythme beaucoup plus élevé. Nous entrons alors de plain-pied sans la commedia dell’arte. Francis se met à camper tous les personnages. Ils ont chacun leur propre gestuelle et leur propre voix. Le ton est empreint d’une nostalgie ironique. On rit souvent devant les expressions et les descriptions d’individus particulièrement hauts en couleurs.
Francis a l’art de nous captiver. Reflet d’une époque éminemment romanesque, son histoire nous intéresse de plus en plus, et sa trajectoire humaine aussi. En effet, malgré sa fréquentation assidue du milieu, Cologio garde une vraie fraîcheur d’esprit et une faculté d’émerveillement qui frisent souvent la naïveté. C’est Candide au pays des mafieux. La narration de ses premiers émois amoureux est entre autres un moment tout-à-fait délicieux.
Donc, en résumé, Francis Huster se livre à un exercice d’une rare perfection, à un numéro impressionnant. Sans être vraiment sobre (latinité de son personnage oblige), il ne grossit jamais le trait et ne tombe pas dans les effets gratuits. Il est impeccable de bout en bout. C’est tout de même un sacré acteur !

Enfin, il faut également souligner la qualité de la bande-son, qui s’appuie sur de grands standards en majorité jazzy, qui sont autant de ponctuations sonores glissées à bon escient pour souligner certains passages de l’histoire. ET, encore une fois, saluer le travail de Stéphanie Jarre qui ne nous a pas réellement concocté un décor, mais un superbe tableau impressionniste en clair obscur.

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