jeudi 27 décembre 2018

Florence Foresti "Epilogue"


Le Zénith Paris-La Villette
211, avenue Jean Jaurès
Parc de la Villette
75019 Paris
Tel : 01 44 52 54 56
Métro : Porte de Pantin / Porte de la Villette

Jusqu’au 31 décembre
Au Paradis Latin du 14 janvier au 16 avril 2019 (lundi et mardi)
Puis en tournée

Mon avis : Le nouveau spectacle de Florence Foresti après trois ans d’absence s’intitule « Epilogue ». Pris dans son sens brut, ce titre alerte. Florence Foresti nous annoncerait-elle « la conclusion » (Petit Larousse) de son histoire d’amour avec son public ? Même en nous proposant elle-même deux définitions, elle s’évertue à nous laisser dans le flou, le flou artistique bien sûr :
Epiloguer : S’ingénier à faire des critiques par le détail, faire des commentaires longs et superflus.
Epilogue : Dernière partie d’une œuvre.
A la fin du spectacle, on est (presque) rassuré. Florence a passé une heure et quart à « épiloguer », c’est-à-dire à « critiquer » et à « commenter », un exercice dans lequel elle excelle… Pourtant, à un moment, elle s’attarde sur ce titre pour le moins inquiétant. En fait, elle l’a choisi en manière d’exorcisme. A plusieurs reprises, elle revient sur son (grand !) âge, 45 ans… C’est quand même loin d’être l’âge de la retraite ! D’autant plus qu’elle se reconnaît « en pleine forme ». En nous faisant craindre une fin, elle se rassure. C’est son côté gentiment parano.


Une chose est certaine : en dépit de son âge "canonique", Florence Foresti est au sommet de son art. Epilogue est d’une efficacité redoutable. Elle occupe la scène avec une formidable maestria. LA Foresti est unique. Que ce soit sur le plan de la gestuelle ou sur celui des expressions, elle n’a pas d’égal(e). La moindre de ses attitudes, la moindre de ses mimiques sont d’une force comique incomparable. Elle est véritablement cartoonesque… Mais Florence, ce n’est pas que cela. Au-delà de la démonstration physique et de sa science de la pantomime, il faut prendre en compte ce qu’elle nous raconte. Sans jamais appuyer le trait, elle aborde des thématiques qui ont du fond, qui nous donnent à réfléchir. Loin de s’ériger en donneuse de leçon, elle se complaît à disséquer et à analyser les petits sujets de société qui ponctuent notre quotidien.

Après avoir effectué une entrée digne des plus grandes divas de la chanson américaine, rien que pour le plaisir de la parodie, elle se lance sans plus de cérémonie dans un stand-up ininterrompu. La boîte à vannes est ouverte. Pas une seconde de répit. Florence est cash. Elle a la franchise impertinente. Elle nous assène en préambule toute une série de vérités sur sa façon d’appréhender sa relation avec son public, son rapport avec l’argent. Une fois cette page tournée, elle attaque les différents thèmes qui l’ont interpellée, nous livrant au gré de sa fantaisie ses états d'âme comme ses états dame.
Sans coup férir, chaque coup fait rire... Elle s’en prend à l’invasion de la « culture » américaine, s’offre une petite parenthèse un tantinet scato, revient malicieusement sur la privation de nos smartphones durant son spectacle, s’attarde sur ses différentes coupes de cheveux, nous narre par le menu sa passion irrépressible pour Ikéa, surtout le dimanche matin… Et puis, elle enfourche un de ses chevaux de bataille favoris : les relations homme-femme et la parité ; ensuite, après avoir abordé les réseaux sociaux, elle se confie sur des sujets bien plus personnels comme la fréquentation de l’Hôpital Américain, l’alcool, la cigarette et… la mort. C’est tout de même gonflé de nous faire rire avec ce thème. Un thème qu’elle développera d’ailleurs en « épilogue » de son spectacle…


Florence Foresti est toujours aussi performante, aussi percutante, aussi audacieuse. Elle traite de lieux communs, de faits banals, mais toutes ses constatations, marquées du sceau du bon sens et de son sens suraigu de l’observation, elle a une façon unique de les raconter. Ses formules sont imparables, incisives, les images qu’elle utilise sont confondantes de drôlerie, elle se moque de tout et de tous, et surtout d’elle-même. Florence est une sacrée performeuse. J’adore comme elle bouge, comme elle occupe l’espace, comme elle joue avec ses deux meilleurs partenaires : son corps et son visage. Bref, ce nouveau seule en scène est un pur régal et je suis convaincu que cet Epilogue aura encore de nombreuses suites…

Gilbert « Critikator » Jouin

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