lundi 3 mars 2008
Les femmes de l'ombre
Un film de Jean-Paul Salomé
Avec Sophie Marceau (Louise Desfontaine), Julie depardieu (Jeanne), Marie Gillain (Suzy), Déborah François (Gaëlle), Moritz Bleitbreu (Karl Heinrich), Maya Sansa (Maria), Julien Boisselier (Pierre Desfontaine), Robin Renucci (Melchior), Vincent Rottiers (Eddy)...
Musique de Bruno Coulais
Sortie le 5 mars 2008
Ma note : 7/10
L'histoire : Engagée dans la résistance française, Louise se réfugie à Londres après l'assassinat de son mari. Elle y est aussitôt recrutée par son frère Pierre, qui travaille pour le SOE, un service secret de renseignement et de sabotage piloté par Churchill.
La première mission qu'on lui confie est extrêmement urgente : il s'agit d'exfiltrer un agent britannique tombé aux mains des Allemands alors qu'il était en repérage sur la côte normande afin d'y préparer le tout proche débarquement. L'homme, qui était revêtu de l'uniforme allemand, n'a pas encore été confondu. Il est soigné dans un hôpital en Normandie. Le temps presse... Pour le sortir de là, Louise doit constituer un commando de femmes spécialement choisies pour cette opération. Elle engage d'abord Suzy, une danseuse de cabaret qui excelle dans l'art de séduire les hommes ; puis Gaëlle, une chimiste spécialiste en explosifs ; et enfin Jeanne, une prostituée condamnée à mort pour le meurtre de son souteneur et qui est capable de tuer de sang froid...
Parachutées en Normandie, elles retrouvent sur place Maria, une juive italienne, opérateur radio.
La mission débute bien mais se complique très vite. Un des champions du contre-espionnage nazi, le colonel Heinrich, commence à s'approcher dangereusement de la vérité à propos du débarquement... On impose à nos cinq héroïnes un périlleux voyage à Paris pour essayer d'éliminer le redoutable SS.
Mon avis : Très honnêtement, je n'avais absolument pas aimé les deux précédentes super productions réalisées par Jean-Paul Salomé, Belphégor et Arsène Lupin. Indigence du scénario pour le premier, erreur de casting pour le second car Romain Duris est tout sauf un Arsène Lupin crédible. Je leur avais toutefois reconnu une grande qualité : l'esthétique de la photo, la beauté des décors et des costumes... Evidemment, et c'est très appréciable, on retrouve toutes ces vertus dans Les femmes de l'ombre. Le soin apporté à la reconstitution des années 40 est remarquable, le tout étant servi par une photographie toujours aussi léchée. Le générique de début avec ses photos en noir et blanc est absolument superbe. Et les comédiens, dont le casting cette fois est parfait, ont vraiment le look de l'époque, Julien Boisselier en tête avec sa petite moustache si caractéristique.
Ce film est un bon film d'aventures et d'action. Bien qu'inspiré d'histoires vraies, il est construit sur une dramaturghie classique. Le recrutement du début fait un peu penser aux Sept mercenaires avant de prendre une tournure franchement Canons de Navarone. On s'attache très vite à la destinée de ces femmes de Londres appelées à devenir des femmes de l'ombre aussitôt leur parachutage en France. Les profils psychologiques sont bien cernés. On comprend vite qui est qui et qui fait quoi. Cette exposition efficace permet au film de prendre un rythme nerveux et haletant. On ne s'ennuie pas une seconde.
Si l'on fait abstraction de quelques grosses ellipses nécessaires justement à ne pas apesantir l'action, on est pris de bout en bout et, tout le temps, on pense à ce qu'aurait été notre propre attitude face à de tels événements. Quel que soit le comportement de chacun on le comprend. On l'admire quand il confine au sacrifice, on l'excuse quand il est dicté par la terreur. Les quelques scènes de torture sont suffisamment explicités pour étayer le propos. Il faut d'ailleurs souligner que ces scènes ont été tournées avec beaucoup de tact pour éviter de tomber dans une horreur complaisante ou un voyeurisme malsain.
Les femmes de l'ombre est une formidable aventure humaine. Qui dit "humain" dit personnages. Chacun dans son registre et dans son rôle, tous les protagonistes de ce film sont irréprochables.
Sophie Marceau a rarement été aussi impressionnante. Elle a dépassé le stade du chagrin avec la mort dramatique de son mari. Elle a fait une croix sur son avenir personnel, il est tout naturel pour elle d'entrer en résistance. N'ayant plus rien à perdre, elle a un sang froid et une dureté à toute épreuve. Elle est juste du début à la fin, à un point tel qu'on en oublie la plupart du temps qu'elle n'a jamais été aussi belle.
Une fois encore, Julie Depardieu éclabousse un film de son indispensable présence. C'est une assurance tous risques. Elle donne au personnage de Jeanne une épaisseur, une authenticité épatantes. Avec sa gouaille et sa dégaine, elle apporte la seule note de légèreté et d'humour à ce drame.
Marie Gillain n'a pas hérité du rôle le plus facile à jouer car il est le moins linéaire de tous. Il lui faut passer par différents états d'âme qui sont autant de variations dans l'interprétation. Son évolution comportementale est proprement fascinante.
Déborah François EST Gaëlle. C'est sans doute à travers elle que l'on est le plus secoué et que l'on se pose le plus de questions. Avec son innocente blondeur, sa foi quasi mystique, sa fragilité, elle campe une anti-héroïne on ne peut plus touchante.
Julien Boisselier est comme toujours impeccable ; autant qu'il est implacable d'ailleurs. C'est un pur soldat pour qui ne compte que la réussite de la mission que ses supérieurs lui ont confiée. Il nous révèle en outre qu'il est bâti comme un athlète, ce qui n'est pas évident quand on le voit en uniforme ou en costume de ville...
Et enfin Moritz Bleibtreu apporte à son personnage d'officier nazi une épaisseur aux antipodes des clichés habituels. Il est intelligent, ambitieux, ambigu, il a énormément de charme. Ce n'est pas qu'une machine de guerre, il est capable d'émotions et de sensibilité. Par son jeu très subtil, on devine bien qu'il n'est pas un défenseur acharné de la torture et que s'il pouvait éviter d'en venir à de telles extrêmités, il ne s'en porterait pas plus mal...
Les femmes de l'ombre devrait faire une jolie carrière car il va toucher tous les publics. Mais il faut cependant savoir dépasser la simple qualification de film d'action - car c'en est un et un bon - pour rendre hommage au courage de tous ces résistants, hommes et femmes, qui ont sacrifié leur jeunesse et parfois leur vie pour un idéal de paix et de liberté. Merci à eux... et à ELLES !
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