vendredi 13 mars 2009

Panique au Ministère


Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 00 32
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce de Jean Franco et Guillaume Mélanie
Mise en scène par Raymond Acquaviva
Décors de Charlie Mangel
Costumes de Gilles Neveu
Avec Natacha Amal (Gabrielle), Amanda Lear (Cécile), Raymond Acquaviva (Louis), Edouard Colin (Eric), Camille Hugues, Elie Axas

Ma note : 7/10

L'histoire : Gabrielle est chef de cabinet au Ministère de l'Education Nationale. Entre Louis, son ministre complètement largué, Cécile, son énergique mère croqueuse d'hommes, et Sarah, sa fille en quête d'indépendance, elle n'est pas beaucoup aidée... L'arrivée d'Eric, jeune homme de ménage de 20 ans son cadet, va faire voler en éclats des habitudes d'éternelle célibataire et semer la panique au Ministère...

Mon avis : Au risque de faire un mauvais jeu de mot et de paraître un peu trivial, cette pièce aurait pu s'appeler carrément "ça nique au Ministère" ! C'est peut-être un peu réducteur, mais c'est pourtant ce qui se passe dans ce grand bureau cossu qui abrite le ministre de l'Education Nationale et sa chef de cabinet...

Très vite, les caractères sont dessinés. Louis, le ministre, est un personnage un peu fallot, sans grande envergure, qui connaît un certain mal à assumer ses responsabilités et qui se révèle particulièrement craintif quand son acariâtre épouse, Michelle, est dans les parages. Mais c'est un brave homme, il porte à sa chef de cabinet Gabrielle, qu'il appelle affectueusement Gaby, une réelle amitié...Gaby, oh Gaby ! Elle est beaucoup plus fonctionnaire que femme. Elle sacrifie tout pour son travail. Bûcheuse acharnée, elle est autoritaire, cynique, impitoyable...Sarah, sa fille de 20 ans, est une jeune fille de son temps, qui rêve d'indépendance en réclamant sa "studette de 60 m2" à elle. Mignonne et maligne, elle n'hésite pas à affronter la rigueur de sa mère, qu'elle sait, au fond, pas vraiment méchante...Et puis il y a Cécile. La maman de Gaby et grand-mère de Sarah. Ce n'est pas l'exemple idéal pour la jeune fille qui lui voue cependant une grande admiration. Il est vrai qu'elle est bien plus vivante et rigolotte que sa mère. Cécile est totalement extravagante, parfaitement déjantée, viscéralement "djeune". Avec ses tenues chamarrées et son franc parler, elle bouscule hardiment l'univers feutré de ce bureau où officie sa coincée de fille.Et enfin, il y a Eric. Il vient d'être engagé comme homme de ménage et jardinier au Ministère. C'est un beau gosse, terriblement sexy, à la plastique de rêve (pectoraux saillants, tablettes de chocolat) qu'il ne manque jamais une occasion d'exhiber. Son arrivée, en éveillant les convoitises, va faire exploser la routine, sauter les vernis, fendre les armures... On devine la suite...

Ou, du moins, on croit la deviner... Car Panique au Ministère est une vraie pièce de boulevard digne des meilleurs Feydeau. Quiproquos et rebondissements se succèdent, parfois téléphonés (et on est content quand ils surviennent), parfois totalement imprévisibles. Cette alternance entre grosses ficelles et trouvailles astucieuses donne un rythme effréné à la pièce. Mais, ce qui est le meilleur - en plus, bien sûr, du jeu des comédiens - ce sont les dialogues. Percutants, vachards, modernes, truffés de clins d'oeil et de références à l'actualité proche en citant des personnages existants. Les répliques particulièrement saignantes que s'échangent Gaby et Michelle, la femme du Ministre, sont des petits chef d'oeuvre de vacherie pure. Mais tout au long de la pièce, ça vanne sec ! Amanda Lear, dans le rôle de Cécile, s'en donne d'ailleurs à coeur joie !

Rien à dire sur la casting. Il est excellent.
Natacha Amal, comme toujours quand elle est sur les planches, fait preuve d'une incroyable débauche d'énergie. Son personnage est, il est vrai, une aubaine pour une comédienne. Psychorigide, brutale, quasi hystérique, ses tenues vont suivre la métamorphose de son caractère. Adieu les tailleurs un peu stricts et tristounets, place aux jolies robes de grandes marques aux généreux décolletés. Même dans la scène que l'on sent prévisible où elle fume un pétard, elle réussit à nous embarquer dans un joli moment d'émotion auquel on ne pouvait s'attendre. Elle ne s'économise pas, elle y va à fond. Elle sait tout faire, elle nous fait rire par ses excès, par ses réflexions (quelle heureuse trouvaille de mise en scène quand elle nous fait part de ses pensées intimes et s'offre de savoureux apartés dans lesquels on découvre entre autre qu'elle est une fan des séries télévisées américaines...), et elle nous émeut par sa solitude, son désarroi, et quand elle se révèle une grande sentimentale.
Amanda Lear, à mon avis, est partie pour une belle carrière théâtrale. Quel abattage. Elle envahit l'espace. De sa voix profonde, elle profère des énormités, énonce des vérités, piétine les conventions. Du sur mesure. On ne peut pas imaginer une autre comédienne dans ce rôle. Elle est tellement elle-même qu'on n'a pas l'impression qu'elle joue.   
A leurs côtés, tout le monde est bon. Entre Cécile, Gaby et Sarah, nous avons un très séduisant échantillonnage intergénérationnel de jolies femmes très agréables à regarder. Mais les femmes du public (ainsi que les hommes qui aiment les hommes) en ont également pour leur compte avec Edouard Colin. C'est qu'il est vachement bien découplé le bougre, "bien gaulé" comme le précise Cécile-Amanda...

Je pense que Panique au Ministère est appelé à une jolie carrière. Jean-Claude Camus, le patron du théâtre de la Porte Saint-Martin a le nez creux pour dénicher des spectacles populaires et de qualité. Il tient là une pièce de boulevard fort réjouissante dont la vocation est uniquement de nous faire rire. Mission accomplie. On n'a pas envie de pinailler, on monte dans le wagon, et on se laisse porter jusqu'à la fin sans bouder notre plaisir. En ces temps de morosité, le rire, tout simple, sans prétention, est une denrée indispensable.

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