jeudi 12 mars 2009
L'habilleur
Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Edgar Quinet
Une pièce de Ronald Harwood
Texte français de Dominique Hollier
Mise en scène par Laurent Terzieff
Scénographie de Ludovic Hallard
Avec Laurent Terzieff, Claude Aufaure, Michèle Simonnet, Jacques Marchand, Nicolle Vassel, Philippe Laudenbach, Emilie Chevrillon
Ma note : 7,5/10
L'histoire : Janvier 1942. L'Angleterre est en proie aux bombardements nazis. Les acteurs valides sont sous les drapeaux, les théâtres brûlent. Néanmoins, dans ce chaos, une troupe de province s'apprête à jouer Le Roi Lear. Le "maître", qui dirige la troupe et joue chaque soir les rôles titre des pièces de Shakespeare, se prépare. Mais son esprit s'échappe, son corps à bout de nerfs le trahit. Incapable de se résoudre à l'annulation de la représentation, Norman, l'ombre du maître, son "habilleur", à son service depuis seize ans, le réconforte, l'encourage et se démène contre l'avis des autres comédiens, pour qu'il assure la représentation...
Mon avis : Grand, grand, grand moment de comédie ! Dans une mise en scène particulièrement habile, jonglant avec trois lieux différents, nous assistons aux efforts pathétiques et dérisoires d'une poignée de personnes qui tentent de sauver la représentation d'une pièce de théâtre, Le Roi Lear de Shakespeare. Leur gros souci, c'est l'état de santé mentale et physique de leur acteur vedette et patron, celui qu'ils appellent "Le Maître". C'est qu'il semble bien usé, le cher homme ! Pourtant, leur problème paraît bien futile alors que retentissent régulièrement les sirènes annonçant la menace imminente d'un bombardement et que détonations et explosions viennent à peine troubler leur petite routine.
L'habilleur est une pièce qui rend un vibrant hommage au théâtre et à ceux qui le font vivre. C'est une pièce intelligente sans être pesante, un petit bijou d'humour anglais avec sa distanciation, sa perfidie so british. Pour la servir, il fallait des comédiens subtils, habiles à saupoudrer les nuances.
La pièce repose sur deux hommes
Norman (Claude Aufaure) dans le rôle de "l'habilleur" est pratiquement de tous les plans. C'est lui l'âme de la pièce. C'est un personnage un peu compassé, qui dégage d'emblée une certaine sympathie, mais qui s'avère au fil de l'action, plutôt redoutable. Il ne vit que grâce à sa proximité avec le Maître. Il est son homme à tout faire, son factotum ; son souffre-douleur aussi. mais son admiration pour le grand homme est tellement forte qu'il est prêt à accepter tous les camouflets. Dans l'ombre du Maître, il existe. Sans lui, il n'est plus rien. Il faut voir avec quelle rouerie il joue avec ses différents interlocuteurs. Quand il s'adresse au maître, il est aimable, obséquieux, cauteleux, précautionneux. Il connaît aussi bien que lui - sinon mieux -toutes les répliques du répertoire shakespearien. Mais quand il s'adresse aux autres personnes qui gravitent autour du Maître, il peut se monter dur, cassant, impitoyable, brutal même. Il s'érige en bouclier humain pour protéger son employeur. Claude Aufaure est superbe. Quelle finesse de jeu. Il modifie sans cesse son timbre de voix en fonction de la situation. Il peut passer de l'extrême onctuosité à la plus grand agressivité. Un grand numéro de comédie pure !
Et puis il y a Le Maître... Laurent Terzieff !!! Un géant du théâtre. La moindre de ses attitudes, le moindre de ses gestes, la moindre des ses intonations témoignent d'un métier consommé. Jamais il n'est dans la démonstration et pourtant, son personnage pourrait le lui permettre. Le Maître est un monstre. Un monstre d'égoïsme, de narcissisme, de mauvaise foi. Il ne supporte pas que les avions allemands aient l'outrecuidance de venir le bombarder lui ! Alors il les apostrophe, il vitupère. Laurent Terzieff brûle en permanence d'un feu intérieur. Le théâtre est en lui. Il est habité. Avec sa voix grave et rauque, il joue sur tous les registres. Il jongle avec les ruptures, tour à tour superbe et conquérant, ou désemparé et pitoyable. Il n'aime que lui. Il est l'astre autour duquel tournent quelques misérables satellites. Il en a besoin ponctuellement, dans le privé ou sur scène. Il n'a que mépris pour ces comédiens de seconde zone qui viennent lui servir la soupe le temps d'une représentation. Après quoi, il reprend sa superbe et ses distances et il se replie sur lui-même... Voir laurent Terzieff jouer est un bonheur de tous les instants.
Autour de ces deux hommes interdépendants l'un de l'autre, gravitent quelques personnages qui n'essaient d'exister qu'en fonction de l'humeur du Maître et de l'intérêt qu'il leur porte. Il y a la comédienne-compagne, et la régisseuse enamourée. La première est la seule qui ose lui asséner quelques vérités, mais elle aussi elle n'existe qu'à travers lui. Elle a donc des limites à respecter... La régisseuse, elle, ne pense qu'à sa fonction. Elle a dû aimer le Maître au début de leur association, mais devant son indifférence, elle s'est résignée, elle est devenue mécanique. Deux beaux personnages de femmes.
Hormis deux ou trois petites longueurs (comme le quasi monologue du comédien qui joue le Fou), L'habilleur est une pièce qui nous tient en éveil de bout en bout. C'est une pièce qui donne ses lettres de noblesse au théâtre et qui nous le fait aimer encore plus.
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