mercredi 1 avril 2009

Jules et Marcel


Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers / Rome

Ecrit par Pierre Tré-Hardy d'après la correspondance échangée entre Marcel Pagnol et Jules Raimu
Avec Michel Galabru (Jules Raimu), Philippe Caubère (Marcel Pagnol), Jean-Pierre Bernard (Le narrateur)

Ma note : 7,5/10

Note d'intention : Il s'agit d'une lecture de lettres échangées entre l'écrivain Marcel Pagnol et Jules Raimu, son ami et acteur fétiche. Le thème central est le cinéma, passion qui a relié leur vie durant ces deux personnages hors du commun. Ces lectures reposent sur des lettres authentiques et souvent inédites, ainsi que sur des conversations entre les deux personnages afin d'exprimer les liens d'amitié qui les reliaient. L'ensemble crée une dramaturgie, où rires et émotions sont présents jusqu'à la fin. C'est également l'occasion d'entrer dans l'intimité des secrets de ces hommes hauts en couleur.

Mon avis : SAVOUREUX ! Il n'y a pas d'autre mot pour définir le plaisir que l'on ressent durant ces échanges entre deux personnages hors normes à travers leurs échanges épistolaires.
Pas besoin de décor. Ce sont les deux "stars" qui comptent. Deux petits bureaux identiques, deux chaises, deux verres d'eau (auxquels ils ne toucheront point), et c'est tout. Un narrateur pour faite le lien quand il y a nécessité d'une précision quelconque, historique ou d'ordre privé et Pagnol-Caubère côté cour, Raimu-Galabru côté jardin. Devant eux, leur texte. Car c'est de lectures qu'il s'agit... pas de fioritures, on entre illico dans le vif du sujet...

La première rencontre entre Marcel Pagnol, auteur à succès, et Jules Raimu, énorme vedette du théâtre, a lieu en 1929. Pagnol a l'intention de proposer le rôle de Panisse à Raimu pour sa pièce de théâtre Marius. Mais quand ce dernier en découvre le texte, il fait une fixette sur le personnage de César. Il s'ensuit une première joute épistolaire... D'emblée, les deux personnalités se dessinent. N'oublions jamais que nous avons affaire à deux Provençaux pur jus, à deux "Sudistes" comme se plaît à le préciser Pagnol. "L'ézagération" est chez eux chronique, c'est un art de vivre.
Raimu collectionne à lui tout seul toute une batterie d'arguments : il est roublard, pittoresque, ronchon, susceptible, peu conciliant, cabot, imbu de sa personne...
Pagnol est beaucoup plus diplomate tout étant malin, tolérant, calculateur...
En fait, nous assistons à une sorte de partie d'échecs entre deux advesaires complètement dissemblables. Pagnol est obligé de s'en tenir à une stratégie d'anticipation. Il lui faut prévoir les réactions de Raimu, les analyser, et les contrer. Raimu, lui, a un jeu plus direct. Il fonce, tonitrue, vitupère, s'indigne, joue les coquettes.
Il faut souligner la présence incomparable de Michel Galabru. Avec sa grosse voix rocailleuse et chantante telle un torrent dévalant la garrigue, il incarne Jules avec une gourmandise et un bonheur évidents. Sa rondeur, ses mimiques, son oeil rieur, ses moues, ses intonations, sa façon de se faire complice avec le public, expriment toute la rouerie et l'immense talent dont faisait preuve son illustre prédécesseur dans le rôle de La femme du boulanger. Personne d'autre que lui n'aurait pu endosser une aussi volumineuse personnalité.
Philippe Caubère, de son côté, en arrive parfois à se départir de son rôle pour regarder jouer Galabru. Il porte vers lui des regards affectueux, chargés de respect et d'estime, qui n'altèrent en rien la qualité du jeu puisque on peut se permettre de penser qu'il en était de même de la part de Pagnol vis-à-vis de Raimu.

Une chose est sûre, Pagnol a atteint la célébrité grâce à Raimu, et celui-ci a s'est hissé au sommet de son art grâce à la dramaturgie du premier. L'un sans l'autre, ils n'auraient pas connu un tel succès. Chacun d'eux en était conscient, mais ça ne les empêchait pas de se taquiner.
Raimu n'avait pas son pareil pour trouver des sujets de fâcherie. Alors que Pagnol s'évertuait à lui vanter les formidables débouchés qu'amenait le cinéma, lui il y était totalement hostile et défendait âprement les vertus du spectacle vivant. Impitoyable, il adorait aussi décider du choix de ses partenaires. Il remettait aussi continuellement sur le tapis ses problèmes de cachets. Il voulait toujours plus.

De chamailleries permanentes en pseudo fâcheries, c'est tout un pan du cinéma et du théâtre français qui se dresse et défile ainsi devant nous. Certaines lettres de Raimu sont pleines d'une réjouissante truculence. Quant à Marcel Pagnol, ce "menteur de charme" comme l'avait baptisé Fernandel, il fait preuve d'une plume subtile et redoutable. Il atteint des sommets dans cette lettre dans laquelle il explique que sa mission est de "faire rire". Un grand moment de littérature !
Certaines phrases, certaines anecdotes sont du domaine de l'anthologie.
On réalise combien ces deux personnages comptent dans notre patrimoine, l'un - Pagnol - à travers son oeuvre romanesque, théâtrale et cinématographique. L'autre - Raimu - à travers toute une galerie de personnages qui ont marqué une période du cinéma français d'une empreinte indélébile.

SAVOUREUX ! On passe un moment savoureux en compagnie de ces deux monstres sacrés. Deux monstres du passé et deux monstres de la scène d'aujourd'hui. Merci à vous messieurs.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonsoir,

je rentre du théatre de Béziers j'ai été très émue de ce beau spectacle j'ai découvert qui était Raimu, son caractère de cochon adorable ! Seule une chose m'a gênée j'ai trouvé que les acteurs lisaient trop les textes ne les faisaient pas assez vivre.. mais bon c'était tellement bon que j'en redemande !
Nicole