mercredi 17 octobre 2012

Les grands moyens


La Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une comédie de Stéphane Belaïsch et Thomas Perrier
Mise en scène par Arthur Jugnot et David Roussel
Scénographie de Sarah Bazennerye
Avec Cyril Garnier (Max), Guillaume Sentou (Léo), Magaly Godenaire (Laura), Marie Montoya (Salomé)

L’histoire : Max va piéger Laura ; il voudra piéger Salomé mais sera piégé par Léo qui voulait piéger Laura…
Léo est en plein chagrin d’amour. Il vivait avec Laura, elle l’a quitté il y a quelques mois. Elle lui reprochait ce que toutes les femmes reprochent aux hommes en général : égoïsme, immaturité, lâcheté, etc… Léo en discute avec Max dans le bar tenu par Salomé, la cousine de Laura. Un plan diabolique va alors se mettre en place. Télécommandé par Léo, Max va séduire Laura puis se saborder volontairement afin de la dégoûter des hommes et de leurs faiblesses…

Mon avis : Et bien, ce spectacle n’est pas moyen, il est grand ! Une fois encore le Théâtre de la Gaîté porte bien son nom avec cette comédie trépidante et follement drôle. Drôle, mais avec une vraie histoire remarquablement ficelée. En effet, les « ficelles » (ou rebondissements) se croisent et s’entrecroisent à l’infini pour finir par nous fournir un invraisemblable canevas. L’écriture, le ton et le traitement de cette pièce sont hyper modernes. A une époque où tout va très vite et où règne la zapette, il ne faut pas laisser au spectateur le temps de se poser. Il se passe trop d’événements, de bouleversements, de gags, d’effets visuels… On se demande en permanence comment ces quatre là vont se sortir de leur imbroglio sentimental.
Car Les grand moyens est avant tout une comédie sentimentalo-romantique. Le fil rouge en est l’amour et, en corollaire, les sempiternelles relations hommes-femmes. Même si la pièce se veut générationnelle puisqu’elle implique des trentenaires, les histoires de couples concernent tout le monde.

Cette pièce, c’est du Marivaux. On aurait pu ainsi emprunter différents titres à son œuvre sans en dénaturer le sens. Les exemples abondent : L’Amour et la Vérité, La Surprise de l’amour, La Double inconstance, Le Dénouement imprévu, La Seconde surprise de l’amour, L’Heureux stratagème, L’Epreuve… C’est confondant de voir comme chacun de ces titres pourrait parfaitement convenir. Mais, comme ici Marivaux est complètement revisité par les Monty Python, on ne saurait faire référence au Jeu de l’amour et du hasard. S’il y a en effet du jeu et de l’amour, il n’y a en revanche aucune intervention du hasard car dans la pièce de Belaïsch et Perrier, le destin est sans cesse téléguidé. Sans le stratagème machiavélique fomenté par Léo, il n’y aurait pas d’histoire…
Elle est toute simple l’idée de Léo : faire séduire son ex, Laura, par un bellâtre qui va se révéler être un gougnafier pour que, par effet comparatif, elle réalise ce qu’elle a perdu en le congédiant. De loin, ça paraît imparable, mais l’âme humaine – et en priorité la mentalité masculine – est imprévisible. Le boomerang ainsi lancé un peu inconsidérément, peut vous revenir encore plus vite en plein cœur… Et puis il y a les impondérables. Comment Léo aurait-il pu s’imaginer que Salomé, la cousine de Laura, allait s’enticher grave de lui ? Lui, indécrottable romantique, comment pourrait-il se glisser dans l’esprit de Max, dragueur invétéré, queutard quasi professionnel, pour l’amener à agir selon ses principes ? Devenant ingérable, la combine échappe dès lors à tout contrôle…

Non seulement Les grand moyens est un véritable petit bijou d’écriture, mais cette comédie est servie par une mise en scène au rythme échevelé, truffée de trouvailles ingénieuses. Devant tant d’inventivité, Jugnot n’est pas le Roi Arthur, mais Merlin l’Enchanteur ! Or, pour qu’une machine aussi méticuleusement huilée puisse tourner à plein régime, il faut qu’elle soit actionnée par des comédiens qui puissent non seulement s’associer à ce délire totalement maîtrisé mais aussi lui apporter leur propre folie. Et actuellement, il n’existe aucun binôme aussi explosif et performant que celui formé par Cyril Garnier et Guillaume Sentou. Arthur Jugnot, qui les avait eus pour partenaires dans la pièce elle-même louftingue, A deux lits du délit, savait exactement ce qu’il pouvait attendre de ces deux énergumènes. Non contents d’assurer sur le strict plan de la comédie, ils y mettent leur petit plus, à savoir quelques prouesses physiques complètement cartoonesques qu’ils sont les seuls capables d’accomplir.

Dans cette pièce la rapidité des échanges et l’enchevêtrement des situations sont tels qu’on ne sait vraiment plus où donner de la tête. Et on rit, on rit, on rit… Sincèrement, chapeau aux auteurs. Il en faut de l’imagination pour réussir à concocter une comédie aussi bien construite et qui nous tienne en haleine du début à la fin sans aucune incohérence. La manière dont les dialogues s’enchaînent est d’une rare originalité, surtout au théâtre, où tout se déroule en direct. Et le rythme est donné par la succession nerveuse de petites saynètes. C’est réellement magistral. Il y a vraiment de superbes idées. Ne serait-ce que de jouer les deux versions d’une scène : celle qui était prévue et celle qui s’est réellement passée. L’effet de surprise sur nous est d’autant plus réjouissant.

Du début à la fin, on se sent en empathie avec les quatre protagonistes des Grands moyens. Ils nous ressemblent, ils sont comme nous, avec leurs doutes, leur quête de bonheur. Le casting est parfait, épatant. Pour donner la réplique à ces deux hurluberlus de Garnier et Sentou, il fallait deux jeunes femmes promptes à s’engouffrer dans ce joyeux univers et aptes à y ajouter leur grain de folie. Magaly Godenaire et Marie Montoya campent avec autant de malice que de sensibilité ces deux jeunes femmes en mal d’amour en mal de mâles. Contrairement aux bonshommes, elles restent lucides, même si, heureusement, elles ne sont pas toujours raisonnables.
Je ne peux que vous recommander le plus chaudement cette pièce joyeuse, pleine d’humour et pleine d’amour. C’est une réussite totale, à tous les niveaux. Que ce soit sur le plan de l’écriture, sur celui de la mise en scène te sur celui du jeu d’acteur, ils y ont tous mis le meilleur d’eux-mêmes. Les grands moyens, quoi !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour cet avis.
Nous avons pris nos billets pour Novembre.

Bernard.

Cindy a dit…

Genialissime

Je suis allé voir cette pièce car je suis fascinée par le talent de Garnier et Sentou et je voulais suivre leur aventure. Et bien je ne cacherai pas qu'en allant voir ce vaudeville j'ai découvert encore plus ces deux fous qui me font déjà bien rire car je les ai découvert dans quelque chose de romantique. C'est difficile à admettre mais ils sont capable de provoquer en nous ce petit malaise face à la situation difficile de leur personnage. On se laisse prendre dans l'histoire, on est captivé. On est aussi bouleversé que ces quatre personnages. Oui, parce que je suis venu pour ces deux gars mais en venant les voir j'ai découvert deux ravissantes jeunes femmes bourrées de talent! Drôles, émouvantes et talentueuses. Je ne regrette pas du tout d'avoir été voir les Grands Moyens et pour tout dire s'il m'est possible d'y retourner je n'hésiterai pas une seule seconde.
Bravo ! Et courez vite voir cette pièce si ce n'est le déjà fait.