mardi 20 novembre 2012

Nini


L’Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 48 00 04 05
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce écrite et mise en scène par Gil Galliot
D’après une idée originale de Sandra Gabriel
Avec Sandra Gabriel

L’histoire : Paris, octobre 1943. Au cabaret du Tire-Bouchon, le rideau s’ouvre comme chaque soir sur Nini, personnage haut en couleur, dotée d’une gouaille sans pareille et qui, sous la forme d’une revue, se raconte et met sa vie en scène en chantant et dansant devant un parterre de vert-de-gris et de noceurs. Nous sommes en plaine Occupation allemande…
Nini, reine de la nuit et femme hors norme, tombe amoureuse de Hans, un sous-officier de la Wermacht, sans se soucier de son statut d’occupant puisqu’il occupe son cœur avec bonheur…

Mon avis : Le théâtre de l’Archipel est en réalité un îlot convivial et confortable. On s’y sent bien. La scène de la petite salle où se joue Nini ne fait que quatre mètres de large, ce qui est peu. Surtout quand on découvre la performance artistique et physique que va y accomplir Sandra Gabriel dans le rôle-titre…
Pour être tout à fait honnête, je suis rentré dans ce spectacle sur la pointe des pieds. J’ai été certes immédiatement charmé et amusé par la gouaille de Nini, jeune Normande montée à Paris pour y concrétiser son rêve de jeune fille : devenir artiste. Elle va d’ailleurs préciser un peu plus tard qu’après trois générations de femmes qui gagnaient leur vie « horizontalement », elle va être la première à la gagner de façon « verticale ». Ça en dit déjà long sur son état d’esprit… Nini est une nature. Elle déborde de joie de vivre et de sensualité, elle est espiègle, insouciante, taquine, mais surtout très saine. Et très « scène » aussi. Elle sait tout faire : c’est une conteuse truculente, qui appelle un chat un chat, qui a parfaitement assimilé l’argot de Pantruche, et elle est également une remarquable danseuse et une excellente chanteuse. Une chanteuse réaliste à la manière des héritières de Berthe Sylva, Fréhel ou Damia.

Donc Nini se raconte. Avec beaucoup d’humour et d’autodérision. Elle évoque son enfance, les passés de gourgandines de son arrière-grand-mère, de sa grand-mère et de sa mère ; elle fait revivre le curé et l’instituteur. En dépit de cette lourde hérédité de femmes légères, alors qu’elle fort bien faite de sa personne, Nini préfère prendre son destin en main. Elle ouvre le bocage à l’oiseau qui vibre en elle. Après s’être produite dans différentes cabarets parisiens, elle est devenue meneuse de revue au Tire-Bouchon, un établissement dont l’essentiel de la clientèle est composé soldats allemands. Elle, elle n’a pas d’états d’âme. Elle aime son boulot, elle s’éclate sur scène, elle donne sans compter, sans arrière-pensée. Mais, néanmoins, elle est complètement lucide sur ce que vivent les Français sous le joug de l’occupant.
Son slogan est aussi simple qu’imparable, elle est « une femme libre sous l’Occupation »… Facile à dire, moins facile à vivre. Surtout quand on nourrit une sincère passion amoureuse pour un sous-officier de la Wermacht, le beau et sentimental Hans… On pense alors furieusement à Arletty, et aussi au formidable film de Louis Malle Lacombe Lucien, deux histoires qui font réfléchir et qui poussent à l’indulgence, avec le sempiternel questionnement : « Qu’aurions-nous fait à leur place, dans la même situation ? ».

Pour en revenir à Nini, plus le spectacle avançait, plus je me laissais happer et entraîner par la folle générosité de Sandra Gabriel. Elle est débordante de vie, de simplicité et de naturel. Elle demande à ne pas être jugée. On ne peut que la comprendre et l’aimer. Et on l’aime de plus en plus. Et encore plus à la fin.

Nini est vraiment un beau spectacle, remarquablement écrit, intelligent, drôle, entraînant et émouvant. Sandra Gabriel EST Nini. Elle est complètement investie par son personnage. Elle y va à fond, humaine et impudique. Et surtout libre et assumée.
Il faut en outre souligner la qualité de la bande-son et aussi l’importance des images d’époque projetées sur un écran. Ce qui accroît le ton de véracité et le réalisme du récit. Si bien que, devant tant d’authenticité, on se demande à la fin si cette Nini n’a pas réellement existé. Mais il a dû y en avoir des Nini comme elles durant cette période trouble et agitée… En tout cas, elle nous donne à voir une bien belle histoire de femme…


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