vendredi 23 mars 2018

Emmanuelle Bodin "Au bord de la crise de mère"


Les Feux de la Rampe
34, rue Richer
75009 Paris
Tel : 01 42 46 26 19
Métro : Cadet / Grands Boulevards

Ecrit par Emmanuelle Bodin et Vincent Varinier
Mis en scène par Eric Delcourt
Voix off de Romy Mulot

Présentation : Le spectacle féminin et féministe qui ne maltraite pas les hommes ! (enfin… presque pas !)
Emmanuelle vous emmène dans sa quête folle et difficile : devenir une femme.
A travers la rencontre de personnages truculents : son psy misogyne, sa mère sexo-féministe castratrice, son ex gros macho au cœur d’artichaut, sa meilleure copine que l’amour rend non seulement aveugle mais aussi décérébrée, sa fille précoce et éco-responsable, sa coach de préparation à l’accouchement très… directe…
On suit les péripéties d’Emma, trentenaire, célibataire, un enfant, qui essaie d’être une femme moderne avec toutes ses contradictions… Peut-on être féministe, sexy, et aimer les hommes ? Comment gérer la charge mentale d’une maman et rester coquette, intéressante, amie et amante ?

Mon avis : Emmanuelle Bodin, alias « Emma », est une véritable tornade. Dès son entrée sur scène, elle nous empoigne et, pendant une heure, elle ne nous lâchera plus une seule seconde. Elle est impressionnante d’énergie et de bagout.

Au bord de la crise de mère est un spectacle bien conçu car il nous raconte une tranche de vie dans sa chronologie. Son héroïne, Emma, qui ressemble furieusement à Emmanuelle Bodin, nous confie ce laps de temps qui a entouré sa grossesse, de sa conception à la naissance de sa fille. Tout au long de ce parcours de la combattante (surtout battante), elle incarne les principaux protagonistes qui jalonnent son quotidien. Cela donne lieu à une galerie de portraits plutôt croustillants. Personnellement, je préfère les spectacles à sketchs au stand-up parce que je garde en mémoire certains personnages hauts en couleurs, bien dessinés et définis psychologiquement et physiquement.
Ici, difficile de ne pas quitter la salle en ayant en tête les délires hystérico-nunuches de la copine Audrey, la balourdise sympathique de Gérard, géniteur à son insu, la truculence autoritaire et castratrice de Marie-Jo la maman, ou la virilité digne d’un entraîneur de GI de la coach en accouchement…


Emmanuelle Bodin incarne tout ce petit monde avec une aisance fascinante. Elle prend des attitudes, change de voix, crée des dialogues, joue les situations, prend le public à témoin… Bref, elle n’arrête pas… Il faut admettre qu’elle possède pas mal d’atouts pour se lancer dans la discipline du seule en scène : elle possède un physique sur lequel je ne m’étendrai pas pour ne pas être taxé de « porcitude », c’est une excellente comédienne, elle est athlétique, danse à merveille… Les féées ont été sympa avec elle en se penchant sur son berceau. Tout ce que je viens de dire vaut pour la forme (et les formes).


Bonus à ce spectacle : il y a du fond. Les nombreuses vannes et les (bons) jeux de mots servent en fait à faire passer subtilement une poignée de messages sur la condition de la femme. A l’instar de Monsieur Jourdain, Emma fait du militantisme sans le savoir. Ou, du moins, en feignant la naïveté, alors qu’en réalité, elle n’est pas dupe. Et nous non plus. Son analyse des nombreux avantages que possède la gent masculine est imparable. Aussi, après cet exposé liminaire, telle Sisyphe, elle essaie de remonter la pente pour y hisser le lourd rocher de la féminité. C’est écrit très intelligemment (superbe parodie de la tirade du nez de Cyrano) car, alors que son langage est plutôt cash et cru, elle insinue et suggère plus qu’elle ne condamne. Sa lucidité sur les rapports hommes-femmes la pousse à l’indulgence, ce qui est assez rassurant pour l’avenir ; un avenir incarné par sa fille de fiction, Olympe, dont je suppose que le prénom n’est pas anodin. Suivez mon regard du côté d’une certaine de Gouges…

En conclusion, Emmanuelle Bodin jouit d’un énorme potentiel. Son éventail est très large. Elle ne devrait pas tarder à trouver sa place en tête du peloton de nos femmes humoristes, de plus en plus nombreuses et de plus en plus talentueuses.

Gilbert « Critikator » Jouin

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