samedi 2 février 2019

Elisabeth Buffet "Obsolescence programmée"


Théâtre du Marais
37, rue Volta
75003 Paris
Tel : 01 71 73 97 83
Métro : Arts et Métiers

Seule en scène écrit et interprété par Elisabeth Buffet
Mis en scène par Nicolas Vital
Direction artistique : Jarry

Présentation : « Les temps changent… Ne pouvant plus capitaliser sur un physique en faillite, je mise sur un charme intellectuel pour vous régaler de mes débauches oratoires, de mes libertinages lexicaux. Je suis heureuse de vous présenter mon nouveau spectacle : Obsolescence programmée » (Elisabeth Buffet)
Avec ce spectacle, Elisabeth Buffet se livre et nous délivre sa vision très personnelle de notre temps. A l’aube de ses 50 ans, elle assume tout, s’affranchit des conventions avec humour, enthousiasme et esprit. C’est une Elisabeth Buffet renouvelée mais fidèle à elle-même qui s’offre à nous. Une bouffée de liberté jouissive qui fait du bien.

Mon avis : Après deux spectacles tonitruants et résolument croustillants, Elisabeth Buffet a voulu dresser son état des lieux. Avec Obsolescence programmée, elle analyse son présent tout en jetant dans son rétroviseur un regard à la fois ironique et nostalgique.
Elisabeth Buffet s’est carrément mise au défi d’écrire la légende de son demi-siècle. Dans ce nouveau spectacle, on retrouve certes le personnage exubérant et haut en couleur qui a fait son succès, et pour lequel on s’est déplacé, mais on découvre aussi une nouvelle facette de son talent : l’écriture. Dans ce seule en scène, l’auteure s’est brillamment hissée au niveau de la comédienne.

Photo : Julien Benhamou

Prise d’une irrépressible envie de poéter, Elisabeth Buffet ouvre son spectacle avec une superbe tirade en alexandrins sur le temps qui passe puis, toujours sur ce même thème, elle enchaîne avec un slam particulièrement réjouissant. Déjà, on est séduit par la qualité de l’écriture de ces deux exercices. Le vocabulaire est riche, imagé, évocateur ; les formules, toujours aussi percutantes, font mouche à chaque fois.

Photo : Julien Benhamou

Cinquante ans peut-être, mais toujours sale gosse. Consciente qu’on ne pourra jamais réparer du temps l’irréparable outrage (« J’ai renoncé à faire jeune »), elle accepte de se résigner et d’accepter sa décrépitude physique mais, fidèle à son tempérament viscéralement rebelle, elle se cabre et veut encore essayer de se livrer au doux jeu de la séduction. Et de nous narrer avec force détails ses tentatives pathétiques d’allumer le mâle. Evidemment, ces efforts seront vains et Elisabeth va rester misérablement « seule dans sa culotte ». Telle la chèvre de Monsieur Seguin, elle aura lutté ; mais lorsque le petit jour arrive, elle voit enfin clair et se détermine à remiser sa libido dans le coffre de ses souvenirs. Les chants désespérés étant les chants les plus beaux, elle va traduire son marasme avec lyrisme.

Photo : Julien Benhamou

Elisabeth Buffet assume sa schizophrénie sémantique. Elle aime autant les gros mots que les beaux mots. Du coup, « bite » cohabite avec « cénobite ». Dans son texte surgissent des termes rarement utilisés dans un spectacle d’humour. Le langage est châtié, le ton est délicat. Et puis, son côté provoc’ resurgit. Le fait d’être convaincue d’avoir atteint sa date de péremption, la rend misanthrope et asociale. Etablissant un parallèle avec ses propres 13 ans, elle ironise sur les comportements des ados d’aujourd’hui immergés entre autres dans un monde virtuel. Puis, allez savoir pourquoi, elle s’acharne sur la ville bourguignonne de Montceau-les-Mines ; parenthèse pittoresque émaillée d’exemples savoureux.


Ce spectacle passe comme une obsolète à la poste tant il est complet. Lorsque la qualité textuelle se met au diapason de la puissance du jeu, on frise la perfection. En auteure de sainteté, Elisabeth met tous ses dons d’actrice au service de ses mots. Ses postures, sa démarche extravagante, ses gestes désordonnés, son visage incroyablement expressif, ses mimiques… bref, tout son éventail créatif est utilisé pour notre plus grand bonheur. Aujourd’hui, Elisabeth Buffet est vraiment au sommet de son art. Elle est très loin d’avoir atteint son obsolescence artistique.

Gilbert « Critikator » Jouin

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