mercredi 29 octobre 2008

Je m' voyais déjà


Théâtre du Gymnase Marie-Bell
38, boulevard Bonne-Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne-Nouvellle

Paroles et musique : Charles Aznavour
Livret : Laurent Ruquier
Mise en scène : Alain Sachs
Direction musicale : Gérard Daguerre
Chorégraphie : Patricia Delon
Avec Diane Tell (Francesca Lavi), Pablo Villafranca (Danny), Stéfi Celma (Virginie), Jonatan Cerrada (Nicolas), Arno Diem (Alexandre), Julie Lemas (Chloé), St-Cyr (Abdel)

Ma note : 8/10

L'histoire : Une demi-douzaine de jeunes, représentative de la France d'aujourd'hui, viennent de se faire jeter d'un casting. Mais ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas été retenus qu'ils sont nuls ! Alors ils décident de se battre. Avec l'aide d'une chanteuse un peu oubliée, qui attend ell-même une seconde chance, ils vont tenter de monter un spectacle. Leur spectacle. Leur propre comédie musicale dont le fil rouge et unique inspirateur sera... Charles Aznavour.

Mon avis : Je dois reconnaître que je ne me suis pas rendu au théâtre du Gymnase avec le plus grand enthousiasme. Je traînais un peu les pieds. Connaissant bien le répertoire de Charles Aznavour, je me demandais comment Laurent Ruqier avait pu concocter un spectacle qui ne soit pas que l'égrènement , voire la litanie, d'une cinquataine de titres qui font pout la plupart partie de notre mémoire collective. J'étais tout de même assuré d'entendre des chansons d'une extrême qualité. C'était déjà ça. Alors, je me suis dit "On ne sait jamais"...
Deux heures plus tard, je vous jure Sur ma vie, j'étais dans un état proche de celui dans lequel on se sent Après l'amour : heureux, optimisme, requinqué. Ce spectacle est en tout point, en tout cas For me, formidable. J'en ai même oublié Mes emmerdes...

Avant tout, il faut souligner la présence d'un orchestre live composé de cinq musiciens. Que des pointures, des instrumentistes que l'on a l'habitude de voir officier entre autres dans La Nouvelle Star. Cette présence bonifie et tonifie le spectacle.
Ensuite, il faut mettre en exergue l'esthétique du décor, le rendu des façades et des rues de Paris et l'agrément qu'apportent de nombreuses projections d'affiches de music-hall, justement. C'est judicieux, référent, et ça apporte énormément de vie.

Laurent Ruquier a eu l'intelligence d'écrire une véritable histoire. C'est toute une dramaturgie qui se déroule sous nos yeux. Chacun des protagonistes de cette aventure musicale présente un profil psychologique scrupuleusement dessiné. L'attribution des titres ne s'est visiblement pas faite au hasard, mais en fonction justement de ces différents types. Les dialogues sont savoureux, incisifs, très modernes, saupoudrés de clins d'oeil malins sur l'actualité, la politique... La patte Ruquier, quoi, dans ce qu'elle a de meilleur ; ça déborde de tendresse, de fraternité, d'humour. c'est truffé d'anecdotes sur certaines chansons. C'est nickel !
Chaque chanson bénéficie d'un traitement particulier. Ici, rien n'est gratuit, rien n'est anodin. On ne chante pas de l'Aznavour pour chanter de l'Aznavour. Chaque chanson s'inscrit "à juste titre" dans un moment de l'histoire. Autour d'un Emmenez-moi qui joue les Arlésienne tout au long du spectacle, on découvre par exemple un Retiens la nuit très parodique, un Pour faire une jam façon West Side Story, une martiale Marche des anges, un facétieux détournement de La Mamma, de psychédéliques Plaisirs démodés, un pot-pourri hyper romantique... Il ne faut pas en révéler plus pour vous laisser le plaisir de la découverte et des (bonnes) surprises.
Il y a de superbes tableaux et des trouvailles dans les chorégraphies réellement très originales.

Le casting est parfait. Les mélodies de Charles Aznavour n'auraient supporté aucune fausse note à ce sujet.
Fort de sa longue expérience dans les comédies musicales, Pablo Villafranca joue un peu au grand frère. Sa voix rocailleuse fait merveille. Et il n'a jamais peur de forcer sur la parodie (Un Mexicain) et son organe excelle dans l'émotion (Non, je n'ai rien oublié). C'est un pilier.
Stéfi Celma, liane sensuelle, joue les séductrices et les femmes amoureuses avec conviction. Elle peut se le permettre. Elle est très à l'aise dans son corps, bonne comédienne, elle est fraîche, pleine de dynamisme. Son interprétation de Prends garde à toi est un des grands moments du show. C'est vrai, elle nous donne parfois show aussi...
Jonatan Cerrada, premier vainqueur de La Nouvelle Star, joue au petit con avec énormément de finesse. C'est le bougon de la bande. Il cache en fait son extrême pudeur derrière une pseudo arrogance. Et quand il faut envoyer, il envoie. et à la fin de l'envoi, il nous touche avec une sublime version de Au creux de mon épaule.
Arno Diem est surprenant. A priori, on le décide fragile et il se révèle être un sacré danseur, une sorte d'elfe aérien, vibrant, brûlant d'une intense feu intérieur. Un personnage très attachant.
Julie Lemas assume avec beaucoup d'autodérision sa légère surcharge pondérale. Très bonne comédienne, elle joue à ravir les nunuches chouineuses un peu complexées. Mais quand il faut danser, même si c'est compliqué, elle est là. Elle apporte énormément à ce spectacle. Et, elle aussi, elle chante !
St-Cyr, quant à lui, est le bouffon de la bande. Incroyablement souple, c'est un véritable zébulon qui saute et cascade dans tous les coins. Il est une sorte d'électron libre tout en se montrant très sensible à l'esprit d'équipe. Il tourne tout à la rigolade. Son but essentiel dans la vie, c'est d'interpréter Emmenez-moi. Mais y parviendra-t-il ? Et, là où l'on aurait attendu Arno Diem, il s'avère très subtil de lui avoir confié à chanter Comme ils disent. Il lui apporte une jolie touche d'émotion.
Et puis il y a Diane Tell... Je suis un peu plus circonspect à son égard. Je n'arrive pas à affirmer qu'elle est à sa place dans ce rôle de cheftaine. Manque d'autorité sans doute, manque d'envergure. Sa première apparition, affublée d'une horrible robe orange aux couleurs du Modem, n'est pas non plus pour la servir. Et puis dans les chansons un peu rapides, là où il faut pulser, on ne la sent pas toujours très juste. Heureusement, la deuxième partie est bâtie sur mesure pour elle. Elle est vraiment excellente quand les chansons demandent d'exprimer du sentiment, de la mélancolie. En même temps, on comprend que tous ces jeunes gens se prennent d'affection pour elle car elle est vraiment sympa avec eux.

Conclusion, Je m' voyais déjà est un spectacle total, absolument réussi. On n'a pas envie que ça s'arrête tant on y prend du plaisir. Monsieur Aznavour doit être très fier de ce superbe hommage à son incomparable talent d'auteur-compositeur-interprète.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

St Cyr en a-t-il eu marre de faire l'homme-oh? Ce soir, c'est Arno Diem, le perso gay du show, qui a chanté cette chanson. C'était la seule fausse note (ou attendue, comme vous dites) sur plus de 2 heures de bonheur. Et j'ai trouvé Diane Tell parfaite en madone alcoolo des fans d'Aznavour:)

Anonyme a dit…

Arno Diem continue. Sortie de son premier single il y a quinze jours.

A découvrir : http://www.youtube.com/watch?v=CcstNpcbfuE