lundi 23 mars 2009

Laurent Lafitte "Comme son nom l'indique"


Palais des Glaces
37, rue du Faubourg du Temple
75010 Paris
Tel : 01 42 02 27 17
Métro : République / Goncourt

Un spectacle écrit et mis en scène par Laurent Lafitte et Cyrille Thouvenin

Ma note : 6,5/10

Mon avis : Avec sa bouille et son physique de premier de la classe, on le verrait plus volontiers attaché commercial ou banquier. Finalement, cette allure de gendre idéal, il l'utilise a contrario pour jouer et distiller de pures horreurs. C'est qu'il est gonflé le garçon ! On ne peut pas dire que son spectacle ressemble à celui de qui que ce soit d'autre. Déjà, il s'inscrit dans l'univers des sketches. Le stand-up, ce n'est pas son truc. Ou alors, c'est pour le tourner en dérision.
Avec Laurent Lafitte, rien n'est convenu, rien n'est conventionnel. De l'audace, toujours de l'audace, mais avec cet air immuable de celui à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Son entrée en scène ne laisse pas présager de ce qui va nous tomber dessus par la suite. Il nous la joue cabaret, frisant la grâce d'une danseuse du Lido. Mais, s'il ne campe pas longtemps la Bluebell pour aller danser, il possède néanmoins un déhanché ravageur et une façon de bouger très personnelle...
Du Lido à Ladurée, il n'y a que les Champs Elysées à traverser légèrement en diagonale. Car c'est dans ce salon de thé très huppé que son premier personnage nous entraîne. Ce premier personnage, c'est "Granny". Elle est effectivement aux pommes, mais aux pommes... vertes. Car elle n'est pas vraiment trognon cette mammy futile et égocentrique, narcissique et odieuse, aussi affectée qu'elle peut se montrer grossière. Elle n'a rien de sympathique, elle est aussi sentimentale qu'un pape devant une boîte de Durex. Dans ce sketch, on mesure toute l'étendue de son art consommé de comédien. Des tics récurrents (une paupière qui tombe, conséquence d'un lifting un peu faiblard), des mimiques, de brutaux changements d'attitude selon son interlocuteur, une voix qui part soudain dans les aigus... C'est d'une précision redoutable. On la voit la mère-grand et on aimerait bien que le loup surgisse pour pour lui faire choir la bobillette...

C'est déjà un tour de force que se muer ainsi en mammy et de nous la rendre aussi matérielle. On sait déjà que, quel que soit l'individu qu'il va inviter dans sa galerie de portraits, il sera tout aussi crédible et aussi finement interprété. Je ne veux pas vous dévoiler le contenu de cette dizaine de sketches. Mais il y a quelques personnages qui risquent de rester longtemps gravés dans vos mémoires. Personnellement, je place en pole position le pseudo comique qui s'évertue à faire du "stand down" avec des blagues toutes plus lamentables les unes que les autres. il n'a pas dû être facile à écrire ce sketch parce que ça doit être sacrément compliqué de trouver des vannes aussi affligeantes et les dire en guettant les approbations du public et en ayant l'air concaincu qu'elles sont excellentes... Et puis il y a la Tatie des Sixties. C'est le sketch le plus abouti, le mieux écrit, le plus fin aussi.

Sinon, Si vous allez vous poser au Palais des Glaces (dans la grande salle désormais) aux alentours de 21 h 30, sachez que vous vous exposez à être plus ou moins choqués. Oreilles chastes et âmes prudes s'abstenir. Laurent Lafitte nous entraîne en effet dans des endroits où la plupart d'entre nous n'ont pas coutume de se rendre. Il se livre sur scène à quelques pratiques qui provoquent - selon que l'on est du sérail ou pas - des gloussements de plaisir complices ou des petits cris horrifiés, voire des rires nerveux. Il met le doigt (et parfois plus) dans le fondement des choses. Et il tourne !!!! Il y a parfois des descriptions avec une abondance de détails très crus, très réalistes (quand un ticket de métro n'a pas parfaitement rempli son office, par exemple...). C'est la cerise sur le scato, quoi !

Donc Laurent Lafitte peut tout jouer, tout dire, tout faire. Et ce, avec un réel talent. Il ne s'autorise aucune concession, il foule au pied tout ce qui peut être politiquement correct avec une jubilation de sale gosse. D'ailleurs, le mot "correct" ne figure plus depuis longtemps dans son glossaire. Avec lui, vous pénétrez en terrain miné. Plus il y a de trucs qui nous pètent à la gueule, plus il doit se sentir hureux et satisfait. Mais il pousse le vice à ne pas nous le montrer, le grossier personnage.
Ce spectacle d'une totale originalité, présente toutefois quelques inégalités, quelques chutes de tension. Remarquez, ça permet aussi de récupérer. Si c'était tout le temps du même haut niveau de truculence et d'horreur, on ne pourrait pas tenir.
En tout cas, voici un artiste qui, s'il persévère dans ce registre où il est quasiment tout seul, n'a pas fini de nous surprendre, de nous effaroucher, et de nous plaire. Il peut très vite devenir (cu)culte...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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