mardi 6 octobre 2009

Victor


Un film de Thomas Gilou
Avec Pierre Richard (Victor), Lambert Wilson (Courcelle), Clémentine Célarié (Sylvie Saillard), Antoine Duléry (Guillaume Saillard), Sara Forestier (Alice), Mohamed Hicham (Paco), Marie-France Mignal (la mère de Sylvie), Jacqueline Corado Da Silva (Hyacintha), Raphaël Bongiorno (Félix Saillard), Manon Chevalier (Marguerite Saillard)
Sortie le 7 octobre 2009

Ma note : 6,5/10

L’histoire : Alice, jeune stagiaire dans un magazine people, se prend d’affection pour son voisin de palier, Victor, charmant vieillard érudit abandonné de tous et sur le point d’être expulsé de son logement. Elle va bientôt trouver une solution à son problème : organiser un concours au sein de son journal dont le gain sera l’adoption de Victor. A l’issue du casting, c’est la famille Saillard qui gagne le droit de l’accueillir. Mais l’arrivée du sémillant octogénaire, censée apporter joie et bonne humeur, tourne rapidement à l’aigre. Les failles de chacun éclatent au grand jour et bouleversent le cadre d’une famille qui semblait pourtant bien sous tout rapport…

Mon avis : Victor, c’est une fable. Une fable à morale et amorale.
A morale, parce que ce film véhicule au départ un joli message de générosité et d’altruisme. Alice (Sara Forestier) est totalement sincère quand elle veut venir en aide à son vieux voisin totalement désemparé. Elle ne peut se résoudre à le laisser ainsi à l’abandon. Son attitude nous fait donc ouvrir les yeux sur le manque d’attention et d’intérêt dont on fait souvent preuve vis-à-vis de nos aînés. La plupart du temps, c’est de solitude qu’ils souffrent le plus. Bien sûr Victor a le refuge de ses chers bouquins, mais cela ne remplace malheureusement pas la communication et la relation humaine.
Amoral parce que rien n’est jamais tout rose dans notre société aux sentiments frelatés par l’intérêt, l’appât du gain, la notoriété. Ces moteurs-là ne peuvent pas tourner tout seuls sans ce fieffé carburant qu’est le mensonge… Au départ, quasiment tout le monde semble honnête et pétri de bons sentiments. Quasiment tout le monde est plutôt sympathique. Mais plusieurs grains de sable vont enrayer cette apparente jolie mécanique…

En préambule, il faut souligner l’originalité du générique constitué de naïfs dessins d’écoliers. Ensuite, on fait progressivement connaissance avec les principaux protagonistes de l’histoire. Alice possède la fraîcheur des gens qui ont encore à l’âme une certaine candeur. Elle est honnête et intègre et Sara Forestier lui apporte justesse et crédibilité… Courcelle, le patron du magazine people Global, est un peu trop caricatural. Lambert Wilson a dû s’en donner à cœur joie en composant un personnage aussi peu estimable, capable de toutes les compromissions et de toutes les bassesses pour faire augmenter le tirage de son journal… Monsieur Saillard est un brave homme, c’est indéniable. Bien sûr, ce n’est pas un philanthrope, le montant du chèque l’intéresse plus que l’adoption proprement dite. Et, peu à peu, pris dans le tourbillon médiatique, il se laisse étourdir par la célébrité. En cela il reste hélas tout simplement humain et nombre d’entre nous adopteraient le même comportement. Antoine Duléry, sobre et tout à fait normal, continue à affirmer sa place de parfait comédien, quel que soit le registre que l’on lui demande… Madame Saillard est superbement interprétée par Clémentine Célarié. Un peu rigide, un peu sentencieuse, c’est une intégriste de la nutrition, elle n’est pas spécialement marrante, mais on voit bien que c’est elle qui fait tourner la maison. Du coup, elle est quelque peu engluée dans son quotidien au détriment de son propre épanouissement. Jusqu’à ce que ce cher Victor lui ouvre les yeux et lui re-titille la libido. Un joli rôle à facettes pour une Clémentine Célarié très convaincante… Et puis il y a Victor. Une composition absolument jouissive pour Pierre Richard. Rarement il lui a été donné d’interpréter quelqu’un d’aussi trouble. Victor a une vraie épaisseur. Sa vraie personnalité est difficile à cerner car il est multiple. Tout autant ermite érudit et réservé que tyran domestique et calculateur, observateur malin de la société qui l’entoure (il est ainsi capable de « détecter les cons », ce qui le rend redoutable), de manipulé il devient manipulateur. Et il parvient tout de même à rester plutôt sympathique. Quand ses mirettes bleues se font humides et qu’il prend un regard de cocker, comment ne pas s’attendrir et tout lui pardonner ? Une superbe prestation que Pierre Richard accomplit tout en finesse.

Victor, ou les vieillards au pouvoir ? Un peu et pas vraiment, car le pouvoir est volatile et il se complaît à changer de main. Ce scénario aurait pu être écrit par Molière qu’il avait vécu à notre époque. Dans cette comédie satirique, où le cynisme prédomine (sauf dans le personnage d’Alice), les rires sont souvent grinçants. Et c’est bien comme ça. Le loupe est mise sur nos petits travers, nos petites bassesses et aussi sur ce que nous pouvons avoir de bon. Allons, tout n’est pas perdu…

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