lundi 26 octobre 2009
Les diablogues
Théâtre Marigny
Carré Marigny
75008 Paris
Tel : 01 53 96 70 00 / 08 92 22 23 33
Métro : Champs-Elysées Clémenceau
De Roland Dubillard
Mise en scène de Jean-Michel Ribes
Décors de Jean-Marc Stehlé
Avec Muriel Robin et Annie Grégorio
Ma note : 8,5/10
Note d’intention : Un grand acteur peut-il interpréter le rôle de Phèdre ? Problablement oui… Tout comme celui d’Andromaque ou de Bérénice. C’est en ce sens que l’on peut affirmer que Racine et Dubillard sont des auteurs d’une importance égale ; même si du point de vue de l’alexandrin, Racine dépasse d’une courte tête Dubillard, tandis que ce dernier fait un tantinet la nique à notre grand classique quand il s’agit de fantaisie.
En effet, nous constations aujourd’hui avec évidence que Les Diablogues, dont les deux personnages sont à l’origine masculins, peuvent être interprétés avec incandescence et délice par deux actrices, surtout lorsqu’il s’agit de Muriel Robin et d’Annie Grégorio. Comme quoi, les personnages des grands auteurs n’ont pas de sexe ou les ont tous.
Mon avis : Elles ont opté pour des couleurs qui pètent. Muriel Robin en tailleur mauve, Annie Grégorio en robe rouge. Ce qui leur permet de se détacher parfaitement sur le décor insolite que l’on a construit adaptable à leurs différentes évolutions. Au premier abord, on dirait une caverne dont les murs et l’ameublement serait recouvert de peaux de bêtes. Evidemment, un tel décor ajoute à l’aspect totalement irrationnel du spectacle qui va suivre, spectacle qui se compose en fait de dix sketches.
Le premier, qui repose sur l’évocation vacharde d’une comédienne qui fut peut-être un monstre sacré, mais qui persiste à se produire alors qu’elle ne semble plus être cotée à l’argus des acteurs depuis belle lurette. Nos deux chipies s’en donnent à (ran)cœur joie. Et vas-y que je te débine avec un ton tout à tour faussement angélique et réellement fielleux. Le non-sens se le dispute aux lapalissades avec un sérieux jubilatoire. Tout de suite se dessinent les registres des deux comédiennes. Si l’absurde n’avait pas existé il eût fallu l’inventer pour Muriel Robin. Elle nage dedans comme un poisson dans l’eau. Elle possède la science du comique dans la moindre de ses mimiques, le moindre de ses gestes. On en arrive à se demander si Louis de Funès n’aurait pas fauté avec Jacqueline Maillant pour enfanter leur digne héritière en drôlerie. Dans cet exercice si précis et pointu qu’est la loufoquerie, elle est d’une virtuosité sans égal… Comme dans tous les tandems qui fonctionnent, il ne faut pas que les deux partenaires jouent la même partition. Si l’un est effervescent, l’autre se doit de se montrer plus placide, plus réservé. L’effet comique en est ainsi accentué. Et Annie Grégorio est idéale dans ce rôle. En fait, notre binôme de bonnes femmes ont choisi d’être tout simplement naturelles. Elles sont elles-mêmes, elles ne cherchent pas le contre-emploi, ce qui rend d’autant plus efficace la cocasserie irrésistible de leurs propos. Bref, c’est du billard !
Après cette entrée « théâtrale », les situations s’enchaînent, très variées, avec pour seul fil rouge l’absurde poussé à son incandescence. Parfois - quasiment en alternance - les gestes prennent le pas sur les mots. C’est ainsi le cas dans ce numéro complètement frapadingue de ping-pong avec balle fictive, dans ce sketch où deux copines juchées sur des plongeoirs, ratiocinent à l’infini pour décider du moment où elles vont sauter à l’eau, ou dans cette surréaliste démonstration de judo… Et, parfois, la bouffonnerie repose presque uniquement sur l’échange verbal comme dans l’évocation de ce collectionneur de… billets de 500 euros, dans ces digressions évaporées sur la recherche de la célébrité, ou dans cette conférence sur le langage avec sa délirante recherche étymologique à partir du mot « langouste »…
Complices à la ville comme à la scène, Annie et Muriel évoluent en permanence à la limite du hors-jeu. Avec un sérieux imperturbable, elles débitent leurs sornettes, prononcent des mots qui n’existent pas comme s’ils avaient toujours fait partie de leur vocabulaire quotidien « Ah, ce facétieux « gobedouille » !), frétillent avec l’élégance de deux dauphines dans l’océan de l’imaginaire sans fond (à tout point de vue) du sieur Roland Dubillard. Quand la science du burlesque atteint un tel niveau et qu’elle est servie par deux comédiennes aussi fines et aussi investies, c’est un bonheur d’esthète. Ce spectacle se déguste comme un grand cru, par petites gorgées que l’on conserve longtemps en bouche, ponctuées de gloussements de satisfaction, et qui nous laissent longtemps après dans un très agréable état de ravissement tout proche de l’ivresse (intellectuelle). Merci Môssieur Dubillard, merci mesdames. On en redemande…
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