mercredi 25 janvier 2012

Le Bourgeois Gentilhomme


Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 00 32
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Comédie-ballet de Molière et Jean-Baptiste Lully
Mise en scène par Catherine Hiegel
Costumes de Patrice Cauchetier
Décor de Goury
Chorégraphies de Cécile Bon
Direction musicale de Benjamin Perrot
Avec : François Morel, Marie-Armelle Deguy, Emmanuel Noblet, Alain Pralon, Stephen Collardelle, Héloïse Wagner, Camille Pélicier, Gilian Peytrovski, David Migeot, Géraldine Roguez, Eugénie Lefèbvre, Anicet Castel, Frédéric Verschoore, Joss Costalat, Romain Panassié, Olivier Bioret, et cinq musiciens

Catherine Hiegel : « Génial inventeur d’une comédie d’un nouveau genre, Molière signe avec Le Bourgeois Gentilhomme la plus accomplie des douze comédies qu’il écrira.
Le thème commandé par le Roi, qui souhaitait se moquer du peu de cas qu’un émissaire de l’Empire ottoman avait témoigné devant le faste de la cour, est une turquerie. Et c’est merveille de voir comment Molière, dépassant le poids de la contrainte, fait jaillir autour de Monsieur Jourdain, la plus acérée, la plus franche, la plus libre de ses comédies.
Quoi de plus naturel chez l’homme que le désir de changer de condition, quitte à renier sa naissance et son milieu. Et ce bourgeois, qui se rêve gentilhomme, est prêt à toutes les transgressions pour assouvir son obsession du « paraître »… »

Mon avis : Ce qui étonne d’abord, c’est le minimalisme du décor. Disposée en demi-cercle, une grande toile façon tapisserie des Gobelins, fendue en certains endroits pour permettre aux gens de passer, tient toute la scène. Devant, au fond et au milieu, est dressée une sorte d’estrade sur laquelle reposent un clavecin et des instruments à corde. Nous verrons plus tard que cette estrade surmontée d’un panneau tourne sur elle-même et fait parfois office de paravent. Bref, on se doute que le maximum d’espace a été laissé pour que les comédiens puissent évoluer en toute liberté.
Et c’est bien ce qui se passe avant même que la pièce ne débute puisqu’on assiste à un préambule un peu foutraque avec courses de domestiques, échauffements des danseurs, et exercices musicaux. Ce n’est qu’avec l’apparition du maître de musique et du maître à danser que le spectacle commence. Tous deux sont affublés de faux nez à la Cyrano et le maître de musique a hérité en outre d’un faux ventre. Et leur pseudo dévouement à leur employeur est tout aussi faux. Ce sont deux fantoches obséquieux et narcissiques.

C’est alors que François Morel, alias Monsieur Jourdain, ce fameux employeur apparaît. Avec son accoutrement bizarroïde et son petit bonnet rigolo, il ressemble à une sorte de Pierrot. Evidemment, tous les regards se focalisent sur lui, tant sur scène que dans la salle… Cette première partie, qui va durer une heure trente, est émaillée d’une succession de scènes toutes plus croquignolettes les unes que les autres avec quelques savoureuses trouvailles de mise en scène (comme ce jeu avec la robe de chambre démesurée qu’il porte). Les plus marquantes (ce sont aussi les plus marrantes) sont la leçon de danse, la leçon d’escrime et, surtout la leçon de philosophie agrémentée d’un exercice de prononciation… Lorsqu’un tableau est un peu longuet, comme par exemple ces passages chantés quelque peu ampoulés, il suffit de se focaliser sur le visage de François Morel. Ses multiples expressions, toutes en finesse, à peine esquissées, nous permettent de passer joyeusement ce petit pensum.
Si les parties musiques et chantées sont conventionnelles, il n’en est pas de même avec les chorégraphies qui se révèlent aussi originales qu’inattendues. Sarabande, bourrée, gavotte, menuet se succèdent en s’apparentant plus à de la gymnastique. L’effet est garanti, c’est très agréable à regarder. Monsieur Jourdain lui-même en convient : « Ces gens-là se trémoussent bien »…

Obsédé par l’exemple des « gens de qualité », naïf et enthousiaste, Monsieur Jourdain est toutefois empli de bon sens. Ses remarques sont parfois très pertinentes. Il n’y a guère que par Dorant, le Comte, qu’il se laisse vraiment emberlificoter. De toute façon, il est entouré –sauf dans sa famille – d’une armada de parasites, de profiteurs, qui sont tous aussi médiocres que vénaux. Ce n’est pas pour rien que Madame Jourdain le traite de « vache à lait ».
Déjà bien drôle, la pièce prend encore du rythme et de la cocasserie lorsque Monsieur Jourdain se change pour apparaître, enharnaché et emperruqué, dans la panoplie de gentilhomme que lui a concoctée son maître tailleur. Non seulement le costume est grotesque, mais la façon de se mouvoir de François Morel ajoute à la bouffonnerie. Il suffit d’entendre fuser les rires frais et clairs de quelques bambins disséminés dans la salle pour se dire que l’effet est vraiment réussi. Et si, nous même, on n’est pas encore gagné à l’hilarité ambiante, la réaction de Nicole, la servante, et ses fous-rires achèvent de nous emporter. Elle est absolument irrésistible. Impossible de ne pas rire avec elle. Cette comédienne possède une formidable présence comique.

Quant à la deuxième partie, qui dure une heure, elle s’avère tout aussi jubilatoire avec, en point d’orgue, un grand numéro, celui de Covielle, le valet de Cléonte, en émissaire du fils du Grand Turc, et une scène particulièrement réjouissante, celle du dîner avec le Comte et la Marquise.

La mise en scène de Catherine Hiegel est impeccable et pleine d’inventivité tout en respectant scrupuleusement l’esprit de Molière.
J’ai quand même quelques réserves à formuler, mais qui, bien sûr, n’engagent que le spectateur que je suis : je me suis un peu ennuyé pendant la séquence du Grand Mamamouchi où des Indiens et des créatures emplumées se livrent à une danse effrénée, je n’ai pas bien compris l’utilité de déshabiller Monsieur Jourdain, et j’ai trouvé que le fait de le faire voleter depuis les cintres à la fin n’ajoutait rien de réellement percutant. Evidemment, l’image en elle-même est amusante, mais j’estime que ce rajout est superflu. Enfin, j’ai trouvé que Marie-Armelle Deguy, qui interprète Madame Jourdain, joue un ton au-dessus. On comprend certes son acrimonie, mais peut-être gagnerait-elle en crédibilité en criant moins fort et en s’agitant moins.

Pour évoquer la prestation de François Morel, il faudrait se plonger dans le dictionnaire des synonymes pour égrener les épithètes tous plus flatteurs et louangeurs les uns que les autres. On se contentera donc de dire qu’il est en tout point remarquable. Quelle finesse de jeu, quelle générosité ! A ses côtés, j’ai beaucoup apprécié Alain Pralon en maître de philosophie, Géraldine Roguez, déjà citée, dans le rôle de Nicole la soubrette, le comédien qui campe le Comte, à la fois très séduisant et intrigant à souhait, et Héloïse Wagner, qui apporte au personnage de Dorimène, la Marquise, un réel brin de folie avec son allergie chronique à la simple évocation du mariage…
Bref, on peut conclure en affirmant haut et fort que François Morel a parfaitement réussi son passage du Jourdain !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Monsieur,
Si vous pensez que les parties instrumentales et chantés sont «conventionel», «ampoulées», c'est que je crois que vous êtes novice en musique baroque. Ne jugez pas cet art que vous ne connaissez pas.
La musique de Lully dans cette comédie ballet est magnifique. Le trio, où justement Francois Morel est si beau à voir, est une splendeur de la musique, autant dans la conduite des voix, que dans l'harmonie et l'interprétation.

Critikator a dit…

Entièrement d'accord avec vous. Je ne suis même pas "novice" en matière de musique baroque, je suis totalement ignare ! J'ai simplement réagi en auditeur lambda, amoureux de jolies mélodies. Je n'ai écrit que mon ressenti. Il n'engage que moi et je vous prie de bien vouloir m'excuser si je vous ai heurté. En tout cas, j'apprécie votre réaction.
Gilbert Jouin

Anonyme a dit…

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