vendredi 27 février 2009
Belle(s) famille(s)
Comédie Bastille
5, rue Nicolas Appert
75011 Paris
Tel : 01 48 07 52 07
Métro : Richard Lenoir
Une pièce d'Alain Cauchi
Mise en scène par Eric Civanyan
Décor de Thierry Benoist
Avec Isabelle Caubère (Marie-Rose Portellino), Alain Cauchi (Victor Portellino), Félicien delon (Toni Portellino), Thierry Heckendorn (Edouard d'Hublay), Mélodie Orru (Mathilde d'Hublay), Annick Roux (Jeanne-Marie d'Hublay)
Ma note : 7/10
L'histoire : Etouffé par l'amour des siens, Toni a décidé de quitter Marseille. A Paris, il rencontre Mathilde, une jeune fille de bonne famille, qui a, elle aussi, de sérieux soucis avec ses parents... Pour matérialiser leur bonheur et affronter la vie, ils achètent une maison à la campagne et décident de s'unir pour le meilleur. Pour le pire, ils prennent une très mauvaise initiative : inviter leurs parents un week-end pour leur annoncer la bonne nouvelle...
Victor Portellino ferme décharge municipale. Le professeur Edouard d'Hublay, son cabinet médical. Marie-Rose Portellino fait sa couleur. Et Jeanne-Marie d'Hublay accepte de revoir sa fille...
Mon avis : C'est dans le superbe décor d'une maison de campagne que vont s'affronter les familles Portellino et d'Hublay. A ma gauche, les parents de Toni, Victor et Marie-Rose Portellino, un couple d'extraction modeste, haut en couleurs, et affublé d'un très solide accent marseillais... A ma droite, les parents de Mathilde, Edouard et Jeanne-Marie d'Hublay, bourgeois hauts de gamme, aisés et érudits avec, pour la mère, une propension à préciosité qui frise le ridicule.
Les deux jeunes gens, après quelques années d'errance affective, ont retrouvé l'équilibre grâce à la profondeur de leur amour. Forts de la certitude de leurs sentiments l'un pour l'autre, avec la noble intention de prouver à leurs parents respectifs qu'ils sont sortis de crise, ils les convoquent dans leur maison de campagne pour leur annoncer leur mariage.
Le problème, toute louable que soit cette initiative, c'est qu'il existe de part et d'autre de conséquents contentieux. Mathilde, ex-toxicomane, avait rompu tout contact avec une mère futile et égocentrique. Toni, compètement étouffé par l'amour maternel, a tout fait pour exister par lui-même au risque de dégâts colatéraux...
Voici la première couche. La seconde, c'est que chez les parents Portellino comme chez les parents d'Hublay, les couples battent de l'aile. Marie-Rose a même viré Victor pour un sombre trafic de cuivre. Et Edouard d'Hublay semble s'être gentiment construit une vie affective parallèle pour échapper à une épouse acariâtre. Du coup, rien ne va être simple. Et nous allons être les témoins interdits d'une longue scène de ménage(s) ; et aussi de l'affrontement de deux mondes qui ne sont a priori absolument pas solubles l'un dans l'autre... On rit beaucoup, mais le plus souvent jaune. Parfois, c'est même (verbalement) très violent. On n'est ps toujours à l'aise devant ces règlements de compte. Heureusement que les comédiens sont excellents, sinon on risquerait de ne pas sortir indemne d'un tel combat. C'est que tout le monde en prend pour son grade et les quelques vérités que les protagonistes se lancent à la face peuvent parfois faire écho à notre propre vécu. C'est cinglant, grinçant, amer, éprouvant et, en même temps, il y a de la vie. Et comme dit le dicton : "Tant qu'il y a de la vie..."
Sur scène évolue un épatant sextuor de comédiens.
Mathilde est touchante de fragilité. Face à sa mère, elle manque d'assurance. Elle ne puise son courage que dans l'amour qu'elle partage avec Toni. Mais elle a du caractère et elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Le problème, c'est qu'elle est encore en convalescence, donc très vulnérable.
Toni, c'est un peu le même genre en version masculine. Sa mère l'a tellement couvé qu'il a un mal fou à essayer de devenir adulte. Il a beaucoup à prouver. Et son père n'est pas le meilleur exemple qu'il ait eu pour s'affirmer. Lui aussi est hypersensible à toute forme d'agression.
Victor Portellino est un brave homme. Il est simple, nature, plein de bon sens. Mais il est aussi très curieux et a un peu tendance à se mêler de la vie des autres. C'est l'éléphant dans le magasin de porcelaine. Il aime son fils, mais lui aussi a été victime du protectionnisme exacerbé de son épouse vis-à-vis de leur rejeton. Si bien qu'il n'a pas pu lui donner toutes les preuves de cette réelle affection.
Marie-Rose Portellino, qui forme avec son mari un couple véritablement pagnolesque, est une sorte de mama à l'italienne, envahissante et grande gueule, excessive en tout. Il n'y a que le bien-être de son petit qui compte et elle en perd toute retenue et toute lucidité. Une sacrée présence même si, parfois, il lui arrive de crier un peu trop fort.
Edouard d'Hublay est lui aussi un brave homme. C'est un intellectuel au grand coeur. Il a appris à être placide et conciliant. C'est une sorte de blockhaus impavide face aux déferlantes. Il est vrai qu'il lui faut avoir le coeur bien accroché pour résister aux assauts incessants et incongrus de son ingérable épouse. Et, surtout, il adore sa fille et sait le lui montrer.
Et, enfin, il y a Jeanne-Marie d'Hublay ! Quelle numéro de comédienne! C'est elle la grande attraction. Avec sa diction précieuse et affectée, sa bêtise incommensurable, son égocentrisme, sa psychorigidité, sa gestuelle emphatique, ses réactions hystériques, c'est un bonheur ! Pour le spectateur, s'entend... C'est une bonne chose que ce personnage existe car il permet, par son comportement ubuesque, de désmorcer nombre de situations un peu trop tendues.
Voilà, vous êtes prévenus. Belle(s) famille(s) n'est pas une franche comédie. Beaucoup de vérités sont dites et il y a des leçons à en retenir. La morale de cette histoire, c'est que si on y met du coeur, on peut arriver à trouver des compromis qui arrangent finalement tout le monde. Mais il y a du boulot, il ne faut pas ménager sa peine et savoir aussi mettre son ego de côté.
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