jeudi 5 février 2009

Bonté divine !


Théâtre de la Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce de Frédéric Lenoir et Louis-Michel Colla
Mise en scène par Christophe Lidon
Avec Roland Giraud (le prêtre), Saïd Amadis (l'iman), Jean-Loup Horwitz (le rabbin), Benoît N'Guyen Tat (le bonze)

Ma note : 7/10

L'histoire : Un vendredi soir, à la suite d'une rencontre inter-religieuse, un prêtre, un rabbin, un iman et un bonze bouddhiste se retrouvent mystérieusement enfermés dans une pièce sans communication possible avec l'extérieur...

Mon avis : Quatre sièges alignés sur le devant de la scène. Quatre hommes y sont installés qui donnent une conférence sur la religion. Ils répondent à tour de rôle à des questions qui viennent de la salle. Evidemment, chacun prêche pour sa "paroisse"...
A la fin de ce débat, le rideau s'ouvre et les quatre hommes se retrouvent dans une pièce où ils récupèrent leurs affaires. Comme au terme de chacune de leur réunion, ils vont se retrouver autour d'une bonne table avant de regagner leurs domiciles respectifs pour le week-end. Tout en se préparant aux agapes, ils devisent de choses et d'autres. Le ton est bien moins formel que durant la conférence. On voit bien que les quatre hommes se connaissent parfaitement et s'estiment. Ce qui leur permet de s'envoyer quelques boutades, de se taquiner affectueusement. Au cours de leur conversation, on apprend en outre qu'ils envisagent d'écrire sur la religion un livre à huit mains. Bien sûr, pour les trois ministres monothéistes, "toutes les religions mènent à Dieu, mais les chemins sont différents". De son côté, le bouddhiste prône la non-exsitence de Dieu. Ensemble, au hasard de leur discussion, ils évoquent quelques thèmes essentiels comme le mariage, le rapport à l'argent, le karma et le fatalisme...
Les avis divergent, les pratiques et les dogmes aussi. En fait, le domaine où ils sont vraiment en harmonie, c'est la gastronomie. A l'évocation d'une poularde qui les attend ils se révèlent tous les quatre de vrais épicuriens. Même si le prêtre en profite pour les chatouiller sur les cuisines kasher et halal.

Et puis, premier rebondissement : au moment de sortir pour aller se restaurer, ils constatent que la porte blindée de la pièce où ils se trouvent est fermée. Aucun moyent pour eux de gagner l'extérieur. Et les portables ne passent pas. Ils essaient de trouver une solution. Pendant ce temps-là, ils se racontent des histoires drôles, un juive, une soufi, une bouddhiste. Dès que l'un d'entre eux quitte la pièce pour se rendre dans la salle de bain attenante, les trois autres en profitent pour pour se moquer gentiment des contraintes et des clichés de la religion de l'absent.
Soudain deuxième rebondissement : en réalité, ils ont été piégés par le prêtre. Il a ourdi ce stratagème pour les avoir à disposition. Il les enjoint à l'aider à retrouver la foi. Devant leur peu d'empressement et, surtout, leur manque d'explication autre que "le doute est le compagnon indispensable de la foi", il sort un révolver et menace de supprimer l'un d'entre eux.
Et là, la pièce bascule. Chacun, ou presque, en oublie son statut de religieux pour ne devenir qu'un simple homme confronté à la mort...

Bonté divine ! est une pièce réellement intéressante. On y analyse les grandes lignes des quatre principales religions mondiales. C'est bien entendu très vulgarisé. Nous ne sommes pas dans un cours de théologie. Les clichés sont inévitables (mais attendus et appréciés). Les séquences un peu philosophiques sont systématiquement contrebalancées par de grands moments de fantaisie. Car on rit beaucoup cette pièce. Et, en même temps, on réfléchit...
Il est sûr qu'on ne sort pas du théâtre de la Gaîté Montparnasse converti à une quelconque de ces quatre religions. On entre avec ses convictions et on repart avec les mêmes. Mais on y apprend pas mal de choses. On y apprend d'abord à respecter l'autre. Ensuite, la grande prescription qui résume tous les propos tenus c'est d'aller "puiser au fond de soi les raisons pour lesquelles on croit en Dieu"...

Les quatre comédiens sont absolument épatants. Ils ont, chacun de sa religion, le profil parfait, sans pour autant tomber dans la caricature. Roland Giraud qui, on le découvre petit à petit, tire les ficelles de tout ce petit monde, est très convaincant. Quand on connaît ses propres convictions, ses propos n'en ont que plus de crédibilité.
On y apprécie également le jeu tout en rondeur pateline de Jean-Loup Horwitz, la belle voix grave de Saïd Amadis et sa force tranquille, et la discrétion amusée de Benoît N'Guyen Tat à qui appartient peut-être la plus jolie sentence : "Le plaisir est le bonheur des fous, et le bonheur est le plaisir des sages.
Les quatre comédiens nous rendent leurs personnages respectifs eminemment sympathiques et profondément humains. Et s'il n'y a qu'une leçon à tirer de cette pièce, quelle que soit sa religion ou son absence de religion, c'est de prêter attention à son prochain, et de respecter ses idées. Après, Dieu reconnaîtra les siens...

Aucun commentaire: