jeudi 17 décembre 2009

Gamines


Un film d’Eléonore Faucher
D’après le roman de Sylvie Testud
Avec Amira Casar (Anna Di Baggio), Sylvie Testud (Sybille adulte), Zoé Duthion (Sybille enfant), Louise Herrero (Corinne enfant), Roxane Monnier (Georgette enfant), Jean-Pierre Martins (Salvatore, le parrain), Sophie Guillemin (Odile, la marraine), Laurence Cordier (Corinne adulte), Elise Otzenberger (Georgette adulte), Lubna Azabal (Angela Di Baggio), Marc Barbé (Antoine Mercier, le père)

Ma note : 8/10

Synopsis : « J’aime pas qu’on me plaigne. Je préfère rigoler. Devant les mines compatissantes, je réponds depuis trente ans : « Je n’ai pas de père, mais je m’en fiche, c’est comme ça. J’ai une photo »…
J’ai aussi deux sœurs, et une mère italienne… mais attention…interdit de parler de « lui » devant « elle »… ça déclencherait une éruption volcanique. Car le volcan, il paraît, n’est pas encore éteint. Je crois que c’est un peu à cause de ma figure. La même que lui. Quand ils me voient rigoler, dans la famille, ils disent : « C’est son portrait tout craché ». Et ma mère est à la fois triste et fière. Elle est fière parce que je suis blonde comme lui, alors qu’ils sont tous bruns. Mais mo je préférerais être comme eux. C’est pour ça que je fais des conneries comme les mecs, pour leur ressembler, pour être plus Italienne qu’eux. Des conneries d’artiste, comme dit mon parrain. Je suis sa préférée. Et lui aussi c’est mon préféré.
Mais j’aimerais bien le voir en vrai, le type de la photo, un jour, quand même. Seulement, il paraît qu’il est dangereux. Qu’il est fou… »

Mon avis : Ce film est un vrai bonheur de comédie. De comédie de la vie.
Par la grâce d’abord d’un casting absolument épatant. Les trois gamines qui jouent les trois sœurs Di Baggio sont tout bonnement formidables, chacune dans un registre propre, parfaitement défini. Tout oppose en effet les deux grandes, Corinne et Sybille. Tant physiquement que moralement. Au début, on craint que leur antagonisme, évident, ne plombe gravement leur relation. Mais quand il s’agit de défendre leurs bonnes causes, elles savent mettre de côté leurs divergences pour s’unir et faire front ensemble. Quant à la petite, Georgette, elle est à fondre tant elle est craquante avec sa bonne petite frimousse, ses fossettes et ses mimiques si spontanées. Toutes les trois, elles nous prennent en otage, elles font de nous leurs complices. Car tout se passe en réalité à travers leur regard. Avec, en plus, la voix off, qui est celle de Sybille, dont les observations, les analyses, les commentaires, finement écrits, ajoutent à l’empathie que l’on ressent pour elles.
Ce film, s’il fait la part belle à la partie enfance, est construit avec d’habiles allers et retours entre le passé et le présent, entre Sybille enfant et Sybille adulte. Chacune de ses deux époques étant en outre agrémentée de sa musiquette qui lui est propre. La bande-son fait, à sa manière, partie intégrante de l’action.

Chez les adultes, Amira Casar s’en sort remarquablement avec un rôle lourd à porter. Elle met dans son personnage une intensité, une sensibilité, une douleur tout-à-fait palpables. Sur son visage, dans son regard, on peut lire ses états d’âme, tout ce qu’elle peut ressentir : sa tendresse pour ses filles, ses inquiétudes pour elles, sa souffrance, ses indignations, ses révoltes… Un très, très beau rôle. L’autre adulte qui illumine de sa présence virile et protectrice, c’est Jean-Pierre Martins, qui tient le rôle du parrain de Sybille. Un joli personnage, extrêmement sympathique, Italien jusqu’au bout de ses poils de moustache. Lui aussi fait montre d’une belle palette de sentiments divers…

Eléonore Faucher, la réalisatrice, a parfaitement réussi l’adaptation du livre de Sylvie Testud. Le propos véhicule tellement de sentiments forts qu’il eût pu facilement tomber dans le pathos. Or, il n’en est rien. Il y a beaucoup de pudeur, de retenue. Aucun jugement n’est porté… La scène finale avec les trois « gamines » devenues adultes, est traitée avec beaucoup de délicatesse, presque avec maladresse, pour nous faire encore mieux ressentir l’intense émotion de ce moment de vie impressionnant, tellement espéré et tellement redouté. Et elle y a glissé également énormément d’humour. Les enfants sont ainsi ; aussi prompts à la tragédie et à la mélancolie, qu’à l’insouciance et à la farce.
Gamines est vraiment un fort joli film, vibrant et vivant, porté par une fillette époustouflante de présence et de justesse : Zoé Duthion. Un nom à retenir…

Aucun commentaire: