mercredi 7 septembre 2016

Le dernier baiser de Mozart

Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet
Du mardi au samedi à 19 h. Le dimanche à 15 h

Une pièce d’Alain Teulié
Mise en scène par Raphaëlle Cambray
Décor de Catherine Bluwal
Costumes de Virginie Houdinière
Lumières de Marie-Hélène Pinon
Misique de Jean-Marc Istria

Avec Delphine Depardieu (Constance Mozart), Guillaume Marquet (Franz-Xaver Süssmayr)

L’histoire : Vienne, décembre 1791… Wolfgand Amadeus Mozart vient de mourir. Constance, sa veuve, doit faire front. Seule et désargentée, il lui faut trouver le disciple capable de terminer le fameux Requiem. Franz-Xaver Süssmayr, qui ne la laisse pas indifférente, sera-t-il à la hauteur du maître ?

Mon avis : Mozart est mort, vive Mozart !... Bien qu’absent de cette pièce - et pour cause – Wolfgang Amadeus Mozart y est omniprésent. Son fantôme flotte dans le boudoir dans lequel sa veuve, Constance, reçoit celui en qui elle voit le compositeur capable de terminer le Requiem, Franz-Xaver Süssmayr, un élève du défunt…
Pour Constance, il n’est plus temps de faire son deuil. Sa priorité est bassement matérielle. Son génie de mari, endetté chronique, l’a pratiquement laissée sans le sou. Et elle a deux bouches à nourrir, Karl-Thomas, qui a 7 ans, et Franz-Xaver (tiens-tiens, le même prénom que Süssmayr…), né en juillet 1791, ce même mois où son père a commencé à écrire le fameux Requiem… Constance n’a donc pas à tergiverser. Si elle veut gagner quelques florins, il serait avisé que quelqu’un honorât cette commande faite à Mozart en en terminant l’écriture. Constance connaît bien (très bien ?) Franz-Xaver. Il était l’assistant de son mari depuis le début de l’année, son souffre-douleur aussi, et il connaissait l’œuvre sur laquelle Wolfgang planchait en dépit de la maladie.


Dès le début de la pièce, Constance nous apparaît comme une femme forte, pragmatique et peu encline aux bondieuseries. Accablée par les dettes et les médisances elle y va franco. « Ainsi font-elles toutes » quand elles ont le dos au mur. Il faut que Franz-Xaver se mette à l’ouvrage. C’est à sa portée. Or, celui-ci la joue un tantinet complexé. Non seulement, il est d’évidence un amoureux transi (après tout, il n’a que quatre ans de moins que la Constance), mais il est également pétri d’admiration pour son maître. Aussi idéaliste et exalté que timoré, il ne va pas cesser de louvoyer ; un coup emballé, un coup défaitiste. Pas facile pour Constance. Il va s’en suivre une sorte de joute entre deux personnes qui s’estiment, se respectent et qui, à différents niveaux, ont besoin l’un de l’autre.

Le texte est une petite merveille de finesse. Les dialogues coulent à nos oreilles comme une petite musique de nuit. Et, surtout, c’est très riche en informations et en anecdotes. Mozart est là, tout le temps, en fil rouge. Constance et Franz-Xaver son unis dans son souvenir. Et puis, tout doucement, un quatrième personnage pénètre subrepticement sur la scène : la musique de Mozart. D’abord discrète, en toile de fond, elle se fait de plus en plus présente, soulignant de façon subliminale l’état d’esprit des deux protagonistes. La montée en émotions atteint alors son paroxysme. L’hommage au regretté « Wolfie » se fait vibrant et, en parallèle, le duel entre ses eux « héritiers », légitime et artistique, se fait de plus en plus âpre… Constance n’est pas une « fausse ingénue », loin de là, et Franz-Xaver n’a pas le pouvoir de séduction, l’autorité et le cynisme d’un « Don Juan ». Place au double jeu, aux cachotteries, aux révélations. On est tenu en haleine jusqu’à la dernière note, jusqu’au dernier mot.


S’appuyant sur une partition simple et riche, sur une construction habile, les deux comédiens peuvent s’en donner à chœur joie. Ils sont réellement épatants. Ils incarnent leurs personnages avec une authenticité qui nous réjouit et nous émeut. Ce sont deux brillants solistes qui jouent à l’unisson. Delphine Depardieu, qui a déjà joué dans une bonne quinzaine de pièce, trouve là un rôle qui ne devrait pas laisser insensibles les producteurs. Elle passe avec beaucoup de justesse par tous les états d’âmes que peut ressentir Constance Mozart : la détermination, la mélancolie, la méfiance, le découragement, l’espoir… Quant à Guillaume Marquet, musicien lui-même, la redingote de Süssmayr lui va comme un gant. Son jeu est tout en subtilité ; le plus souvent en retenue, il peut passer en un quart de seconde de l’introversion à l’exaltation, voire à l’agressivité. C’est un grand émotif, le Franz-Xaver, son combat est perdu d’avance face à une femme pour laquelle il éprouve du sentiment qui allie rouerie et persuasion.
Quel beau duo ! On a du mal à en imaginer d’autres qu’eux dans ces deux très beaux rôles. Personnellement, Le dernier baiser de Mozart m’a fait saliver de plaisir. C’est une pièce qui rend service au théâtre parce qu’elle est intelligente sans être jamais didactique ou pédante, et parce qu’elle est avant tout profondément humaine en mettant en avant des sentiments que nous pouvons tous éprouver.
Un bon auteur, une belle histoire, une excellente mise en scène et deux remarquables comédiens, que voulez-vous de plus ?


Gilbert « Critikator » Jouin

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