vendredi 2 septembre 2016

Olivier de Benoist "0 / 40"

Café de la Gare
41, rue du Temple
75004 Paris
Tel : 01 42 78 52 51
Métro : Rambuteau / Hôtel de Ville

One-Man show écrit par Olivier de Benoist et Paul-Marie Debrie
Interprété par Olivier de Benoist

Présentation : Prenant conscience de sa légère obsession à l’égard de la gent féminine, Olivier de Benoist décide de faire amende honorable. Après un passage chez les misogynes anonymes pour soigner son encombrante pathologie, c’est l’heure du bilan… ODB refait le film de sa vie, tel un équilibriste, avec un risque de rechute qui le guette à chaque réplique…

Mon avis : Olivier de Benoist est désormais en vitesse de croisière. Il s’est confortablement installé dans un domaine qui n’appartient qu’à lui, dans un registre qui lui est propre. Au moins, on sait pourquoi on vient le voir et il ne nous déçoit pas. Il est au rendez-vous. Avec sa fausse nonchalance, sa dégaine frisant la désinvolture, son œil goguenard et son phrasé si personnel, il ne déroge pas à ce qui a fait son succès : la vacherie élevée au rang d’art. Mais, surtout, comme certaines villes ont leur spécialité (Montélimar le nougat, Cambrai la bêtise, Aix le calisson…), lui aussi a la sienne, elle lui a donné son image de marque : la misogynie. Pour lui piquer un de ses jeux de mots énoncé hier soir, on peut affirmer qu’il est un « misogyne tonique ». Et même, on le vérifiera tout au long de son spectacle, il est incurable…

Dans un Café de la Gare bondé, nombreuses sont les femmes. A croire qu’elles sont maso, les bougresses. Elles adorent se faire flageller par ce grand escogriffe qui vilipende son épouse, dénigre sa belle-mère et ne cesse de discréditer la gent féminine en général. D’ailleurs, ODB attaque filles en tête. Avec une mauvais foi évidente, il affirme vouloir faire amende honorable et ne plus essayer de s’en prendre aux femmes au cours de ce nouveau spectacle. Pour se débarrasser de cette addiction, il est même allé jusqu’à s’inscrire aux Misogynes Anonymes ! En est-il sorti guéri ? Vous ne pourrez établir son bilan de santé qu’à la fin. En effet, le spectre de la rechute est omniprésent, vilain petit diable qui lui souffle à l’oreille quelques insanités un tantinet machistes.


Olivier nous explique tout de suite pourquoi il a baptisé ce spectacle 0 / 40. C’est tout simple : comme il vient d’atteindre la quarantaine, il a décidé de raconter sa vie de sa naissance (le point « 0 ») à aujourd’hui. Flanqué de Torec, son assistant (Moldave ?), qui ressemble furieusement à ce très précieux Marcel Gotlib et qui intervient avec autant de maladresse que de bonhommie, il balaie ces quatre décennies dans l’ordre chronologique. Son journal intime, l’éveil de sa sexualité, le bac, les études de droit, sa première et unique plaidoirie, le mariage, l’éducation des enfants, ses velléités de chanteur, la magie… Il raconte tout cela à sa manière, c’est-à-dire avec une abondance de saillies réjouissantes, d’affirmations malveillantes, de formules imparables, bref, tout son (mauvais) fond de commerce y passe. Cet homme adore être odieux. Il y a vraiment de quoi faite tout un fromage de ses caprices d’odieux car il éprouve visiblement une véritable jouissance à aller trop loin. Il assène sa rosserie, feint de s’apercevoir qu’il a quand même tapé un peu dur, et fait celui qui s’amende en s’en imposant une, d’amende, sonnante et pas vraiment trébuchante.

Pour moi, qui ai vu ses trois derniers spectacles, 0 / 40 est son meilleur, son plus complet. Fort de ce qui a fait sa notoriété chez Ruquier puis chez Drucker, il n’a plus à se présenter. Il est sur l’autoroute (d’où la vitesse de croisière évoquée au début). Aucune scorie dans ce spectacle, l’humour, noir et vache, est permanent. Les jeux de mots sont remarquables, les vannes efficaces. Comme il a pris du métier, donc de l’assurance, il a énormément gagné en présence et en profondeur de jeu… En plus, non seulement le rythme ne faiblit jamais, mais il a parfaitement assimilé le principe de la rupture en nous accordant deux séances de projections particulièrement jouissives. Quel travail de recherche et de montage ! Certaines images sont à hurler de rire.
Outre ces deux temps forts, il y a d’autres très grands moments dans ce spectacle. J’ai fortement apprécié par exemple sa fameuse plaidoirie, l’éducation des enfants, son enfance à la Zola, et la narration de son propre décès…


0 / 40 ! Au-delà du nombre de ses années vécues, ce chiffre est aussi un score de tennis. D’ailleurs son affiche nous le rappelle finement. Quand le spectacle commence, il en est donc à 0 / 40 et, comme il est seul en scène, c’est toujours à lui de servir. En guise de rappel, il nous assène deux aces imparables, une sex tape avec son épouse et l’enterrement hypothétique de sa belle-mère. Jeu, set et match !... ODB, c’est le Djokovic de l’humour vache et de la misogynie flamboyante et (faussement) assumée, voire revendiquée. Aucun temps mort, aucune baisse de régime, il reprend les rires de volée et s’amuse même à jouer les ramasseurs de belles.
Quel match !

Enfin, je me plais à signaler la présence en première partie d’ODB d’un galopin qui promet, Jérémy Charbonnel. En voici un qui a tout le potentiel pour aller très loin. Avec son look propret et gentillet, son sourire craquant, son cheveu savamment ordonné, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Or, il s’avère que ce que profère ce jeune homme est aux antipodes de cette image joliment lisse. Sous son pelage de minet se cache un fauve à la dent particulièrement dure. C’est qu’il balance, le bougre ! Et avec le sourire ! Rien ne lui fait peur. Son rêve profond, c’est de « donner libre cours au connard » qui est en lui. Avec son sens aigu de la vanne, il y parvient aisément. C’est formidablement féroce et horriblement noir. Ce garçon, c’est de la graine de moutarde. Ça pique, ça agace, ça brûle parfois, mais qu’est-ce que c’est bon. En tout cas, l’échantillon qu’il nous a présenté donne vraiment envie de découvrir ce qu’il a en magasin.


Gilbert « Critikator » Jouin

Aucun commentaire: