vendredi 16 septembre 2016

Laura Laune "Le diable est une gentille petite fille"

Apollo Théâtre
18, rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Tel : 01 43 38 23 26
Métro : République

Mardi, mercredi à 20 h

Ecrit par Laura Laune et Jérémy Ferrari
Mis en scène par Jérémy Ferrari

Présentation : Laura, cette jeune et jolie blonde au visage d’ange tellement innocent arrive sur scène… Que réserve-t-elle ?
Laura Laune n’a aucune limite, elle ose tout ! Dans un humour noir décapant et une irrévérence totale, la folie angélique de ses personnages emplis de paradoxe donne le frisson : est-elle innocente ou méchante ? Consciente de ses propos ou simplement folle à lier ? D’une comptine pour enfants qui part en vrille à une galerie d’individus totalement barrés, le spectacle réserve bien des surprises.

Mon avis : 20 heures. La petite salle de l’Apollo est archi bondée lorsque Laura Laune fait son entrée sur une musique symphonique. Petite robe noire, blonde, mignonne comme tout, gracieuse, large sourire craquant… On lui donnerait le bon Dieu sans confession. Sauf que, pour elle, « aller à confesse » se conjugue dans son sens phonétiquement le moins sacré…
Elle commence par nous raconter ses premiers pas dans l’enseignement. Soudain, il me semble avoir perçu un gros mot. Ai-je bien entendu ? Par quel malencontreux sortilège une aussi jolie bouche a-t-elle pu proférer un tel propos ? J’ai dû mal comprendre… Et puis, voici qu’elle sort une nouvelle insanité. Et encore une autre !... Cette fois-ci, j’ai bien entendu ; et je commence à avoir confusément une petite idée. Et si derrière ce charmant sourire candide se cachait un petit démon ?


Bon sang, mais c’est bien sûr. Tout est pourtant annoncé sur l’affiche : « Le diable est une gentille petite fille ». On est prévenu. La dite « petite fille » est là, devant nous, sur la scène, mais elle est envoûtée. Elle n’est qu’un des nombreux avatars qu’utilise Lucifer pour se rendre attrayant. On dirait un ange, or c’est une petite diablesse. Si Colette avait encore été parmi nous, je suis sûr qu’elle aurait choisi Laura pour incarner son « Ingénue libertine » !

Seule en scène (« A Laune on stage » – j’utilise l’anglais en clin d’œil à un exercice de traduction simultanée auquel elle se livre à un moment du spectacle), Laura Laune s’installe dans une case qui n’appartient qu’à elle. S’accompagnant d’une gestuelle du genre de celle qui cherche toujours à s’excuser d’avoir laissé échapper une énormité, elle piétine allègrement les codes de la bienséance. De ses petites tennis argentées, elle foule tous les tabous. Et tant pis si ça laisse des trash.


Laura est en décalage permanent. Œil de biche, dent de louve et langue de vipère, elle campe un personnage qui n’existait pas encore dans notre panorama humoristique. Elle débite une légion d’horreurs, illustre ses propos d’images audacieuses, émet des comparaisons gonflées, balance des petites phrases qui tuent (« Maman, pourquoi ?... »). Elle possède un sens aigu de la vanne à tiroir : on croit qu’elle a fini sa phrase et, vlan, elle nous assène une autre vanne encore plus forte qui s’achève sur une chute mortelle.

Dans la salle, ça pouffe de toute part. On capte ça et là un « Oh » offusqué, on s’amuse d’un murmure choqué, mais on est tous dans un état de grand contentement. Les rires sont brefs, mais continus, car Laura ne nous lâche pas une seconde. C’est coquin, grivois, hardi, osé, croustillant tout en ayant du fond, beaucoup de fond. Il y a chez elle un vrai réalisme. Lorsqu’elle traite du racisme, par exemple, ou de l’éducation des enfants. Il vaut mieux être ouvert au second degré…


La qualité d’écriture de ce spectacle est à mettre en évidence. C’est du haut niveau. Que ce soit dans l’exercice de la parodie (bel hommage rendu à Lesbos en pleine Ecole des fans), que dans celui du conte pour enfants (quel grand moment que cette fable qu’on prendrait pour du La Fontaine revisité par un Marquis de Sade zoophile !).
On comprend d’autant mieux son ton et son univers quand on sait qu’elle a coécrit son spectacle avec Jérémy Ferrari. A l’inverse du sage Jiminy Cricket qui est la bonne conscience de Pinocchio, Jérémy Cricket est le petit démon irrévérencieux qui pousse Laura Laune à dire des choses que l’on n’oserait jamais imaginer sortir de la bouche d’une aussi délicate jeune femme. Bon, c’est vrai, je suppose qu’il ne faut pas la pousser très fort. Aimer choquer, adorer déranger, cela doit faire partie de son ADN. En tout cas, ce qui marche vraiment bien, c’est ce contraste entre son apparence et ce qu’elle dit. C’est le grand écart… de langage.
La Belgique nous envoie une fois de plus une artiste originale, inventive, de grand talent, doublée d’une excellente comédienne. Laura Laune a créé un Personnage. Un personnage diablement drôle et attachant. Elle est vraiment d’enfer !

Gilbert « Critikator » Jouin


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