jeudi 1 septembre 2016

Pyrénées, ou le voyage de l'été 1843

Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Tel : 01 45 44 57 34
Métro : Vavin / Notre-Dame des Champs

De Victor Hugo
Mise en scène et adaptation de Sylvie Blotnikas

Avec Julien Rochefort

Présentation : Le 18 juillet 1843, Victor Hugo, qui a 41 ans, commence son traditionnel voyage d’été. Ce voyage de près de deux mois le mène de Biarritz à Oléron, en passant par l’Espagne et les Pyrénées. C’est l’occasion pour Hugo, non seulement de découvrir et de s’émerveiller, mais aussi de plonger dans son passé…
Au fur et à mesure de son périple, il écrit de nombreux textes qui constituent un journal de voyage qu’il a l’intention de publier. Mais le destin va en décider autrement…

Mon avis : Celui qui a affirmé « Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas » a émis là un jugement quelque peu hâtif. En effet, une chaîne culminant à 3400 mètres, les Pyrénées, a bel et bien rencontré une autre montagne, en littérature celle-là : Victor Hugo. Ce rendez-vous entre sommités géographiques et littéraires a bel et bien eu lieu au cours de l’été 1843…
C’est cette rencontre « au sommet » que nous raconte l’illustre écrivain épatamment incarné par Julien Rochefort sur la scène du « Paradis » au théâtre du Lucernaire.

Victor Hugo était un monstre. En tout. Brûlant d’une vitalité hors norme, Il avait besoin de se dépenser. Il fallait qu’il mange, qu’il boive, qu’il marche, qu’il écrive, qu’il dessine, qu’il lutine… Tout cela avec gourmandise et excès.
Pyrénées, ou le voyage de l’été 1843 est totalement à l’image du bonhomme. Dans ce journal de bord, il nous narre par le menu son périple de deux mois avec, pour objectif, une semaine de cure à Cauterets, une station thermale des Hautes-Pyrénées spécialisée dans la rhumatologie. Victor écrit et décrit. Rien n’échappe à sa formidable curiosité. Non seulement, il consigne tout dans ses cahiers, mais il envoie de nombreuses lettres ; la plupart sont adressés à sa fille aimée, Léopoldine, mais il en adresse également à son autre fille, Adèle, à son fils François-Victor, et à son épouse…

L’œil du poète est une véritable caméra. Elle voit et enregistre tout. D’où une écriture très imagée, descriptive. Chaque sujet qu’il « photographie » est pour nous une véritable carte postale qui vaut autant pour l’image qu’elle reproduit que pour le témoignage écrit qui l’accompagne. Quelle richesse de vocabulaire ! Quel sens du détail ! Victor Hugo est un aventurier dans ce sens où il est en permanence attiré par l’inconnu. Avide de découverte, épris de solitude, amoureux de la nature, il adore marcher, partir à l’aventure. Et la marche est, pour lui, propice à la réflexion. Si le titre n’avait pas été pris par un de ses célèbres prédécesseurs, Jean-Jacques Rousseau, il eût pu sous-titrer son journal « Rêveries du promeneur solitaire » (en guise de clin d’œil, un poème écrit à Cauterets figure dans Les Contemplations, mot un synonymes de rêverie)…

Photo : Fabienne Rappeneau
Le journal de bord de Victor Hugo est foisonnant. Il regorge de détails. Il parle des paysages, des villes où il fait étape ou séjourne, des gens qu’il croise, des animaux, des plats et des vins qu’on lui sert. Sa plume court, vive, expressive, infatigable. Il a  l’enthousiasme aussi prompt que la critique. Par exemple son exaltation lorsqu’il découvre Gavarnie n’a d’égale que sa déception lorsqu’il visite l’île d’Oléron.

Et puis quel humour ! On s’amuse beaucoup à certaines de ses saillies ou moqueries. Ce n’est jamais méchant. Il y a juste ce qu’il faut d’ironie (Ah, ces gens qui lui déconseillaient de se rendre à Pasaia (Passage)…) Bref, à l’écoute du compte-rendu de ce périple de deux mois, on ne s’ennuie pas un seul instant. On est même souvent happé, captivé, époustouflé par la qualité narrative des événements et des descriptions. Julien Rochefort est un parfait exégète de Victor Hugo. Il l’interprète avec juste ce qu’il faut de fougue et de recul. Le ton est précis, nuancé. Il nous prend par la main (ou plutôt par l’oreille) et il nous emmène sur les pas d’Hugo pour un joli voyage collectif. Sa prestation est irréprochable.

Et puis, mon esprit tordu a trouvé particulièrement piquant que ce soit un comédien nommé Rochefort qui termine le voyage d’Hugo et le spectacle qui lui est consacré dans la ville de… Rochefort, là où l’écrivain va aller chercher en poste restante le courrier qui l’y attend et, surtout, là où il va ouvrir ce funeste journal…


Gilbert « Critikator » Jouin

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