lundi 11 février 2008

Les demoiselles d'Avignon


Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Edgar-Quinet

Une pièce de Jaime Salom
Adaptée de l'espagnol par Jacques Collard et Nicolas Laugero Lasserre
Mise en scène par Jean-Pierre Dravel et Olivier Mace

Avec Catherine Allégret (madame Hortense), Cécile Bois (Antonia), Félicien Juttner (Pablo Picasso), Cécile Luciani (Sofia), Laura Presgurvic (Pilar), Christelle Reboul (Pépita), Serena Reinaldi (Rosita)

Ma note : 7/10

L'histoire : Barcelone, 1895. Une maison close de la rue d'Avignon. Cinq jolies filles délurées tenues d'une main de fer par une matrone qui n'a pas froid aux yeux... De l'autre côté, un jeune artiste fauché, encore inconnu, qui devient un client assidu du bordel. Il s'appelle Pablo Picasso, il a 17 ans, et avant de connaître la gloire quelques années plus tard à Paris, il va rencontrer l'amour...

Mon avis : Au fur et à mesure que la pièce se déroulait sous mes yeux, plus j'y prenais du plaisir. De scène en scène, je découvrais plus profondément la personnalité et la psychologie de chacun des sept personnages. Plus je les connaissais, plus j'étais touché et plus je les aimais.
On comprend pourquoi cette pièce, née en Espagne, a connu le succès partout où elle a été adaptée dans le monde (New York, Mexico, Buenos Aires, Berlin...). C'est tout simplement parce qu'elle si pleine d'humanité qu'elle est universelle.

L'action se passe dans décor pourpre et chaud d'un bordel barcelonais. Un petit coq prétentieux de 17 ans, ivre et insolent, y fait irruption au petit matin quand ces dames sommeillent d'un repos bien mérité. Il se heurte à madame Hortense, la tenancière, une maîtresse femme que plus rien n'impressionne. Tel un picador, il lui tourne autour, l'aiguillonne, la soûle de paroles et de flatteries. Il lui faut une femme de toute urgence, elle est là, elle fera affaire. Tour à tour irritée et amusée, madame Hortense est finalement flattée de voir que ses généreux appas peuvent encore éveiller la convoitise. Devant tant de fougue et de jeunesse, elle accepte de faire une petite entorse à son règlement personnel...

Petit à petit, on fait connaissance des quatre principales hôtesses de ce lupanar. En soutiens-gorge pigeonnants et porte-jarretelles, avec un langage très imagé, souvent cru, elles se chamaillent, se taquinent, se font des mamours.
Il y a Antonia, l'aînée, qui continue de travailler pour élever sa petite fille et qui, pour essayer de ne pas trop y penser, s'étourdit dans une amourette saphique avec la toute jeune Pépita. Mais ces brefs moments où elle fait la folle ne l'empêchent pas de sombrer parfois dans la mélancolie ; c'est une bonne camarade...
Pépita, c'est le vent de fraîcheur du boxon. Elle est gaie, frivole, provocante, insouciante, débordante de vie et de gentillesse. Son rire perlé est une incitation et une invitation à la gaudriole...
Il y a aussi Rosita, la soeur aînée de Pépita, une brune pétillante, bien en chair, volontaire, déterminée ; une bonne travailleuse, mais qui a le grand défaut, dans ce métier tout du moins, d'être un peu trop fleur bleue...
Il y a enfin Pilar, une jeune femme taciturne, lucide que cette exploitation de son corps dégoûte. Elle est irritable, se fond peu au groupe, mais elle laisse fugitivement entrevoir une réelle affection pour ses copines de travail. C'est une idéaliste avec, chevillé à l'âme, un besoin d'amour que ses parents n'ont jamais su lui offrir. (le jeu de Laura Pregurvic dans ce rôle sombre, est une des très belles satisfactions de cette pièce)...
En marge des "gagneuses", il y a Sofia, la fille de madame Hortense. Elle a grandi dans le bordel, elle en connaît tous les rouages et tous les rites. Elle est pragmatique et éprouve beaucoup de sympathie pour les employées de sa maman...
Cette maman, parlons-en. Madame Hortense c'est une main de velours dans un gant de fer. Mère maquerelle au grand coeur, elle sait se montrer autoritaire quand c'est nécessaire, mais dès que l'on joue de la corde sensible, elle craque et fait preuve de compréhension, de générosité et - indispensable dans ce genre d'établissement - de tolérance...
Enfin, il y a LE client. Cet énergumène mal élevé et débordant de fougue et de vitalité du nom de Pablo Picasso. Petit taureau furieux lâché dans un enclos de génisses, il a le port altier, le naseau frémissant et le sabot péremptoire. Ce qui ne l'empêchera pas de s'éprendre passionnément de Rosita...

Chaque comédien est à sa place et joue sa partition avec justesse. Le casting est parfait. On s'attache à ces jeunes femmes, victimes touchantes d'un destin malveillant. Mes hommages, chères demoiselles...

Aucun commentaire: