mercredi 14 octobre 2009

Grégory Charles


Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République

Ma note : 7/10

Mon avis : Non, non, même s’il chante remarquablement Georgia On My Mind, il n’est pas le fils de Ray Charles. Grégory est le fils métis de monsieur et madame Charles, un couple auquel il doit beaucoup et à qui il rend un vibrant hommage au début de son spectacle. Il est en effet l’unique – c’est vrai qu’il est Unique – rejeton d’un couple que tout au départ opposait : les origines géographiques, la couleur de peau, la culture, et même le gabarit. Mais il existait entre eux un lien qui allait se révéler indéfectible : la passion de la musique. C’est donc de cette union explosive qu’est né le petit Grégory. Elevé entre une mère pianiste férue de musique classique, et un père beaucoup plus attiré par les rythmes syncopés du jazz, ballotté entre la rigueur maternelle et la fantaisie paternelle, écartelé entre la méthode et l’impro, le jeune garçon aurait pu se retrouver fort perturbé. Au contraire, ces divergences, il les a faites siennes. Il se les est appropriées, il a tout ingurgité, il en a fait sa vérité à lui ; cette dualité d’une richesse incomparable, il nous la démontre illico sur scène en s’asseyant entre deux pianos et en passant sans transition de l’un à l’autre poursuivant une mélodie du plus pur classicisme à un ragtime endiablé.
Déjà auréolé de la première place d’un concours national canadien de piano à… 7 ans ( !), Grégory est un authentique virtuose pluridisciplinaire qui a mis son immense talent au service du spectacle. La première moitié de la première partie nous montre donc sa parfaite maîtrise du piano. Ses solides bases classiques lui servent de rampe de lancement pour les rhythm’n’blues les plus enflammés. En plus de ses dons de musiciens, Grégory Charles est un fameux conteur. Il nous narre sa jeunesse, s’attarde avec énormément d’humour et d’autodérision sur la couleur de sa peau, plaisante avec le public. C’est un véritable one-man show. Puis le one-man show s’évanouit soudain au moment où Grégory est rejoint sur scène par cinq musiciens et une plantureuse choriste. Les flammèches qu’il avait allumées au début, se transforment alors en brasier et la deuxième moitié de la première partie se termine sur un formidable gospel. Toute la salle, à l’unisson, enfiévrée par ces rythmes frénétiques, tape des mains, bouge les pieds, reprend le chorus… Un grand moment de partage.

Place alors à la deuxième partie. On a compris que l’on avait affaire à un hurluberlu de génie sur le plan musical. On peut donc s’attendre à tout. Et on va avoir droit, effectivement, à tout !
Grégory Charles a fait distribuer à l’entrée des petites fiches sur lesquelles on note le titre d’une chanson, le nom de son interprète et, pour la valider, son propre nom et le numéro de son emplacement dans la salle.
Et là, l’homme-orchestre se métamorphose en juke-box ambulant. Il tire une fiche au sort et sans en divulguer le continu à ses musiciens, il commence à leur livrer une sorte de grille harmonique. Et c’est parti ! Voici en gros le programme qui nous fut proposé : Aznavour (deux fois de suite), Michael Jackson, Hallyday, Ray Charles, Brel, Miles Davis, Jean-Jacques Goldman, Goldorak ( !), Barry White se sont succédés dans des compositions parfois fidèles, parfois complètement détournées. Il s’amuse et on s’amuse avec lui. Il faut dire que le jeune homme est épaulé par six complices qui sont de remarquables musiciens eux aussi, aptes à rebondir sur le moindre de ses signaux.
Bien sûr, on ne peut pas attendre de lui qu’il connaisse par cœur des centaines et des centaines de chansons en anglais et en français, c’est totalement irréalisable, c’est mission impossible. En revanche, aucune mélodie n’a de secrets pour lui. Il plaque un accord et la machine démarre. Lorsqu’il déniche un titre qu’il ne maîtrise pas parfaitement, voire pas du tout, il se jette à l’eau quand même. Au début, il patauge, il barbotte, il fait un peu la planche, puis, progressivement, il commence à flotter, il trouve sa cadence, et il finit à la manière d’un champion olympique de natation. Saisissant ! Malin, il a recours à toutes les astuces quand il ne sait pas un texte entièrement : onomatopées, yaourt, répétitions, phonétique… tout est bon. Et c’est toujours étonnant et surprenant d’inventivité. Et la salle finit debout dans un grand moment de communion païenne et musicale, les mains en feu, le sourire aux lèvres, et le cœur en joie.

Personnellement, et tout le monde n’était pas d’accord avec moi, loin s’en faut, j’ai légèrement préféré la première partie à la seconde. Je sais, c’est totalement subjectif. Mon côté cartésien peut-être. Ou alors étais-je inconsciemment déçu qu’une des deux chansons que j’avais proposées n’ait pas été tirée au sort et chantée. Du dépit amoureux, quoi. En revanche, longtemps après le spectacle, dans le métro puis dans le RER, sous la douche, en entrant dans mon lit, je fredonnais encore Georgia On My Mind. C’était comme le bout de scotch dont on ne peut se défaire dans Tintin. C’est terrible l’influence que peut avoir ce garçon ! Mais c’est tellement agréable…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Gregory a longtemps rodé et peaufiné ce spectacle au Québec avant d'oser le présenter en France. Ce surdoués est vraiment unique en son genre, bête de scène incroyable, il m'a fait vivre des moments magiques a peine croyable. Ces spectacles devraient être remboursés par la secu !