mercredi 2 décembre 2009

Florence Foresti "Motherfucker"


Le Palace
8, rue du Faubourg Montmartre
75009 Paris
Tel : 01 40 22 60 00
Métro : Grands Boulevards

Ma note : 8/10

Mon avis : Petite-fille de Jacqueline Maillan et fille de Muriel Robin, Florence Foresti s’est tout-à-fait affranchie de ses grand-mère et mère (ô combien) spirituelles pour mériter désormais qu’on l’affuble de l’appellation contrôlée « LA Foresti ». Faisons donc fi de ces étiquettes que l’on s’ingénie chez nous à coller systématiquement dès que quelqu’un émerge sur la scène. La Foresti ne ressemble à personne. Au fil des expériences, elle s’est créé son propre personnage ; un personnage aujourd’hui unique en son genre. Si elle est devenue, dans l’opinion, la comique préférée des Français, ce n’est pas un hasard. C’est le fruit d’énormément de travail et de beaucoup, beaucoup de talent.

Fan d’elle depuis ses premières prestations sur Canal+ dans l’émission de Stéphane Bern, c’est pourtant avec une certaine appréhension que je me suis rendu au Palace pour y découvrir son nouveau spectacle, totalement inédit, Motherfucker. En effet, je craignais qu’elle ne le consacre intégralement à sa grosses, à son accouchement et à sa relation avec sa chérubine. Bref, j’avais peur que la mère prenne le pas sur la commère, que la génitrice, happée par le baby blues, ne soit devenue un génie triste. Et bien je me suis vachement gourré. Décidément, l’intuition, il faut la laisser aux filles…
Et dire que, hier soir, 1er décembre, jour de la Sainte Florence, La Foresti était affectée par une bronchite… Vu l’énergie dont elle a fait preuve pendant près d’une heure trente, vu la frite qu’elle avait, vu le large sourire qu’elle affichait, il était impossible de s’apercevoir qu’elle était fragilisée. Bien sûr, de temps à autre, elle succombait à une petite toux irrépressible, mais c’était fait si discrètement que l’on s’en rendait à peine compte.

Motherfucker ? Pour intrigant qu’il soit, ce titre est finalement parfaitement approprié car il fonctionne dans les deux sens… D’abord, pour en revenir à mes stupides appréhensions quelque peu machistes, Florence Foresti aborde certes le thème de la maternité, mais elle ne focalise pas sur le sujet. Elle l’évoque, s’y attarde un moment, passe à autre chose, y revient habilement et, surtout, lui apporte un regard tellement décalé, tellement gonflé, qu’on en est emballé. Elle "fucke" les mamans, mais elle "fucke" les enfants itou… Florence fait son entrée sur une musique entraînante qui met la salle, déjà entièrement acquise, dans les meilleures dispositions. De superbes effets de lumière, un jeu de lettres ingénieux sur le mot « Motherfucker », et elle déboule. Tout de noir vêtue, le physique affûté, la mèche rebelle et le sourire complice et malicieux, elle s’empare de la scène et capte immédiatement l’attention du public… (Petite parenthèse à propos du public justement : celui de Florence Foresti a plus de tenue que la pluparts des publics des autres artistes comiques qui ont cette fâcheuse tendance de s’approprier l’artiste et de se montrer grossièrement familier avec lui ; Hier soir, hormis un tonitruant « bonne fête » à son entrée ne scène, un exalté « je t’aime » émis par une voix féminine en fin de spectacle, c’est à peu près tout. On sent qu’il y a du respect. Les gens rient beaucoup et à bon escient et ils ne tombent jamais dans ces excès navrants qui peuvent déranger le voisinage et polluer un spectacle. Les rires étaient sains, frais, joyeux, et beaucoup tenaient plus du gloussement de satisfaction que du rire disproportionné à gorge déployée… Fin de la parenthèse). Mais revenons à ce qui nous intéresse, le spectacle.

Avec une science aiguisée du geste, de la posture et de la mimique, Florence Foresti attaque bille en tête avec une imitation désastreuse du cri du phoque. « Phoque you, Motherfucker » ! Et elle tourne le ridicule de cette entrée en matière qu’elle a sciemment voulu navrante entièrement à son avantage. Ou l’art de se mettre le public dans sa poche en feignant l’humilité. Elle est vraiment balèze. Et la voici qui divague du côté des parcs pour enfants, ces fameux squares où les mamans viennent promener en chœur leurs bambins. Le talent de Florence, c’est de nous raconter des petits faits somme toute banals du quotidien, des situations que l’on a tous vécues ou dont on a été les témoins, mais de nous les narrer en s’attardant sur ce qu’il y a réellement derrière l’image idyllique. Elle renverse complètement les idées reçues, elle bafoue les pensées taboues. Elle dit tout haut ce que l’on pense tout bas. Eh oui, ce n’est pas toujours marrant d’accompagner le mioche au parc, de faire semblant de s’intéresser à son éveil quand on a d’autres préoccupations en tête… Elle dénature le maternellement correct, elle dénonce, elle râle. Et toutes ces constatations négatives, elle les décortique, elle les argumente. Si on a un peu honte au début, de réaliser qu’elle a totalement raison et que ces horribles pensées, et bien, elles nous ont également traversé le cerveau, petit à petit, on se met à adhérer à son discours… et on sent mieux.

Mais je ne vais pas vous raconter le spectacle, ou plutôt le show, car c’en est un. C’est simple, on n’arrête pas de rire. Elle émaille ses propos de digressions savoureuses, de parenthèses d’un réalisme effrayant (l’histoire du Petit Poucet), c’est une fille qui a le don de la saillie, qui sait glisser la fulgurance. Son discours, fait de ruptures incessantes, n’est jamais plat. Il se passe toujours quelque chose. Il y a du rythme, de la folie, de l’extravagance. En plus, elle a dû énormément bosser pour se permettre quelques chorégraphies aussi étonnantes. Elles nous font évidemment marrer, c’est le but, mais on ne peut occulter la performance physique… En résumé, Florence Foresti s’ingénie à tout démythifier, à tout démystifier. Ce sont plus les produits dérivés de la grossesse, les dégâts collatéraux, qui l’intéressent, ceux sur lesquels elle adore mettre la loupe. Son langage est imagé, simple, direct, imparable… Rien que son sketch de fin qui, à lui seul, est un véritable bijou. L’idée est simple, mais il fallait y penser ! Il faut vraiment avoir l’esprit déstructuré d’une Motherfucker pour imaginer les propos que pourrait tenir une gamine de deux ans ! Un très grand moment d’humour pur. Florence Foresti se base en effet sur un pseudo angélisme pour dériver subtilement vers des propos qui pourraient paraître monstrueux s’ils étaient proférés par une autre personne qu’elle. C’est sa forme de pudeur à elle. Motherfucker, oui, mais surtout Mother gros cœur…

1 commentaire:

Tata Cécé a dit…

Wouahhh ouai magnifique critique ... Bravo !! Chapeau melon l'artiste