lundi 14 septembre 2009
La Nuit des Rois
Théâtre Comédia
4, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 38 22 22
Métro : Strasbourg Saint-Denis
Une comédie de William Shakespeare
Texte français de Jean-Michel Déprats
Mise en scène par Nicolas Briançon
Avec Sara Giraudeau (Viola/Césario), Arié Elmaleh (Feste, le bouffon), Chloé Lambert (Olivia), Henri Courseaux (Malvolio), Yannis Baraban (Orsino), Yves Pignot (Sir Toby), Jean-Paul Bordes (Sir Andrew), Emilie Cazenave (Maria), François Siener (Antonio), Thibaud Lacour (Sébastien), Pierre-Alain Leleu (Le Capitaine), Aurore Stauder (Valentin), Sophie Mercier (Curio)
Ma note : 8,5/10
L’histoire : En Illyrie, où règne le duc Orsino, amoureux de la belle et riche comtesse Olivia, une tempête provoque le naufrage d’un navire venant de Messine. Viola et son jumeau Sébastien survivent au naufrage, mais échouent à deux endroits différents de la côte, chacun croyant qu’il a perdu l’autre…
Mon avis : Une merveille ! Une pure merveille. Finalement, Molière et Shakespeare ont tout inventé. Tous les ressorts de la comédie illuminent cette « Nuit » de folie et de délire(s). Une profusion de quiproquos, une pinte de mystification, quelques envolées d’un romantisme adolescent, une grosse louche de non sens so british, c’est un véritable foisonnement. C’est simple, on a même droit à une fort gracieuse gigue irlandaise… Très peu de décors dans le but de libérer de l’espace (ils sont tout de même treize sur scène, et ça bouge !), mais suffisamment explicites pour faciliter la compréhension du spectateur en fonction de l’endroit où l’action se déroule, comme par exemple, ces sept massifs rectangulaires savamment disposés en quinconce…
La mise en scène, particulièrement inventive et alerte, sert parfaitement cette jolie péripétie amoureuse dont on ne cesse, en plus, de (re)découvrir l’écriture ; une écriture d’une richesse incomparable et, finalement, très moderne. Un véritable délice pour les oreilles !
Récapitulons : une mise en scènes efficace, des dialogues et des monologues à la fois subtils et plantureux, des costumes, élégants pour certains, bigarrés pour d’autres (Ah, ces superbes tenues écossaises qu’arborent nos deux sirs !), des intermèdes musicaux réjouissants permettant de mettre en valeur la fort jolie voix d’Arié Elmaleh, une gigue irlandaise exécutée d’une manière fort aérienne par trois aimables et primesautières bacchantes… Voilà déjà de quoi hisser cette Nuit des Rois à un niveau spectaculairement très élevé… Et puis il y a la distribution. Un pur joyau. C’est simple, on a l’impression d’avoir affaire à une troupe tant chacun est parfaitement à sa place et tant la complicité est manifeste. Jusqu’au plus petit rôle, tout le monde est juste, tout le monde est bon.
Mais, tout en saluant cette remarquable homogénéité, on ne peut toutefois s’empêcher de placer quatre comédiens au-dessus du lot, deux pour leur présence décapante et leur virtuosité dans quelques morceaux de bravoure, et une pour sa performance dans un jeu plein de sensibilité et de légèreté… Il y a évidemment Sir Toby (Yves Pignot), dont chacune des apparitions, aussi truculentes que tonitruantes, apporte un grand moment de drôlerie. Il est parfaitement épaulé en cela par son complice de comédie, lui aussi farceur à souhait, Sir Andrew (Jean-Paul Bordes), qui ne recule devant aucune facétie. Il y a aussi Malvolio (Henri Courseaux) ; tout simplement parce qu’il a le rôle sans doute le plus évolutif du spectacle, un rôle qui le voit passer de l’attitude affectée et méprisante de l’intendant imbu de ses prérogatives à celle d’un soupirant énamouré se comportant soudain comme un jouvenceau absolument ridicule (Ah, ce monologue gentiment déjanté et grotesque !)… Enfin, il y a Sara Giraudeau. De pièce en pièce, de prise de risque en prise de risque dans des registres totalement différents, la gracile jeune fille est en train de se tailler une place prépondérante dans notre théâtre. C’est qu’il n’est pas évident à tenir le double rôle de Viola et de Césario, fille ET garçon. Or, elle est carrément magistrale. Légère, douce, pleine de fraîcheur et de fragilité, elle est tout le temps dedans. Et quand elle sourit, elle est terriblement craquante (incroyable d’ailleurs comme elle ressemble à son père quand un sourire illumine son visage).
Cette Nuit des Rois est un spectacle… royal ! Le théâtre à l’état pur, dans toute sa noblesse, sa grandeur et sa folie. On sort profondément heureux du théâtre Comédia.
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