jeudi 10 décembre 2009

Eddy Mitchell "Grand Ecran"



Ma note : 8,5/10

Et bien voilà un album qu’il est bon ! Très bon même. Un vrai petit bijou avec de formidables arrangements sur lesquels notre Eddy croone avec un bonheur évident. C’est en tout cas l’album-hommage qu’il devait à sa passion pour le septième art, une passion aussi vivace, sinon plus, que celle qu’il nourrit pour la chanson. Ce goût pour le cinéma américain lui fut inculqué dès son plus jeune âge par son père. Nourri aux fameux westerns des années 50, il en est un des spécialistes les plus érudits. Admirateur inconditionnel de Robert Mitchum, il a animé pendant plus de quinze ans La dernière séance sur France 3, sorte de ciné-club tout entier dédié aux films produits par les plus grands studios d’outre-Atlantique. Si le western bien sûr s’y taillait la part du lion, il ne manquait jamais de programmer également des films de pirates, des péplums, des films noirs, des polars, des films musicaux, des films de cape et d’épée, des thrillers et même quelques films d’épouvante.

N’ayant plus d’émission de télévision pour évoquer cet amour absolu pour tout ce que le cinéma hollywoodien lui a apporté, Eddy Mitchell a eu la judicieuse idée de le lui rendre en chansons en reprenant une quinzaine de ses plus grands standards. Pour cela, il est carrément allé les enregistrer en Californie, à Burbank, non loin... d’Hollywood.

Disons-le tout net, le choix des titres est imparable. La plupart de ces chansons, on les a gravées dans notre mémoire. Parfois, les chansons, sont bien plus connues que les films eux-mêmes. Sont passées à la postérité. Or, dans ce Grand Ecran d’Eddy Mitchell, elles sont totalement réinventées grâce à de somptueux arrangements. Eddy les a mises à sa sauce et à son style à lui, avec son grain de voix et, surtout, son incomparable phrasé et sa nonchalante élégance.
On retrouve ainsi une multitude de guitares, de l’harmonica, de l’harmonium, des trompettes mexicaines, des saxos, de la clarinette, du bugle, du trombone, différents pianos comme le Rhodes, de la pedal steel (indispensable), de la mandoline, du vibraphone, de la harpe, etc, etc… Cela donne une multitude de climats et de couleurs qui en font une album musicalement somptueux (je vous conseille de l’écouter au casque).

Côté chanson maintenant…
Celle qui m’a le moins emballé, c’est Frappe aux portes du paradis. Ça tombe bien, c’est la première ! Après ce n’est que du (grand) bonheur. C’est vrai, ce premier titre, extrait de Pat Garrett et Billy le Kid, s’avère un tantinet répétitif et mollasson. Pas évident de la faire sonner en français.
Mais dès Toute la pluie tombe sur moi, on tombe dans l’enchantement le plus béat. Les images de Paul Newman et Robert Redford virevoltant sur leur bécane nous illuminent immédiatement la mémoire. Magie du cinéma ! Et Eddy se balade avec eux, comme s’il était lui-même juché sur un vélo et participait joyeusement à cette jolie parenthèse bucolique de Butch Cassidy et le Kid. (couleur dominante : les cuivres)
Il enchaîne ensuite avec un très velouté Je t’appartiens aux arrangements sobres et mélodieux, avec un joli passage de voix doublée. Un gros bonbon !... Puis il interprète façon chanson-travelling la virile mélopée de Macadam Cowboy, Comme un étranger dans la ville (couleur dominante : les cordes), avant d’enchaîner par un primesautier et terriblement swinguant Avril à Paris (couleur dominante : le big band).
Pour moi, la version mitchellienne des Feuilles mortes, est la meilleure que j’ai jamais entendue. On sent l’automne, on se voit traînant des pieds dans un amoncellement de feuilles, dans une nuit tombante, gris et humide. Nous aussi on se fait notre cinéma. C’est beau parfois la nostalgie (couleur dominante : un piano qui égrène des gouttelettes d’eau).
Eddy modernise avec une autorité jubilatoire le fameux Sixteen Tons des Platters. L’adaptation française, signée Jacques Larue, est remarquable. La musique, avec ses ponctuations de cuivres, fait partie intégrante de l’histoire et Eddy puise dans ses dons de comédiens pour apporter un réalisme poignant à cette histoire toute simple d’un héros anonyme de la vie.
Pleurer des rivières… Alors là, on touche au Standard jazzy avec un "S" majuscule. Le stylo enchanté de Boris Bergman fait couler la mélancolie, celle qu’on aime, celle qui nous étreint le cœur et que l’on trouve délicieusement douloureuse. Dans ce registre, la voix grave d’Eddy est aussi adéquate que convaincante (couleur dominante : une guitare évidemment chialeuse).
Une interprétation sensible et intelligente nous fait apprécier tout le sel de ce digest d’une vie somme toute plutôt optimiste qu’est Ma plus belle année. Allons, c’est réconfortant d’apprendre que, finalement, tous les âges de la vie sont beaux pour peu qu’on sache en tirer ce qu’ils offrent de meilleur. Eddy, gentleman classieux, nous la fait gentiment désinvolte (couleur dominante : les saxos).
Autre méga tube du western que ce Si toi aussi tu m’abandonnes à l’arrangement à la fois lourd et léger. Là, surgissent inévitablement les images du couple Gary Cooper et Grace Kelly, à l’époque où la future princesse monégasque jouait encore avec les cowboys au pied des Rocheuses en attendant le Rocher. Du cousu main pour Eddy encore une fois dans le bon wagon, celui du talent (couleur dominante : la basse).
Pas facile de revisiter Aznavour dans un registre où celui-ci excelle, le rythme jazzy. Le défi est largement relevé avec cette interprétation plutôt musclée de Hier encore, comme s’il était pressé par l’urgence. L’arrangement donne vraiment l’impression du temps qui passe à toute vitesse, le salopard ! (couleur dominante : la pedal steel).
Ambiance mâtinée de country pour Je file droit, la chanson peut-être la moins connue de cet album mais qui vaut par son climat. Eddy, qui joue ici les maris serviles et enamourés (un rôle de composition !), nous la livre avec une certaine retenue qui rendrait presque son attitude crédible. Bon comédien, le bougre (couleur dominante : re-pedal steel) ;
Dans Celui qui est seul, on plonge carrément dans le son des années 60, avec chœurs ténus et garnis d’onomatopées. Clin d’œil aux années yé-yé si chères à Eddy (couleur dominante : mandoline et cordes).
Alors là, avec Garde-moi la dernière danse, ça swingue grave. Le regretté Mort Shuman eût apprécié cette version ultra tonique de sa chanson. Eddy y met toute son énergie. On sent que si la gonzesse ne lui accorde pas sa dernière danse, il va y avoir du grabuge dans la ballroom (couleur dominante : le piano boogie ; quel solo !)
Autre chanson cultissime et hiératique installée dans le juke box du Panthéon de la chanson de film, Over the Rainbow, titre immortalisé par la grande Judy Garland. La barre était haut, très haut placée, puisqu’au-delà même de l’arc-en-ciel. Alors Eddy a éludé la pression en partageant le boulot. Mitchell, le magicien, dose… ses effets. A deux, on est plus fort. Et il est vrai que sa voix et celle de Melody Gardot en alternance se marient à merveille. Un grand moment de douceur mélodieuse (couleur dominante : trompette et percussions)
Et enfin, juste avant « The End », un titre s’imposait, évident, incontournable, obligatoire : La dernière séance. Cette fois, il l’interprète sur un rythme un peu plus rapide, comme s’il était pressé d’en finir, de se prendre Une semaine de vacances bien méritée. Et le rideau sur le skeud est tombé… (couleur dominante : la guitare)

Inutile de le cacher, j’ai pris un plaisir énorme à l’écoute de ce CD. Tout est bien. Les arrangements, bien sûr, dont j‘ai déjà souligné la qualité et la finesse, et l’interprétation sans faille d’Eddy Mitchell, avec cette distanciation et ce feeling qui n’appartiennent qu’à lui. Un opus réellement abouti, un Grand Ecran pour grande écoute. Super !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

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Michel PETROCCHI a dit…

Félicitations ! Très bel article sur Eddy et sur son dernier album.

A vous lire on se sent moins seul à aimer des choses qui semblent, déjà, oublié par la majorité des gens.

Coïncidence ? Non ! Sur mon propre blog, je fais figurer "Grand Ecran".

Cordialement