L’Amour fou
EMI
Dire qu’en 1988, à la sortie de son album Décalages, Françoise Hardy avait annoncé
qu’elle arrêtait la chanson. Elle n’avait que 44 ans… Je me souviens avoir
signé un article attisté que j’avais titré : « Les Décalages de la retraite » ! Heureusement
pour nous, il n’en fut rien et Françoise a, depuis ce funeste mouvement
d’humeur, enregistré six nouveaux albums dont celui qui vient de sortir, L’Amour fou.
L’Amour fou
Cette chanson qui donne son titre à l’album est un vrai
petit film. En tout cas, on n’a aucun mal à y mettre des images. Un carrosse
attend une belle comtesse pour la mener au chevet de son amant mourant… C’est
le petit matin, on voit Françoise dans le rôle de la dame de confiance qui
exhorte sa maîtresse à se hâter ; on imagine de belles robes, un cocher en
livrée, des chevaux qui piaffent… Et beaucoup d’émotion… Thierry Stremler a su
mettre les notes adéquates pour restituer ce climat à la Barry Lyndon. Et puis
il y a la voix de Françoise, son murmure pressant, ses injonctions, sa
tendresse complice… Ce titre est magistral.
Les fous de Bassan
Chanson sombre et languissante. Je lui trouve un petit côté
Barbara.
Mal au cœur
Jolie petite chansonnette pour une drôle de consultation.
Remarquable pour ses rimes en « eur » et son ton faussement détaché.
Vous n’avez rien à me dire
Chanson pleine de doute, de fragilité et d’espoirs contenus.
Françoise est allée dénicher un petit poème de Victor Hugo qui décrit
merveilleusement la confusion des sentiments d’une jeune femme.
Normandia
Julien Doré s’est totalement en-Hardy tant ce texte aurait
pu être d’elle. « Pleure mon cœur imbécile » est une phrase qu’elle
ne pourrait renier. Accompagnée d’un piano mélancolique, Françoise démontre une
fois de plus combien la nostalgie lui sied.
Piano bar
Une ambiance feutrée et classieuse d’un piano bar de palace.
On se plaît à se projeter l’image d’un Serge Gainsbourg au bar du Ritz ou du Raphaël…
Alain Lanty a composé une mélodie délicate et ouatée que l’on écoute les yeux
mi-clos en savourant un cocktail aux tons pastel.
Pourquoi vous ?
On vient d’évoquer Gainsbourg… On sent de nouveau sa
présence tutélaire dans ces rimes en « ou » qu’il a sublimées dans La Javanaise. L’écriture ciselée de
Françoise, jouant brillamment avec les allitérations, soulignée par les notes
de Calogero, apporte à cette chanson un climat mystérico-romantique. Climat qu’accentue
encore la petite ritournelle annonçant « The End ».
Soie et fourrures
Chanson éminemment féminine (qui ne plaira sans doute pas
aux féministes), sur une mélodie très élégante de Thierry Stremler… Pouvoir
utiliser toutes les affèteries d’une coquette pour Le séduire même si c’est « contre
nature », vouloir Lui plaire de façon obsessionnelle mais désincarnée, savoir
se contenter des « miettes qu’Il lui laisse »… On pense à L’esclave de Serge Lama… Vous avez dit
masochiste ?
L’enfer et le paradis
Chanson dans laquelle le temps s’étire à l’infini pour
résumer « toute une vie à nous attendre ». Alternance de moments doux
et de moments durs, de printemps et d’hivers, de feu et de froid… On la sent
très, très personnelle cette évocation qui synthétise « toute une vie dans
le silence » plombée par ses propres « dilemmes » et contrariées
par ses « absences » à lui.
Rendez-vous dans une autre vie
Ma deuxième chanson préférée après L’Amour fou. Peut-être parce qu’elle est (presque) entraînante et
légère. Manière élégante (le vouvoiement entre autres) de signifier la fin d’une
longue union, sorte de désamour courtois avec, à en point d’orgue,
remerciements sincères pour les « beaux rêves, folies et fièvres » qui
l’auront émaillée.