mercredi 30 mai 2007

Le Comte de Fourques


Sans me forcer

Voici là un vrai album de chansons. On comprend pourquoi Cali veille sur la carrière de ce garçon. C'est qu'il y a de la qualité chez ce pseudo aristocrate. Sa noblesse de réside pas dans son sang improbablement bleu, mais dans son âme. Il y a chez lui en effet une forme d'élégance du désespoir. Monsieur le Comte se raconte. Ou bien il s'étudie dans son miroir, et il n'est pas content de lui ; ou bien il regarde par la fenêtre le monde qui l'entoure, et il n'est pas content non plus. Pas un cadeau la vie. L'environnement part en quenouille, les filles sont déroutantes, vampirisantes et destructrices, lui-même est un amoureux peu fréquentable... Excès de lucidité aussi évidents qu'encombrants. Le Comte se connaît bien, il s'auto-analyse à longueur d'album et sa vision de l'avenir est peu engageante. Malgré tout, il s'impose un furtif "La vie est belle" façon méthode Coué. Il s'accroche à cette bouée de sauvetage et barbote en sifflotant dans un marais fangeux et pollué.
Vous l'aurez compris, le Comte de Fourques est un dandy désenchanté, un témoin de son temps plutôt pessimiste et un virtuose maso de l'autodérision. Allez, j'ose le dire : il y a du Baudelaire chez lui... J'aime beaucoup son album, musicalement très costaud avec des arrangements riches et fournis. 11 titres sur 12 sont essentiellement guitareux. et c'est vachement bien. Sa voix, dont certaines inflexions ne sont pas sans rappeler Kent, est chaude, distincte, avec une pointe d'ironie et une distance quasi permanentes. C'est agréable un CD agrémenté de jolies musiques et nanti de paroles qui s'écoutent...

Mon hit-parade :
1/ Dans la lune : Chanson sautillante et guillerette intégralement accompagnée par une guitare sèche de bon aloi. Le Comte nous y distille son autocritique. Il se reconnaît rêveur, capricieux, et revendique son besoin d'espace et de hauteur. Pour le mériter, il faut savoir se hisser jusqu'à lui. C'est ainsi !
2/ Sans me forcer : Un looser scrute son existence par le petit bout de la lorgnette. C'est la justification et la glorification de l'échec. Sur un texte remarquablement écrit, il énumère tout ce que la vie apporte de désagréments et d'emmerdes. Ce qui n'interdit pas au refrain d'être tout à fait jubilatoire.
3/ L'affiche : Quel texte ! cette chanson ressort du lot car elle est la seule où la guitare ne fait pas son intéressante. Elle s'efface devant un piano, un accordéon, une clarinette... Résultat, ça swingue grave. Le thème est l'agression permanente de la profusion de l'affichage publicitaire et les dégâts qu'il provoque dans notre cortex. Bonjour les fantasmes ! Et c'est tellement vrai.
4/ Par-dessus la jambe : Là encore, le Comte ne se fait pas de cadeau. Bourré de remords, il s'auto-flagelle et en un terrible mea culpa : "Je suis coupable de désamour". C'est terriblement masculin, mais au moins, lui, il a le courage de reconnaître quand il se conduit en "ordure". Magistral !
5/ Pluie acide : L'écologie est omniprésente dans les obsessions de monsieur le Comte. Cette chanson est un constat lucide et fataliste des dérives environnementales que provoque notre société de consommation. Le monde part en sucette. Alors, ne faut-il pas faire l'autruche, essayer de rester un enfant endormi et ne pas se réveiller ? Je ne pense pas que ce soit son genre.
6/ Te fuir : C'est la parfaite opposée de Par-dessus la jambe. C'est l'asservissement amoureux, la dépendance à l'autre, poussés à leur paroxysme. Dans une ambiance musicale vigoureuse, il attend de toucher le fond du fond pour s'autoriser cet ultime sursaut qu'est la fuite. Mais ça ne va pas être facile. La douleur est là, qui guette au tournant.
7/ A bicyclette : Cette bicyclette symbolise parfaitement le cheval de bataille du Comte contre la pollution, la menace de la raréfaction de l'essence. Une chanson-gag chorale qui se veut entraînante mais qui nous met sérieusement en garde. "Le monde déraille" et "les écolos rongent leurs freins". Si on continue à pomper inconsidérèment dans nos ressources, il ne nous restera que l'huile de coude et l'énergie des mollets car "on finira tous à vélo"... Il y a de quoi réfléchir.

Daphné


Carmin

Deux ans après Emeraude, Daphné nous offre avec son deuxième album, Carmin, une nouvelle pierre ô combien précieuse.
Daphné, à brûle-pourpoint, c'est d'abord deux choses : une voix unique, immédiatement identifiable, faite de petites fêlures, de décrochages (qui font souvent penser à Barbara), et encocoonée d'un joli voile ; le deuxième élément qui lui est vraiment propre, c'est son univers musical. Il est d'une richesse et d'une originalité incroyables. Tous les instruments de musique existants figurent apparemment sur cet album. Elle passe sans transition de la guitare ou du piano intimistes à la fanfare façon New Orleans. Elle a certes un penchant marqué pour la ballade habillée en valse lente, mais elle ne dédaigne pas non plus les ambiances cuivrées, les pianos bastringue. Et elle ose même avec Les yeux comanches, un a cappella à faire pâlir d'envie les meilleurs groupes vocaux.
Les autres qualités de Daphné, on les remarque en écoutant attentivement son oeuvre. la jeune femme possède une sacrée bonne plume ! C'est une conteuse née, qui s'exprime parfois avec réalisme, parfois dans une poésie un tantinet abstraite (Déclaration à Celui). Ses chansons, qui ont chacune leur couleur propre, sont autant de petits livres d'images illustrées sur des tons pastels.
Bref, ce second opus de Daphné est original, rare, surprenant, musicalement luxueux. Un véritable enchantement !

Mon hit-parade :
1/ Musicamor : façon tango, dominée par une guitare toute simple qui se fait parfois subtilement hispanisante, un arrangement très chouette. Et la voix ! Comment elle joue avec ! C'est superbe.
2/ Les phénix : On y retrouve notre guitare sèche, mollement allongée sur un duveteux lit de cordes. L'interprétation, charmante, aérienne, emplie de tendresse, décolle d'une manière imparable à l'apparition du refrain. La voix, sur le fil, se fait délicieux chuintement. Et l'ambiance s'en va crescendo du subreptice jusqu'à un flamboyant final carrément symphonique...
3/ Le petit navire : Une ritournelle efficace sur fond de cuivres, une écriture subtile à l'inspiration maritime.
4/ Mourir d'un oeil : Là, l'instrument vedette, c'est le piano. Idéal pour cette valse lente pleine de mélancolie, réflexion craintive et révoltée sur l'échéance fatale. Avec, en même temps, une exhortation à profiter le vie, à l'insouciance et au rêve... A noter le clin d'oeil à Boris Vian via le leitmotiv "Je n' voudrais pas crever".
5/ Abracadabra : Chanson à part, inclassable, étonnante par sa construction, son climat, son écriture, et son interprétation bizarroïde. La voix de Daphné n'y apparaît que comme un instrument supplémentaire au sein d'une fanfare swingante Nouvelle Orléans, avec trompette bouchée, piano bastringue et tutti quanti.
6/ Les yeux comanches : C'est là aussi une chanson ovni. Totalement inattendue et franchement gonflée. Rien que des voix. Un groupe vocal mâle forme un écrin chaud et protecteur à l'organe fragile et éthéré de la chanteuse. C'est tout bonnement magnifique.

vendredi 25 mai 2007

Hors forfait


Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Edgar Quinet

Une comédie de Noémie de Lattre et Delphine Lacouque
Mise en scène de Marc Goldberg
Avec Malcolm Conrath (Antoine), Delphine Lacouque (Hélène), Noémie de Lattre (Joe), Aude Roman (Nathalie)

Le pitch : Histoire de tromper son ennui et sa déprime naissante, Joe décide d'organiser une soirée pour fêter l'anniversaire d'Hélène. Outre cette dernière, elle invite Antoine, son ex (dont elle n'a pas encore vraiment cicatrisé), et sa nouvelle compagne, Nathalie. Or, le couple est en crise : Nathalie n'a pas annoncé à Antoine qu'elle était enceinte et celui-ci n'a pas encore eu le courage de lui dire qu'il voulait l'épouser... Quant à Hélène, qui diffuse la bonne parole de Dieu depuis chez elle pour gagner sa vie, elle ne se montre pas particulièrement enthousiaste devant cette invitation. Visiblement, elle a d'autres projets en tête...

Mon avis : Etais-je alourdi par la roborative truffade engloutie au restaurant en face du théâtre, toujours est-il que j'ai eu un mal fou à essayer de prendre du plaisir à cette pièce. Peut-être le prologue m'a t-il déjà déconcerté. Je l'ai trouvé trop long et, surtout, totalement superflu car il n'a rien à voir avec la suite.
Honnêtement, le décor, une construction de cartons décorés de post-it, s'avère une jolie astuce de mobilité pour supplanter l'absence évidente de moyens. Les jeux de voiles nous permettent aisèment de changer de lieu et d'univers. C'est plutôt bien fait et les lumières sont jolies.
Puis je me suis attaché à suivre les circonvolutions téléphoniques de ce quatuor. Très vite, on pige la situation. Nathalie vient de se découvrir enceinte. Elle n'a pas osé en faire part à Antoine tant elle craint qu'il soit hostile à l'idée de paternité. Du coup, elle est fragilisée, parfois agressive et elle pleure pour un rien... Antoine, jeune cadre qui a réussi, est un macho type, qui refuse de prendre ses responsabilités. Et comme, en plus, il est affligé d'une grave hypocondrie, il se renferme dans un égocentrisme puéril et vraiment excessif. D'ailleurs, il s'avère que le plus hystérique de la bande, c'est lui ! Joe, l'ex d'Antoine, a sombré dans une déprime languide qu'elle compense par une forte consommation de cigarettes et d'alcool. On voit que, par nature, c'est une meneuse. Quant à Hélène, elle semble sage et douce, compréhensive, humaine. Elle serait le personnage normal de cette pièce si elle n'était pas tombée fraîchement amoureuse. Et là elle en devient franchement idiote, bêtifiant et roucoulant à l'infini.
Ce sont donc quatre personnages en crise qui ne cessent de s'appeler, de raccrocher, de se rappeler, d'attendre qu'on les appelle. Car le personnage principal de Hors forfait, c'est bien évidemment le téléphone. Cette pièce nous démontre à quel point cet ustensile fait aujourd'hui partie intégrante de notre quotidien ; il est le dépositaire de tous nos états d'âme ; il fait office de confident, de bouée de secours, d'exutoire. Il est indispensable... La pièce met en évidence notre difficulté à communiquer. On se parle mais on ne s'écoute pas.
Le sujet est donc on ne peut plus actuel. Et l'idée d'écrire une comédie autour de cette dépendance était judicieuse. Les trois filles sont plutôt pas mal. Joe, survoltée, fait preuve d'une énergie considérable. Hélène est parfaite en gentille nunuche. Les rôles de Nathalie et d'Antoine semblent avoir été plus délicats à cerner car ils sont en permanence sur le fil du surjeu.
Bref, il y a tous les ingrédients pour faire une bonne pièce, un bon rythme, on sourit parfois à quelques jolies saillies ("Fumer, ça devrait être un métier"), mais on reste un peu étranger face à ce tohu-bohu. C'est sympa, mais il manque le petit quelquechose qui nous rendrait complice de leurs avatars. Au final, on ne passe pas une mauvaise soirée. Elle aurait toutefois pu être meilleure. Avec un peu plus de rigueur dans le texte ?

La Cellule de Zarkane


Auteur : Joseph Lubsky
Genre : thriller
Editions : Florent Massot

L'histoire : Aux assises, un homme écope de vingt-deux ans de prison pour le meurtre d'une mère et de sa fille. Zarkane, l'oeil noir et sec, contemple, sans le moindre signe d'émotion, ceux qui viennent de le condamner.
Une descente aux enfers qui va l'amener à dérouler le fil de sa vie. Une vie qui débute dans une caravanr d'un camp gitan du Sud de la France, puis dans une famille d'adoption, avant que Fernand, le parrain de la Côte d'Azur, ne décide de le prendre sous son aile pour en faire un caïd et un homme riche...

Le petit bonhomme en tôle
Mon avis : Bon, il est inutile de se la jouer mystérieux car, hélas, le secret a été éventé bien trop prématurément : sous le pseudonyme de Joseph Lubsky se cache en fait Patrick Sébastien. Il s'était présenté chauve, nanti de lentilles qui lui faisaient l'oeil sombre, la démarche mal assurée, la voix hésitante, l'accent chantant, sur le plateau de Laurent Ruquier pour faire la promo de son bouquin. Même Shirley et Dino, qui le pratiquent depuis de longs mois, n'y ont vu que du feu. Je dois avouer que je l'avais vite reconnu, ma femme en est témoin. Il est bien regrettable que la presse ait divulgué la supercherie car il eût été passionnant de voir la réaction des critiques face à cet ouvrage signé d'un inconnu. Le fait qu'ils soient informés qu'ils avaient en réalité affaire à Patrick Sébastien ne pouvait qu'influencer, voire fausser leur jugement.

Le polar est mon livre de transports. C'est, avec le Parisien, ma seule lecture dans le métro. J'aime énormément ce genre de littérature. C'est donc avec une certaine circonspection que je me suis faufilé dans La Cellule de Zarkane. Même si j'ai pensé tout du long à son auteur, je me suis passionné pour cette destinée hors du commun, pour cette trajectoire violente et lyrique et pour ce personnage attachant malgré ses exactions. C'est qu'il s'en passe des choses ! Des choses auxquelles on ne peut pas s'attendre. Ce bouquin, riche en rebondissements, est fort, âpre, prenant. Lorsqu'on le referme, on reste pensif un long moment. On ne sort pas épargné de ce voyage en compagnie de Kéma/Zarkane, mi-ange, mi-démon, et tellement humain.
Ce livre est tout entier rempli des grands thèmes chers au Patrick Sébastien secret. Chez lui, Eros, l'amour, est toujours étroitement lié à Thanatos, la mort. On y retrouve son attirance pour le suicide, sa fascination pour la folie, son goût pour l'auto-châtiment et, par extension, pour l'autodestruction ; et son obsédante recherche du père... Mais on y retrouve aussi sa profonde tolérance, son sens aigu du pardon et, surtout - même s'il ne s'aime pas toujours lui-même - son amour des autres, particulièrement des braves gens. Et sa tendre empathie pour les femmes. Patrick entretient un sens un peu désuet des valeurs et un authentique code de l'honneur. Malgré les vacheries qu'elle lui a faites, il aime charnellement cette garce de vie. Malgré aussi son constat péremptoire sur ses congénères : "Les hommes sont monstrueux. Superbement ou misérablement"...
Et puis il y a sa passion pour le verbe, pour les mots. On lui refusera sans doute le statut d'écrivain, mais quel auteur et quel conteur il est ! Parfois,, au détour de la description d'un paysage, de la relation d'une ambiance, je pensais à Jean-Claude Izzo... Patrick est toutefois légèrement moins désanchanté, moins résigné. Le vernis de gaîté dont il s'est enduit le coeur le pousse gentiment vers les happy end.
En conclusion, La Cellule de Zarkane est un livre fort, au style vif et précis qui, en dépit de son titre, apporte une réelle évasion. C'est aussi un livre qui donne beaucoup à réfléchir. Chapeau Patrick. Un authentique romancier est né. Zarkane mérite d'avoir d'autres petits.
Et quel film cela pourrait donner. A ce propos, je ne sais pas s'ils se connaissent, mais ce serait bien que Patrick rencontre Olivier Marchal. Ces deux gaillards ont dans le coeur les mêmes fêlures, les mêmes zones d'ombres et de désespérance paradoxalement éclairées par une sorte de foi en l'homme aussi incongrue qu'authentique. Zarkane, c'est un peu de ces deux-là.

jeudi 24 mai 2007

Les Caméléons d'Achille


Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 Paris
Tel : 01 42 96 92 42
Métro : 4 septembre

Ecrit et mis en scène par Corinne et Gilles Benizio
Avec Corinne Benizio, Gille Benizio, Valérie Crouzet, Pascal Durozier, Maryse Poulhe.

Le pitch : Cinq comédiens s'amusent à revisiter, à leur manière, les principaux genres théâtraux en une succession de tableaux burlesques et saugrenus entrecoupés d'intermèdes farfelus.

Mon avis : Corinne et Gilles Benizio ont remisé un temps leurs panoplies de Shirley et Dino, avec lesquels ils commençaient à tourner un peu en rond, pour réendosser les costumes de leurs débuts, ceux d'Achille Tonic. Et ça leur a fait bien fou. Un véritable élixir de jeunesse ! Leur plaisir d'être sur scène aux côtés de trois complices aussi déjantés qu'eux est évident. Ils sont totalement redynamisés et, forts de leur talent d'Achille, plus toniques que jamais.
Le postulat de ce spectacle est imparable. En parodiant quelques uns des plus grands genres du théâtre : dans l'ordre d'apparition en scène, le boulevard, la farce façon Molière, le mélodrame, le théâtre shakespearien et la comédie musicale, ils s'offrent et nous offrent un éventail de jeu absolument complet. Et ils osent tout !
Dans un décor très original et très kitsch, changeant de costumes à tout bout de champ (il faut en parler des costumes tant certains sont improbables), ils se livrent à une débauche de situations inénarrables et rocambolesques avec un irrésistible humour potache.
On n'arrête pas de rire. D'un rire sain, simple, naturel, bon enfant. Il n'y a pas une once d'ironie ou de méchanceté chez Corinne et Gilles. Ils se permettent tout juste quelques apartés en formes de piques sur l'actualité, autant de clins d'oeil savoureux histoire d'affirmer qu'ils restent vigilants...
Les cinq comédiens ne rechignent devant aucune extravagance. Ils surjouent avec jubilation ; les mimiques et la gestuelle sont volontairement outrées. Ce qui nous donne une invraisemblable galerie de personnages complètement délirants. Pendant plus de deux heures, le rythme ne faiblit jamais. On a droit aux effets les plus lamentables : sonneries de portables faites avec la bouche, cascades hollywoodiennes sur un canapé, fausses dents, accents approximatifs ; ils se permettent même un tableau entier en pseudo anglais shakespearien du 16è siècle ! Là, c'est carrément les Monthy Python à la sauce Branquignols...
Personnellement, mon détournement préféré est celui abordant le genre du mélodrame. Quel grand moment ! Tous les clichés les plus éculés y sont contenus.
Et puis, il y a les fameux intermèdes. A travers ces parenthèses qui permettent les changements de décor, ils touchent vraiment le fond du ridicule. Mais c'est fait avec une telle candeur, un tel aplomb et une telle maladresse qu'on ne peut qu'éclater de rire. C'est tellement énorme qu'il est impossible de résister.
Il faut saluer la performance des cinq comédiens. Ils passent d'un rôle à l'autre et d'un costume à l'autre avec une aisance confondante. Chacun dans son registre est franchement épatant. Leur complicité est patente. On lit dans leurs regards leur plaisir à voir s'ébattre leurs partenaires. Ils en ont même parfois du mal à garder leur self-contrôle tant la prestation cocasse de l'un ou de l'autre est inventive.
Bref, Les Caméléons d'Achille sont l'archétype du spectacle total. Tout est parfaitement maîtrisé. Et ça fait tellement de bien de rire comme des enfants, sans retenue, sans aucune arrière pensée. Figurez-vous que, faisant fi de ma timidité chronique, je me suis même laissé aller à chanter en canon. Ce n'est pas là le moindre talent des Achille Tonic que nous inviter à partager. C'est tellement beau la générosité !

lundi 21 mai 2007

UV


Un film de Gilles Paquet-Brenner
Avec Jacques Dutronc (le père), Marthe Keller (la mère), Nicolas Cazalé (Boris), Laura Smet (Julie), Anne Caillon (Vanessa), Pascal Elbé (André-Pierre), Alexis Loret (Philip)...
Sortie : 30 mai

L'histoire : Une villa sur une île, au plus fort de l'été...
Un jour, un inconnu surgit. Il se prénomme Boris. Il vient rendre visite à Philip, son vieil ami de lycée. Seulement, Philip n'est pas là. Il est annoncé, mais on ne sait pas quand il va arriver. Aimable, séduisant et sûr de lui, Boris n'a aucun mal à se faire inviter. En apportant un peu de fraîcheur et beaucoup de mystère dans cette ambiance moite et torride, il se rend quasiment indispensable...

Mon avis : Rien à dire, la première image est belle, très belle même. Deux superbes jeunes femmes, les cigales, le soleil, la mer bleue, les coillines, une propriété de rêve... Le paysage est idyllique. En fait, il s'avère rapidement qu'il n'y a que le décor naturel et la photo qui soient à la hauteur et le soleil qui soit éblouissant.
Le début est languide, pour ne pas dire longuet ; les dialogues, souvent creux, sonnent parfois très faux. On a beaucoup de mal à entrer dans cette histoire tant le rythme est volontairement lent. On ne mord jamais. Le film s'étire, la menace couve, couve, couve... On a hâte qu'elle s'extraie enfin de son oeuf. Et quand ça arrive, on se demande pourquoi on resté là à attendre.
Dutronc, taiseux et énigmatique à souhait, joue a minima. Marthe Keller, radieuse, épanouie, fait ce qu'elle peut, confirmant qu'elle est trop rare au cinéma. Quant à Pascal Elbé, normal et lucide, il est parfait. Il tire son épingle de l'absence de jeu. Nicolas Cazalé est, entre autre, pathétique en joueur de tennis.
Inévitablement - car on a largement le temps de penser à autre chose - on songe à Plein Soleil. Et ça ne rend pas service à UV ! Entre un astre et une éclipse, il n'y a pas photo.
Pourtant, Gilles Paquet-Brenner nous avait laissé entrevoir de Jolies choses. Mais cette fois, il s'empêtre dans cette histoire qui n'en est pas une. Trop de style tue le style. Il a dû être victime d'une insolation. UV, je pèse bien mes mots tant mon ennui fut grand, je l'ai traduit illico en "Ultime Vacuité" !
Vraiment, ce film poussif, empli de poncifs, m'a laissé pensif...

lundi 7 mai 2007

Hitcher


Un film de Dave Meyers
Avec Sean Bean (John Ryder), Sophia Bush (Grace Andrews), Zachary Knighton (Jim Halsey), Neal McDonough (Lieutenant Esteridge)...

L'histoire :En s'arrêtant au bord de la route, Jim et Grace ne pouvaient pas imaginer qu'ils allaient prendre en stop... un tueur psychopathe. Ils réussissent à lui échapper, mais l'homme continue ses massacres en semant des indices qui accusent le jeune couple. Avec la police à leurs trousses, leur unique espoir est de tenter de capturer eux-même le meurtrier pour prouver leur innocence...

Mon avis : La première scène est édifiante : un lapin se fait exploser par une voiture. Le générique ? Il ne fait pas bon être une bestiole ou un insecte. Par ces petits détails déjà bien sanguinolents, le ton est donné.
Il faut vraiment être amateur du genre pour apprécier Hitcher à sa juste valeur. Le réalisateur devait avoir un sacré budget "hémoglobine". Et il a su l'utiliser au-delà de nos pires appréhensions. Ce film, tourné à la façon d'un clip est réellement oppressant. Lumière très crue, utilisation systématique de gros plans sur les visages, servi par une bande-son qui joue à ravir avec nos nerfs, bonjour l'angoisse ! La tension y est permanente et rien ne nous est épargné. Voici un thriller sans concession, aux images bien dures et bien cruelles, qui contient son pesant de scènes-choc, violentes, brutales, et quelques cascades spectaculaires. Le coeur, se sentant parfois un peu à l'étroit dans notre cage thoracique, se livre à quelques délicieux soubresauts.
Le tueur (qui n'est autre que Sean Bean, le comédien qui incarnait Boromir dans Le Seigneur des Anneaux)est un pur sadique qui s'amuse avec ses victimes avec un détachement effrayant. Et comme il semble doté d'un sixième sens qui lui permet d'anticiper et d'avoir toujours un coup d'avance sur l'échiquier de l'horreur, il est vraiment décourageant et semble indestructible.
Dans ce torrent de couleur rouge sang, le seul refuge apparemment apaisant est le regard bleu ciel du flic. Mais ne va-t-il pas s'assombrir à son tour ?...
Un film destiné aux vrais amateurs de sensations (très) fortes.

Les Hors la Loi


Théâtre du Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

Une comédie d'Alexandre Bonstein
Mise en scène par Agnès Boury

L'histoire : Poursuivis par la police, un bandit et son complice se réfugient dans un centre d'activités artistiques pour handicapés. La directrice, qui fait répéter aux pensionnaires leur spectacle de fin d'année sur le thème de "Bonnie and Clyde", prend le fugitif pour un comédien prévu pour leur prêter main forte et les faire profiter de son expérience...

Mon avis : A priori, il s'agit là d'une comédie toute simple reposant sur le thème classique du quiproquo. Les deux malfaiteurs en cavale sont pris, surtout un, pour des comédiens chevronnés. Le hic, c'est que la planque qu'ils ont choisie est un établissement pour handicapés. A ce moment-là ce sont tous nos réflexes habituels au théâtre qui sont bouleversés. Les deux malfrats réagissent comme la plupart d'entre nous face au handicap. C'est-à-dire avec beaucoup de gêne et de maladresse, un peu de compassion et une bonne dose de cette irritation qui nous gagne quand nous sommes confrontés à la différence. On sait rarement se comporter naturellement. Le handicap fait peur même si, comme l'assure gentiment une jeune femme, "il n'est pas contagieux".
Dans Hors la Loi, il y a deux spectacles en un. La pièce dans son déroulement normal d'une part, et la comédie musicale que sont en train de répéter les pensionnaires de la Maison Bleue d'autre part. Elle contient donc de nombreux intermèdes chantés. Et là, croyez-moi, on est bluffé et totalement subjugué par le talent vocal de certains de ces artistes. Quel casting ! Il y a deux jeunes femmes en particulier qui pourraient prétendre sans aucun mal à postuler pour La Nouvelle Star. Dove Attia, qui en est un des coproducteurs et qui sait ce que bien chanter veut dire, n'est pas parti par hasard dans cette aventure profondément humaine et artistique.
C'est qu'on en oublierait presque que les comédiens sur scène devant nous sont des handicapés. Ils dégagent une telle joie de vivre qu'ils banalisent leur situation. Ce spectacle, marqué du sceau de l'autodérision, est rempli d'humour et de tendresse. Avec eux tout devient possible ; y compris les chorégraphies en fauteuil ! Et puis quelle audace, quel pied de nez aux conventions que de faire interpréter Paroles paroles à un... sourd-muet. Que dire aussi de cette émouvante profession de foi extraite de Starmania reprise en choeur : "Nous, tout c' qu'on veut c'est être heureux" ?... On en prend plein la gueule, on s'en remplit le coeur et, surtout on reçoit une magnifique leçon de courage et de fringale de vie.
Vous l'aurez compris, en marge de la légitime émotion qui nous submerge parfois, on rit presque tout le temps dans ce spectacle. Il y a même deux-trois moments particulièrement épiques qui nous laissent pantois dans nos sièges, comme ce numéro de pure folie auquel se livre la directrice du centre, un numéro d'une puissance comique digne des plus célèbres comédies de boulevard. Et j'en tais bien d'autres pour vous en garantir l'effet de surprise.
Hors la Loi, c'est une superbe et vivifiante com"handi" musicale !!!